Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans

Poésies de Charles d'Orléans - Charles d'Orléans


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je vous tiens pour ma seule maistresse.

       BALADE.

      Vueilliez voz yeulx emprisonner,

      Et sur moy plus ne les gectez;

      Car quant vous plaist me regarder,

      Par Dieu, Belle, vous me tuez;

      Et en tel point mon cueur mectez

      Que je ne scay que faire doye;

      Je suis mort se vous ne m'aidez,

      Ma seule souveraine joye,

      Je ne vous ose demander

      Que vostre cueur vous me donnez,

      Mais, se droit me voulez garder

      Puisque le cueur de moy avez,

      Le vostre fault que me laissiez;

      Car sans cueur vivre ne pourroye;

      Faictes en, comme vous vouldrez,

      Ma seule souveraine joye.

      Trop hardy suis d'ainsi parler,

      Mais, pardonner le me devez

      Et n'en devez autruy blasmer,

      Que le gent corps que vous portez

      Qui m'a mis, comme vous veez,

      Si fort en l'amoureuse voye,

      Qu'en vostre prison me tenez,

      Ma seule souveraine joye.

      L'ENVOY.

      Ma Dame, plus que ne savez,

      Amour, si tres fort me guerroye,

      Qu'à vous me rens, or me prenez,

      Ma seule souveraine joye.

       BALADE.

      C'est grand peril de regarder

      Chose dont peut venir la mort,

      Combien qu'on ne s'en scet garder

      Aucunes foiz, soit droit ou tort,

      Quant plaisance si est d'accord

      Avecques ung jeune desir,

      Nul ne pourroit son coeur tenir

      D'envoyer les yeulx en messaige;

      On le voit souvent avenir,

      Aussi bien au fol comme au saige.

      Lesquelz yeulx viennent raporter

      Ung si tres gracieulx raport

      Au cueur, quant le veult escouter,

      Que s'il a eu d'amer l'effort,

      Encores l'aura il plus fort;

      Et le font du tout retenir

      Ou service, sans departir

      D'amours, à son tres grant dommaige

      On le voit souvent avenir,

      Aussi bien au fol comme au saige.

      Car mains maulx lui fault endurer,

      Et de soussy passer le port,

      Avant qu'il puisse recouvrer

      L'acointance de Reconfort,

      Qui plusieurs foiz au besoing dort,

      Quant on se veult de lui servir;

      Et lors il est plus que martir;

      Car son mal vault trop pis que raige,

      On le voit souvent avenir,

      Aussi bien au fol comme au saige.

      L'ENVOY.

      Amour, ne prenez desplaisir

      S'ay dit le mal que fault souffrir,

      Demourant en vostre servaige;

      On le voit souvent avenir,

      Aussi bien au fol comme au saige.

       BALADE.

      Comment se peut ung povre cueur deffendre,

      Quand deux beaulx yeulx le viennent assaillir;

      Le cueur est seul, desarmé, nu et tendre,

      Et les yeulx sont bien armez de plaisirs;

      Contre tous deux ne pourroit pié tenir.

      Amour aussi est de leur aliance,

      Nul ne tendroit contre telle puissance.

      Il lui convient ou mourir ou se rendre,

      Trop grant honte lui seroit de fuir;

      Plus baudement les oseroit actendre,

      S'il eust pavais dont il se peust couvrir;

      Mais point n'en a, si lui vault mieux souffrir,

      Et se mectre tout en leur gouvernance,

      Nul ne tendroit contre telle puissance.

      Qu'il soit ainsi bien me le fist aprendre

      Ma maistresse, mon souverain desir,

      Quand il lui pleut ja pieca entreprendre

      De me vouloir de ses doulx yeulx ferir;

      Oncques depuis mon cueur ne peut guerir,

      Car lors fut il desconfit à oultrance;

      Nul ne tendroit contre telle puissance.

       BALADE.

      Espargniez vostre doulx actrait,

      Et vostre gracieux parler,

      Car Dieu scet les maulx qu'ilz ont fait

      A mon povre cueur endurer;

      Puisque ne voulez m'acorder

      Ce qui pourroit mes maulx guerir,

      Laissiez moy passer ma meschance,

      Sans plus me vouloir assaillir

      Par vostre plaisant acointance.

      Vers Amours faictes grant forfait,

      Je l'ose pour vray advouer;

      Quant me ferez d'amoureux trait,

      Et ne me voulez conforter,

      Je croy que me voulez tuer.

      Pleust à Dieu que peussiez sentir

      Une foiz la dure grevance

      Que m'avez fait longtemps souffrir

      Par vostre plaisant acointance.

      Helas! que vous ay je meffait

      Par quoy me doyez tourmenter;

      Quant mon cueur d'amer se retrait,

      Tantost le venez rappeller;

      Plaise vous en paix le laissier,

      Ou lui acorder son desir;

      Honte vous est, non pas vaillance,

      D'un loyal cueur ainsi meurdrir

      Par vostre plaisant acointance.

       BALADE.

      N'a pas longtemps qu'alay parler

      A mon cueur tout secretement,

      Et lui conseillay de s'oster

      Hors de l'amoureux pensement;

      Mais


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