Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans
maintendra, et gracieusement;
Le tiers point est que, selon sa puissance,
Querra honneur et poursuivra vaillance;
Le quatriesme qu'il soit plain de largesse,
Car c'est chose qui avance noblesse;
Le cinquiesme qu'il suivra compaignie,
Amant honneur, et fuiant villenie.
Le sixiesme point et le derrenier
Est qu'il sera diligent escollier,
En aprenant tous les gracieux tours,
A son povoir, qui servent en amours,
C'est assavoir à chanter, à dancer,
Faire chancons, et balades rimer,
Et tous autres joyeulx esbatemens.
Ce sont icy les dix commandemens,
Vray Dieu d'amours, que je ferai jurer
A cest enfant, s'il vous plaist l'appeller.
Lors m'appella, et me fist les mains mectre
Sur ung livre en me faisant promectre
Que feroye loyaument mon devoir
Des poins d'amours garder, à mon povoir;
Ce que je fis de bon vueil lyement;
Adonc Amour a fait commandement
A Bonnefoy d'Amours chief secretaire
De ma lectre de Retenue faire;
Quant faicte fut, Loyaulté la scella
Du scel d'Amours et la me délivra.
Ainsi Amour me mist en son servaige,
Mais pour seurté retint mon cueur en gaige,
Pourquoy lui dis que vivre ne pourroye
En cest estat, s'un autre cueur n'avoye.
Il respondit: Espoir mon medicin
Te gardera de mort soir et matin,
Jusques à tant qu'auras en lieu du tien
Le cueur d'une qui te tendra pour sien,
Gardes tousjours ce que t'ay commandé,
Et je t'auray pour bien recommandé.
COPIE DE LA LECTRE DE RETENUE.
Dieu Cupido, et Venus la Deesse,
Ayans povoir sur mondaine liesse,
Salus de cueur par nostre grant humblesse,
A tous amans
Scavoir faisons que le DUC D'ORLÉANS
Nommé CHARLES à présent jeune d'ans,
Nous retenons pour l'ung de noz servans
Par ces presentes,
Et lui avons assigné sur noz rentes
Sa pension en joyeuses actentes
Pour en joir par noz lectres patentes
Tant que vouldrons,
En esperant que nous le trouverons
Loyal vers nous, ainsi que fait avons
Ses devanciers dont contens nous tenons
Tres grandement.
Pour ce donnons estroit commandement
Aux officiers de nostre Parlement
Qu'ilz le traictent et aident doulcement
En tout affaire,
A son besoing, sans venir au contraire;
Si chier qu'ilz ont nous obeir et plaire,
Et qu'ilz doubtent envers nous de forfaire
En corps et biens,
Le soustenant, sans y epargnier riens,
Contre Dangier avecques tous les siens,
Malle bouche plaine de faulx maintiens,
Et jalousie;
Car chascun d'eulx de grever estudie
Les vraiz subgietz de nostre Seigneurie,
Dont il est l'un, et sera à sa vie,
Car son serment
De nous servir devant tout ligement
Avons receu, et pour plus fermement,
Nous asseurer qu'il fera loyaument
Entier devoir,
Avons voulu en gaige recevoir
Le cueur de lui, lequel, de bon vouloir,
A tout soubzmis en noz mains et povoir;
Pourquoy tenus
Sommes à luy par ce de plus en plus,
Si ne seront pas ses biensfaiz perdus,
Ne ses travaulx pour neant despendus;
Mais pour monstrer
A toutes gens bon exemple d'amer,
Nous le voulons richement guerdonner,
Et de noz biens, à largesse donner,
Tesmoing nos seaulx
Cy actachiez, devant tous nos feaulx,
Gens de conseil, et serviteurs loyaulx
Venus vers nous par mandemens royaulx,
Pour nous servir.
Donné le jour saint Valentin martir,
En la cité de gracieux desir,
Où avons fait nostre conseil tenir.
LE DESSOUBZ DE LA RETENUE
Par Cupido et Venus souverains,
A ce presens plusieurs plaisirs mondains.
BALADE.
Belle, bonne, nompareille plaisant,
Je vous suppli vueilliez me pardonner
Se moy qui sui vostre grace actendant,
Viens devers vous pour mon fait raconter,
Plus longuement je ne le puis celer
Qu'il ne faille que saichiez ma destresse,
Comme celle qui me peut conforter,
Car je vous tiens pour ma seule maistresse.
Se cy à plain vous vois mes maulx disant,
Force d'amours me fait ainsi parler;
Car je devins vostre loyal servant,
Le premier jour que je peuz regarder
La grant beaulté que vous avez sans per,
Qui me feroit avoir toute liesse,
Se serviteur vous plaisoit me nommer;
Car je vous tiens pour ma seule maistresse.
Que me donnez en octroy don si grant,
Je ne l'ose dire, ne demander;
Mais s'il vous plaist que, de cy en avant,
En vous servant puisse ma vie user,
Je vous supply que sans me refuser
Vueillez souffrir qu'y mecte ma jeunesse,
Nul autre bien je ne vueil souhaidier,