Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans
il est l'auteur des rondels que nous allons citer: p. 303 (Rondel Clermondois), 309, 310 et 354. Au rondel de la p. 383, il est désigné sous le nom de Bourbon jadis Clermont; le duc son père venait de mourir, et ceci nous explique les deux premiers vers du rondel suivant, où Charles d'Orléans dit:
Comme parent et alyé
Du duc Bourbonnois à present48.
Note 47: (retour) Pag. 148-150.
Note 48: (retour) Page 383.
Enfin, ce duc Bourbonnois à présent est encore l'auteur de la chanson de la page 235, et de trois rondels (pag. 386, 391, 425), où il est appellé Bourbon49. C'est probablement à ce duc Jean, et en qualité de collaborateur, que Villon empruntait de temps en temps six écus.
Note 49: (retour) Plusieurs de ces rondels ou chansons portent au titre le nom de Bourbon, et sont, par conséquent, postérieurs à l'année 1456. Je m'éloigne donc encore ici de l'opinion émise (p. 425-427) par M. Aimé Champollion qui attribue ces poésies à Jean Ier, duc de Bourbon, mort en 1433.
Hugues le Voys, Pierre Chevalier, Étienne le Gout, Montbreton, Vaillant, n'étaient pas, je crois, gentilshommes; mais à coup sûr, ainsi que le lecteur pourra s'en convaincre facilement, ils n'étaient pas poëtes non plus. Les deux rondels de Guillaume Cadier50 et de Robertet composés en l'honneur de Charles d'Orléans51, les trois rondels de Guiot et de Philippe Pot, sont mauvais. Jean, duc de Lorraine, fils du roi Réné, a fait sept rondels; celui de la page 345 annonce de l'esprit et de la finesse. C'est à ce même duc de Lorraine qu'Antoine de la Sale a dédie le roman du Petit Jehan de Saintré.
Note 50: (retour) Charles d'Orléans nomme ce Guillaume Cadier dans une ballade, p. 148.
Note 51: (retour) Page 424.
Philippe de Boulainvilliers a mis dans le recueil une chanson et un rondel, deux pièces délicieuses qu'on croirait échappées à la plume de Charles d'Orléans; on peut ranger hardiment sur la même ligne les trois rondels et la chanson de Fraigne.
Deux rondels d'un style élégant et pleins de sentiments gracieux portent au titre: Madame d'Orléans; l'abbé de la Rue avait attribué ces deux pièces à Bonne d'Armagnac52, seconde femme du duc d'Orléans, et qui probablement ne fit jamais un vers de sa vie. Nous nous empressons de les restituer à leur véritable auteur, Marie de Clèves.
Note 52: (retour) Essai hist. sur les Bardes. etc. t III, p. 323.
La ballade de Gilles des Ourmes, Je meurs de soif aupres de la fontaine, ressemble à celle de Villon sur le même sujet; la chanson de la page 210 est fine et spirituelle; disons-en autant du rondel de la page 414; celui de la page 349, signé Gilles, est probablement du même auteur. Nous lisons deux ballades et deux rondels de Berthault de Villebresme; la ballade de la page 168, dont chaque vers commence par le mot tost, semble être la continuation de celle de Pierre Chevalier (p. 167), qui offre la même singularité. Les deux Caillau ont composé onze pièces, tant ballades que rondels. Jean est incontestablement supérieur à Simonnet; les rondels des pages 278 et 381 sont fort jolis, surtout le dernier. Benoît d'Amiens ne vaut pas à beaucoup près Jean Caillau. Mais de tous ces poëtes, le plus fécond était, sans contredit, Fredet.
Fredet paraît pour la première fois à la page 169; il écrit une lectre en complainte à Charles d'Orléans, qui répond par une autre complainte, laquelle est suivie d'une nouvelle lettre de Fredet. Les deux poëtes se plaignent et se consolent mutuellement; le premier est tourmenté par Amour et le second par Soussy; ces trois pièces sont froides et dénuées de tout intérêt poétique. Fredet et Charles d'Orléans échangent encore Deux rondels (pages 251, 252) qui ne valent pas mieux que leur complainte; mais bientôt les vers s'animent et se colorent. A la page 279 Fredet dit les grandes douleurs qu'il endure, et Charles d'Orléans (page 280) promet de l'aider de toute sa puissance; en effet un peu plus loin (page 335) le prince dit à son protégé: Vostre fait que savez, va bien. Nonobstant ces bonnes paroles, voici Fredet qui déplore les mauvais tours qu'on lui joue, et appelle la mort à grands cris (page 335). Que voulait Fredet? quels tours lui avait on joué? c'est ce que le livre ne dit pas; mais à la page 336 nous lisons un rondel de Charles d'Orléans où perce le dépit du prince et toute la mauvaise humeur du poëte; il faut remarquer cette pièce, quoique très-faible; elle est la seule de son genre dans le recueil. La pique des deux poëtes amena sans doute une rupture, car à la page 350 Charles d'Orléans se plaint de la longue absence de Fredet, mais d'une façon toute bienveillante; ce rondel, qui a douze vers, est un petit chef-d'oeuvre d'esprit, de bonhomie et de gaieté; la réponse (page 350) nous apprend que Fredet était marié, ce qui fournit à Charles d'Orléans le sujet d'un nouveau rondel (page 351), aussi caustique, aussi piquant qu'un chapitre de Rabelais ou une scène de Molière.
Nous ne pousserons pas plus loin cet examen des collaborateurs de notre poëte. Seulement nous ferons remarquer que tous s'efforçaient d'imiter le maître, et que ceux-là réussissaient le mieux qui, comme Fraigne, Boulainvilliers et Jean Caillau, en approchaient le plus. Il nous reste maintenant à parler de quelques pièces comprises dans le recueil, et dont les auteurs sont inconnus.
L'attribution des poésies qui portent au titre un nom d'auteur doit être mise, par cela même, hors de toute controverse. Les poésies non signées peuvent se diviser en deux catégories: les unes, et c'est l'immense majorité, appartiennent à Charles d'Orléans; les autres, et c'est l'exception, appartiennent à ses collaborateurs; il suffira d'indiquer ces dernières.
Onze ballades commencent par le vers: Je meurs de soif auprès de la fontaine; cinq de ces ballades ne sont pas signées53. Les poëtes du château de Blois, et ceci en offre un exemple, choisissaient ordinairement une pièce de vers qui servait de thème commun; or, il est peu probable que Charles d'Orléans ait composé pour sa part les cinq ballades non signées. Quelles sont celle ou celles qui lui appartiennent? Nous nous bornerons ici à consigner notre doute, car dans ces concours poétiques l'originalité de l'auteur disparaît, pour ainsi dire, derrière la rigueur de programme.
La ballade de la page 166 (Du regime quod dedistis) n'est certainement pas de Charles d'Orléans, car elle sert de réponse à la précédente (Bon régime sanitatis), qui est signée par lui. Nous avons vu plus haut Charles d'Orléans et Fredet échanger deux rondels à propos du mariage de ce dernier; or, je serais tout disposé à voir dans les deux ballades une continuation de la même polémique; d'autant plus que cette réponse non signée est tout à fait dans la manière de Fredet, et j'ajouterai même qu'elle ressortait de la situation. On pourra m'objecter que Fredet n'était pas prince, et que le mot se trouve dans l'envoi de la ballade de Charles d'Orléans; mais nous ferons remarquer que Villon appelait prince son ami Garnier54; ce sont fictions de poëte.
Note 53: (retour)