Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans
un instant on espère la sauver17, mais bientôt la nouvelle de sa mort traverse la mer et arrive au prisonnier18.
Note 15: (retour) C'est ce que paraît indiquer la ballade de la page 61.
Note 16: (retour) Page 64.
Note 17: (retour) Page 65.
Note 18: (retour) Page 66 et suiv.
Dans cet endroit du livre, le poëte exprime sa tristesse d'une façon touchante, et le souvenir de Beaulté, morte en droicte fleur de jeunesse19, restera empreint pour toujours dans ses vers. Toutefois nous ne pouvons passer sous silence une ballade pleine de gémissements funèbres, et où l'auteur s'est représenté faisant une partie d'échecs avec Faulx Dangier en présence d'Amour. Faulx Dangier aidé par Fortune enlève tout à coup la dame de son adversaire, et celui-ci s'écrie:
Par quoy suy mat, je le voy clerement,
Se je ne fais une Dame nouvelle20.
Note 19: (retour) Page 67.
Note 20: (retour) Page 68.
Quelques-unes des ballades suivantes viennent confirmer l'inconstance de l'amant de Beaulté; cependant ne le condamnons pas sans l'entendre. Le poète qui avouait si ingénuement son infidélité a eu le soin de nous laisser aussi sa justification sous la forme de deux ballades, où tout ce que l'allégorie a de plus ingénieux, tout ce que la forme du langage a de plus frais et de plus élégant, tout ce que la pensée offre de plus naïf et de mieux senti, se trouve rassemblé21. Nous nous rangerons volontiers à l'opinion de ceux qui compteront ces deux ballades au nombre des plus charmantes du recueil.
Note 21: (retour) Voyez la ballade qui commence à la p. 70 et la suiv.
Charles d'Orléans avait épousé en 1410 (d'autres disent qu'elle lui fut seulement fiancée) Bonne d'Armagnac; or, quelques critiques guidés sans doute par un sentiment de haute moralité, ont cru voir dans Bonne d'Armagnac la femme si éloquemment chantée par le prisonnier. Mais comme cette conjecture, que rien dans les manuscrits ne peut autoriser, tendrait tout simplement à rendre inexplicable le tiers des poésies composées par Charles d'Orléans, nous devons nous y arrêter un instant.
Dans quelques-unes de ses premières poésies, Charles d'Orléans se plaint douloureusement, parfois avec un certain dépit, des rigueurs de sa dame, et la forme de ces reproches ne peut en vérité convenir aux calmes relations d'une union conjugale22. Nous signalerons aussi une ballade où le prisonnier dit la joie que lui causera, à son retour en France, la présence de cette même dame, à laquelle il recommande de craindre Dangier qui les épie, mais qui à la fin trompé sera23. Ces particularités et nombre d'autres semblables que nous omettons, ne paraissent pas devoir s'appliquer à une épouse légitime. Mais continuons: Bonne d'Armagnac mourut un mois après la bataille d'Azincourt, et il est matériellement impossible que dans ce court intervalle les deux époux aient eu le temps d'écrire, l'un ses nombreuses ballades, l'autre ses chansons. Enfin, le duc de Bourbon, aussi prisonnier en Angleterre, revint en France, et à cette occasion son cousin Charles d'Orléans lui adressa une ballade où il dit: Recommandez moy sans point l'oublier, à ma Dame24. Or le voyage du duc de Bourbon est de l'année 1417, et Bonne d'Armagnac était morte en 1415. Quant au nom de la femme que nous avons appelée avec le poëte Beaulté, car nous la soupçonnons fort d'être aussi la dame de la ballade, c'est une petite énigme littéraire dont les manuscrits ne donnent pas le mot, et que nous laisserons à nos successeurs25.
Note 22: (retour) Voy. la ballade de la page 27 (Belle que je tiens pour amye); voy. la chanson de la page 194 (Quelque chose que je die), etc., etc.
Note 23: (retour) Pag. 61.
Note 24: (retour) Pag. 148.
Note 25: (retour) En ouvrant l'édition des poésies de Charles d'Orléans publiée par M. Aimé Champollion, nous n'avons pas été médiocrement surpris de trouver des ballades ainsi intitulées: Ballade sur la maladie de la duchesse d'Orléans; Ballade sur la guérison de la duchesse d'Orléans; Ballade sur les obsèques de la duchesse d'Orléans, etc., etc. J'ignore dans quel manuscrit le nouvel éditeur a puisé les titres de ces ballades; mais je ne puis véritablement adopter son avis sur ce point.
A la page 80, commence le Songe en complainte qui forme le complément, ou si l'on veut, la contre-partie du poëme placé en tête du recueil. Le Songe en complainte porte la date de 143726; Charles d'Orléans avait alors quarante-six ans, Beaulté était morte et le temps Des jeunes amours passé. Ung vieil homme lequel Aage s'appelle apparaît en songe au prisonnier; mais, cette fois, Aage est devenu philosophe, ses discours sont pleins d'une moralité affectueuse et de sages conseils; il reproche doucement au poëte une vie dépensée dans les loisirs inutiles; puis il ajoute:
Avisez vous, ce n'est pas chose fainte;
Car Vieillesse, la mère de courrous,
Qui tout abat et amaine au dessoubz,
Vous donnera dedens brief une atainte27.
Note 26: (retour) Page 92.
Note 27: (retour) Page 81.
A ce mot de vieillesse le poëte effrayé se résigne courageusement et va redemander son coeur à Amour (on se souvient que vaincu par Beaulté, Charles d'Orléans avait laissé à Amour son coeur en Gage). Le poëte reprend donc son coeur et sa quittance, abandonne pour jamais la maison du seigneur Amour; puis, guidé par Confort, il arrive Bientôt à l'ancien manoir que l'en appelle Nonchaloir, et demande au gouverneur Passetemps la permission de demeurer avec lui le reste de Ses jours. Ce petit poëme entremêlé de ballades est tout à fait dans le goût de celui auquel