Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans
5: (retour) Du Tillet dit 1393, et Juvénal des Ursins 1394.
Note 6: (retour) Christine de Pisan, le Livre des fais du sage roy Charles V. Collect. Petitot, t. V, p. 371.
Note 7: (retour) Hist. du château de Blois, par L. de la Saussaye, p. 44. Lemaire [Hist. et antiquités de la ville d'Orléans, p. 96. Édit. in-folio] explique ainsi ces deux S: Solam soepe seipsam sollicitari suspirareque, c'est-à-dire: Seule souvent elle nourrit sa douleur.
Note 8: (retour) Isabelle, fille aînée de Charles VI, et déjà veuve de Richard II, roi d'Angleterre, avait épousé Ch. d'Orléans en 1406.
Un singulier contraste frappe tout d'abord dans Charles d'Orléans: d'une part, sa vie est ébranlée par les plus cruelles tourmentes; de l'autre, une certaine tranquillité d'âme, des moqueries pleines de finesse et une résignation placide, paraissent dans ses vers. On démêle bien au fond des plus joyeux rondels échappés à sa plume quelque chose de réfléchi, de grave et de mélancolique: Je suis cellui au cueur vestu de noir, dit-il dans les premières pages de son livre 9. Cependant, à proprement parler, Charles d'Orléans n'a fait que des poésies légères, quelques plaintives élégies et des chansons amoureuses.
Note 9: (retour) Page 31.
Dans le poëme qui ouvre le recueil, l'auteur raconte, au milieu d'une continuelle allégorie, comment il fut conduit par dame Jeunesse dans la maison du seigneur Amour, comment il fut vaincu par Beaulté (Beaulté est la Béatrix de notre poëte, nous y reviendrons tout à l'heure), Comment il laissa à Amour son coeur en gage, et comment il promit de faire balades et chancons rimer. Dame Merencolie, dame Enfance, Joye, Soussy et autres personnifications des sentiments humains, se retrouvent dans toutes les poésies de Charles d'Orléans.
Cette narration est froide, quoique d'une rime assez élégante. Les ballades qui suivent sont uniquement consacrées à la louange de Beaulté (le lecteur nous permettra de laisser ce nom à une femme qui joue un grand rôle dans la vie littéraire de Charles d'Orléans, et dont nous aurons quelquefois à parler). Dans ces premières pages inspirées par la douleur d'une séparation récente, le vers du poète s'affermit visiblement, un élan inaccoutumé échauffe sa verve, et déjà brillent çà et là toute l'originalité et toute la richesse de sa manière. Tantôt l'amant s'abandonne à une triste rêverie, tantôt il soupire gracieusement les peines de l'absence; parfois il craint d'être oublié10 et rappelle à sa maîtresse les serments jurés dans la maison du seigneur Amour11. Alors Beaulté se hâte de rassurer son bel amy sans per, puis la correspondance continue plus active et plus passionnée. Je ne sais si cette femme, dont le poëte a tu discrètement le nom, méritait tous les éloges qu'il lui donne, mais à coup sûr elle faisait des vers fort tendres; citons la première stance d'une de ses chansons:
Mon seul amy, mon bien, ma joye,
Cellui que sur tous amer veulx,
Je vous pry que soyez joyeux,
En esperant que brief vous voye 12
Écoutons maintenant la réponse du poëte:
Je ne vous puis, ne scay aimer,
Ma Dame, tant que je vouldroye,
Car escript m'avez pour m'oster
Ennuy qui trop fort me guerroye:
«Mon seul amy, mon bien, ma joye,
»Cellui que sur tous amer veulx,
»Je vous pry que soyez joyeux,
»En esperant que brief vous voye13.
Je demande pardon au lecteur d'insister sur ces détails; mais je devais lui signaler une petite confusion échappée à deux éditeurs14 qui ont compris dans les oeuvres de Charles d'Orléans les poésies de sa maîtresse. Cette erreur est d'autant plus facile à rectifier, que la plus simple lecture suffit, à défaut de tout autre indice, pour montrer que les poésies dont nous parlons, ont été composées par une femme et envoyées au poëte prisonnier.
Note 12: (retour) Page 232.
Note 14: (retour) MM. Chalvet et Aimé Champollion. Chalvet a édité en 1803, les poésies de Charles d'Orléans, d'après le manuscrit incomplet qui est conservé à la bibliothèque de Grenoble. Notre édition est la seconde, ou si l'on veut la première, et pour mieux dire la seule, qui offre d'une part toutes les poésies de Charles d'Orléans, et de l'autre celles de ses collaborateurs: elle a paru en deux livraisons, d'abord le texte, ensuite l'introduction et le glossaire. Dans l'intervalle de temps qui s'est écoulé entre ces deux publications, M. Aimé Champollion-Figeac, de la Bibliothèque royale, etc., a mis au jour une troisième édition du même livre. Je n'ai pas le loisir d'examiner ici le travail du nouvel éditeur, je me bornerai à indiquer en note quelques-uns des principaux points sur lesquels nos opinions diffèrent le plus.
Ainsi c'est à Beaulté et non pas à Charles d'Orléans qu'il faut attribuer la chanson de la page 227 (Se Dangier me tolt le parler), celle de la page 232 (Mon seul amy, mon bien, ma joye), celle de la page 428 (Faire ne puis joyeulx semblant), et le rondeau de la page 427 (Mon amy, Dieu te convoye): ce rondeau et celui du poëte (J'ay tant en moy de desplaisir, page 427) sembleraient avoir été écrits à l'époque même où le prisonnier d'Azincourt quittait la France. Nous attribuerons aussi à Beauté la chanson de la page 214 (Pour vous monstrer que point ne vous oublie), celle de la page 220 (Comment vous puis je tant aimer), et même le rondel de la page 208 (Pour le don que m'avez donné), ici l'auteur paraît répondre à deux chansons (Ce mois de may, nompareille princesse, page 197, et Belle que je cheris et crains, page 203) composées par Charles d'Orléans.
La chanson de la page 233 (Au besoing congnoist on l'amy) est sans contredit de Beaulté; la jeune femme annonçait son prochain départ pour l'Angleterre, projet longuement médité entre les deux amants; le voyage n'eut pas lieu15, et c'est ici que finissent tout à la fois les premières amours du poëte et les derniers