Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs

Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet - Divers Auteurs


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attaque le manifeste du prince de Condé (17 avril).—Les princes sont mal accueillis à la chambre des comptes et à la cour des aides (22 et 23 avril).—Dispositions peu favorables de l'Hôtel de Ville.—Arrestation de l'abbé Fouquet (24 avril).—Les campagnes sont désolées par les troupes des deux partis.—Destruction des bureaux d'entrée.—Plaintes du prévôt des marchands adressées au parlement (26 avril).—Les princes forcés de négocier avec la cour (28 avril).—État misérable de Paris.—On engage le peuple à secouer le joug des princes.

      Ce fut après le premier exil de Mazarin, en 1651, que Chavigny fut rappelé de Touraine à Paris. Il entra dans le ministère réorganisé sous l'influence du prince de Condé, au mois d'avril 1651, et y fut considéré comme le principal défenseur de ses intérêts dans le conseil[101].[T.I pag.59] Le coadjuteur, qui aurait voulu y faire prédominer le parti du duc d'Orléans, dont il était alors le conseiller intime, attaqua Chavigny dans un pamphlet intitulé: Les Contre-temps du sieur de Chavigny, premier ministre de M. le Prince[102]. «Il fallait, disait Retz, que Chavigny quittât la solitude pour aller porter le flambeau de la division dans la maison royale, pour servir d'un nouveau prétexte et d'une nouvelle cause à la division de la reine et de S.A.R., et pour conférer tous les jours sur ce sujet avec toutes les créatures du cardinal Mazarin. Quel contre-temps à un homme établi de se venir jeter dans la tempête, sur une mer pleine de périls et d'écueils, agitée encore par les vents et par les orages, et dont les mouvements incertains ne pouvaient qu'être évités par un esprit tant soit peu judicieux; d'avoir prétendu de se vouloir rendre maître, dans un temps où il n'y avait personne au monde qui pût pénétrer où elle devait tomber; d'avoir espéré la confiance au moment que l'on ne pouvait judicieusement fixer aucun dessein pour les choses même les plus faciles; d'avoir cru que le cardinal la lui confiait de bonne foi dans un État où ses amis les plus assurés lui étaient suspects; de s'être imaginé de pouvoir perdre Monsieur et tous ses serviteurs par la liaison de la reine et de M. le Prince, qu'un homme sage eût bien connu ne pouvoir être de durée de la manière qu'elle s'était faite! Il ne faut que jeter les yeux sur cette conduite pour la considérer avec pitié.»[T.I pag.60]

      Le coadjuteur donne lui-même un démenti à son prétendu mépris pour Chavigny, par l'âpreté avec laquelle il poursuit ce rival redoutable. Il avait raison, cependant, lorsqu'il déclarait que l'alliance de la reine et de Condé ne serait pas longue, et qu'avec elle tomberait le ministère de Chavigny. Il ne dura que quelques mois. Lorsque le prince de Condé s'éloigna de Paris pour aller en Guienne allumer la guerre civile (septembre 1651), Chavigny se retira dans ses terres; mais il n'y resta pas longtemps en repos. Dès le mois de janvier 1652, il fit faire des ouvertures à Mazarin par l'intermédiaire de l'abbé Fouquet; en même temps il se servait de Fabert, gouverneur de Sedan, pour correspondre avec le cardinal. Il lui promettait l'appui du prince de Condé, et même celui du duc d'Orléans, sur lequel il se flattait d'exercer une grande influence. Mazarin, qui connaissait à fond Chavigny, ne lui témoigna qu'une médiocre confiance: «Je vous ai déjà mandé, répondait-il à l'abbé Fouquet le 31 janvier 1652, que je n'avais d'animosité contre personne. Si M. de Chavigny fait connaître évidemment qu'il veut se mettre dans le bon chemin, et que pour cet effet il porte S.A.R. (Gaston d'Orléans) à prendre les résolutions qu'elle doit pour le service du roi et pour le bien de l'État, il se peut assurer qu'il n'aura pas sujet de se plaindre de moi; mais il faut des effets et non pas des paroles.»

      Chavigny s'en tint aux paroles, et le cardinal Mazarin, tout en négociant avec lui, démêlait parfaitement le but de cet ambitieux. Il écrivait un peu plus tard à l'abbé Fouquet: «Il me semble que M. de Chavigny est le grand[T.I pag.61] conseiller de Son Altesse Royale, à qui assurément il fait croire qu'il sera en mauvais état s'il ne se déclare et ne fait des démonstrations éclatantes et positives pour M. le Prince, parce que autrement ledit prince, étant maître de l'armée, et voyant qu'il ne peut se prévaloir de l'assistance et de l'amitié de Son Altesse Royale, s'accommodera avantageusement avec la cour. Il ne faut pas douter que cette appréhension ne soit capable de porter Son Altesse Royale à tout ce qu'on lui conseillera à l'avantage de M. le Prince, nonobstant la jalousie et même l'aversion qu'il a contre lui.» Et plus loin: «M. de Chavigny, avec ses adhérents, gagne pays furieusement, et avec l'assistance de M. le Prince il viendra à bout de tout: ce qui ne peut être que très-préjudiciable à Leurs Majestés, à M. le cardinal de Retz et à moi. Car je ne m'arrête nullement à tous les bruits que l'on fait courir, avec tant d'artifice, que M. le cardinal de Retz est d'accord avec M. de Chavigny, et qu'il s'est accommodé par son moyen avec M. le Prince, sachant fort bien qu'il est incapable par mille raisons d'une chose de cette nature.»

      Le parti des princes devenait, en effet, chaque jour plus menaçant. Pendant que le cardinal de Retz, qui avait enfin la pourpre romaine, s'enfermait dans sa cathédrale et affectait de se retirer du monde, on voyait arriver à Paris des troupes recrutées dans les Pays-Bas espagnols et conduites par le duc de Nemours et par le baron de Clinchamp[103]. Ce fut le 5 mars 1652 que le duc[T.I pag.62] de Nemours entra dans Paris. Une lettre datée de ce jour en avertissait Mazarin. «M. de Nemours, lui écrivait-on, est arrivé ici cette après-dînée, accompagné de quatre cents chevaux, y compris ce que l'on avait envoyé au-devant de lui; il a traversé toute la ville en cet équipage, et est allé descendre au palais d'Orléans (au Luxembourg).»

      L'arrivée de ces renforts exalta les espérances des Frondeurs. Suivant l'usage du temps, on mêla les fêtes et la danse à l'appareil militaire. «En considération de M. de Clinchamp et de tous ses officiers, dit mademoiselle de Montpensier dans ses Mémoires[104], Monsieur voulut que l'on fît une grande assemblée chez moi, le jour de la mi-carême, à quoi j'obéis volontiers. Il y eut un ballet assez joli: ce que M. de Clinchamp admira moins que la beauté des dames de France, aussi bien que tous les colonels. Car pour lui, quoiqu'il servît le roi d'Espagne, il était Français, de la frontière de Lorraine. Il avait été, de jeunesse, nourri en cette cour, et M. de Lorraine l'avait engagé au service des Espagnols. Il me vint voir souvent, et me témoignait qu'il n'eût rien souhaité avec plus de passion que de me voir maîtresse des Pays-Bas. Je tournais ce discours en raillerie, ne le connaissant pas assez pour pouvoir prendre cela autrement, comme j'ai fait depuis. Avant qu'il partit d'ici, M. de Nemours et lui me prièrent qu'ils pussent voir encore danser chez moi une fois avant de partir. Je lui donnai[T.I pag.63] encore un bal, mais il fut plus petit que l'autre.» Au milieu de ces fêtes et de la joie que l'arrivée de ces auxiliaires causait aux Frondeurs, ils apprirent avec effroi que l'armée royale venait de s'emparer d'Angers (7 mars) et poursuivait ses succès aux bords de la Loire. «L'on est, depuis cette nouvelle, fort étonné au Luxembourg, écrivait à Mazarin un de ses partisans. L'on y a fait monter les deux canons tirés de la Bastille, et on dit aux spectateurs que c'est contre les Mazarins. L'on croit qu'ils y demeureront pour la garde du Luxembourg. Quelques capitaines de la ville, sur un avis supposé qu'on voulait enlever Son Altesse Royale, ont été s'offrir avec leurs compagnies. Les bien intentionnés s'étonnent de la conduite du chancelier[105], qui s'est venu fourrer à Paris pour donner des conseils, avec Chavigny et Tubeuf[106], à M. le duc d'Orléans contre le service du roi, et que les trois qui ont le plus vécu des bienfaits du roi soient aujourd'hui ses plus grands ennemis. Le passage des Espagnols nous le confirme à l'égard du premier. Plusieurs ont trouvé à redire que l'on n'ait pas pourvu à ce passage de la Seine par les Espagnols, et que les gouverneurs de Champagne et de Picardie n'aient pas fait plus de diligence pour s'y opposer. Mais on excuse M. d'Elbeuf, qui est assez occupé à faire danser des ballets et à se poudrer. A Paris, les affaires sont en tel état, qu'on n'oserait y crier la lettre du roi à M. le maréchal[T.I pag.64] de l'Hôpital[107], d'autant que les Frondeurs tiennent la prise d'Angers pour fausse, quoiqu'elle soit très-assurée. Un colporteur a même, ce matin, été maltraité pour cela. Il y a aussi quelques jours qu'un Suisse, qui parut tant à la cavalcade de la majorité, pensa être très-maltraité pour avoir blâmé un colporteur qui criait je ne sais quel pamphlet contre Son Éminence.»

      Ainsi Paris commençait à être le théâtre de violences par lesquelles les Frondeurs espéraient effrayer les partisans de Mazarin, entraîner les indécis et triompher enfin du cardinal. Cependant l'irrésolution de Gaston les inquiétait. «L'on voit l'esprit de M. le duc d'Orléans plus embarrassé que jamais, écrivait un


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