Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs

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M. le procureur général, afin qu'ils agissent de concert en tout ce qui regarde le parlement et les propositions d'accommodement qui pourraient être faites.»

      Les princes, voyant que la bourgeoisie, le parlement et le clergé étaient disposés à envoyer des députations au roi pour le supplier de rentrer à Paris, annoncèrent l'intention de prendre part à cette démarche, et firent demander des passe-ports pour le maréchal d'Étampes, le comte de Fiesque et la Mothe-Goulas, qui devaient se rendre à Compiègne où était la cour[288]. Leur demande[T.I pag.156] fut rejetée, comme ils s'y attendaient. Aussi avaient-ils adopté d'autres mesures. Ils appelaient en France des auxiliaires allemands que leur amena le duc Charles de Lorraine. Mécontent de la cour qui ne lui avait pas rendu ses États et toujours avide de pillage, le duc de Lorraine vint de nouveau apporter aux princes un secours aussi odieux et aussi inutile que le premier. Les troupes des princes rivalisaient de violences avec les Lorrains. Elles envahirent et pillèrent les faubourgs Saint-Germain, Saint-Jacques et Saint-Marceau. Elles se répandirent ensuite sur les deux rives de la Seine, aux faubourgs Saint-Victor et Saint-Antoine, et continuèrent à vivre aux dépens des habitants.

      Les bourgeois, irrités de la conduite des princes, se réunirent alors en plus grand nombre et avec plus de hardiesse. «A quoi bon, disaient-ils[289], tant de délais? Que n'allons-nous trouver le roi et le prier de venir en sa bonne ville de Paris?» Les plus intrépides déclarèrent aux frondeurs qu'ils étaient disposés à demander au roi des troupes pour chasser les bandes de pillards qui ravageaient Paris et les environs.

      En même temps on recevait de tous côtés de mauvaises nouvelles pour le parti des princes: Montrond (Cher), une de leurs principales forteresses, était pris. Le chancelier, qui pendant quelque temps avait suivi le parti des frondeurs, et le président de Mesmes,[T.I pag.157] étaient allés rejoindre le parlement de Pontoise, dont l'autorité commençait à s'établir. Enfin, les politiques du parti des princes reconnaissaient qu'il fallait songer à se réconcilier avec la cour. A leur tête était Chavigny. «Je vous dirai, dans la dernière confidence, écrivait Mazarin à l'abbé Fouquet le 5 septembre, que M. de Chavigny m'a fait savoir, par le moyen de M. Fabert, que M. Goulas se devait aboucher avec vous, et, comme vous ne m'en mandez rien, cela me met en peine. Il faudrait vous conduire dans cette conférence, selon ce que vous diraient MM. Servien et le Tellier, et je serais d'autant plus aise que les affaires passassent par les mains de M. Goulas, que je le sais très-homme d'honneur et extrêmement des amis de M. le procureur général. Vous pouvez aller à Pontoise, et vous m'obligerez de dire à M. le procureur général que j'ai la dernière confiance en lui sans aucune réserve.»

      Le lendemain, 6 septembre, Mazarin écrivait au procureur général, Nicolas Fouquet, les lettres suivantes, qui attestent à quel point il comptait sur lui: «Je vous suis très-obligé du soin que vous avez voulu prendre de m'informer de ce qui s'est passé à Pontoise depuis mon départ, et de ce que vous avez appris du coté de Paris. Je n'ai pas écrit une lettre à M. votre frère que je ne l'aie prié de vous bien assurer de mon amitié, et que je me confie de tout en vous sans aucune réserve. Je vous confirme la même chose, et j'ose vous dire que, si vous pouviez voir là-dessus mes véritables sentiments, vous en seriez assurément fort satisfait.

      «C'est un mal que le nombre de ceux qui composent[T.I pag.158] le parlement[290] soit si petit; mais comme l'on me mande de Compiègne que l'on y envoyait les maîtres des requêtes qui étaient auprès du roi, que je crois que M. de Mesmes et son fils parlaient pour le même effet et en très-bonne disposition de servir le roi, et que d'autres conseillers devaient sortir de Paris pour s'y rendre, je m'assure qu'à présent la compagnie sera bien augmentée.

      «Je ne vois pas que de la cour on ait inclination à permettre à M. de Longueil d'y aller sans tout le reste de la famille, parce que, s'il y était, il semble que cela pourrait empêcher en quelque façon que l'on n'agit contre ses proches. Néanmoins, je vous prie d'en mander votre sentiment à MM. Servien et le Tellier aussi bien que toutes les pensées qui vous viendront dans l'esprit sur d'autres matières, parce que je sais qu'à la cour on y déférera extrêmement.

      «Je sais ce que vous a mandé M. Goulas; c'est une personne pour qui j'ai estime et affection, et que je crois fort homme d'honneur et bien intentionné. Mais je veux bien vous dire qu'il semble qu'il use d'une manière de menaces dans son écrit, et qu'elles sont fort superflues à mon égard. Car je vous jure devant Dieu que je me confinerais avec joie en Canada, si je croyais que cela pût établir la tranquillité du royaume, et que l'on se trompe fort si ou croit que le désir de mon retour puisse contribuer en aucune façon à me faire faire un pas de plus ou de moins en ce que je ne croirai pas être du service du roi.[T.I pag.159]

      «J'ai trouvé très-judicieux et bien conçu ce que vous me mandez sur le refus qu'on a fait des passe-ports[291], et je ne crois pas que la seconde fois il y eût un inconvénient de les accorder conditionnés comme vous le marquiez et avec les mêmes précautions, c'est-à-dire de ne souffrir les députés traiter avec personne, et de leur imposer silence, s'ils voulaient parler d'autre chose au roi que de remercîments et des offres d'exécuter ce que Sa Majesté désirait. Mais à présent qu'elle s'est encore plus engagée à ce refus, je crois que l'on y doit persister, parce que l'on ne pourrait pas retourner en arrière, sans que cela fût imputé à faiblesse.

      «Je vous dirai de plus sur ce sujet, dans la dernière confidence, que M. de Chavigny m'a fait savoir, par le moyen de M. Fabert, que l'on était fort porté à Paris à l'accommodement, et que M. Coulas se devait aboucher avec M. votre frère, qui néanmoins ne m'en a rien écrit; de sorte qu'en ce cas il n'est plus besoin de députation, et il nous est bien plus avantageux que les choses se passent par cette voie, parce que, si cette conférence ne produit rien de bon pour nous, il sera fort aisé à Leurs Majestés de dire qu'elles n'en ont eu aucune connaissance, en cas que les princes en voulussent tirer avantage en la publiant, et il n'en serait pas de même d'une députation publique, où il ne se passerait rien que tout le monde ne sût.

      «Je vous prie de faire mes recommandations à mes amis de delà, et particulièrement à ceux qui sont du grand secret, et surtout à M. le Coigneux, de qui, à[T.I pag.160] vous parler franchement, je vous dirai que la manière me plaît au dernier point, et que je prétends, à quelque prix que ce soit, qu'il soit mon ami de la bonne sorte.

      «Il est impossible que le cardinal de Retz ne remue quelque chose en tout ceci; il faut bien prendre garde à lui; car assurément il n'a rien de bon dans l'âme, ni pour le roi, ni pour l'État, ni pour moi. J'en ai écrit au long à MM. Servien et le Tellier, et je vous conjure aussi de n'oublier rien de votre côté pour rompre ses desseins, en cas que vous les puissiez pénétrer.

      «Je vous prie aussi de voir si, par le moyen des amis que vous avez à Paris, on pourrait adroitement, même en y employant quelque argent, ramener les esprits à mon égard, puisqu'ils commencent déjà à être mal satisfaits des princes, et qu'il y a apparence qu'ils le seront toujours de plus en plus.»

      Une seconde lettre, du même jour, montre quelles étaient, à ce moment, les inquiétudes du cardinal. Il redoutait surtout le marquis de Châteauneuf et le cardinal de Retz; il connaissait leur habileté, leur ambition et leurs intrigues. «Je vous fais ce mot à part, écrivait-il à Nicolas Fouquet, pour vous dire qu'il est faux que M. le Prince ait envoyé vers moi, comme M. de Châteauneuf a assuré, s'il ne veut entendre ce que M. de Chavigny a écrit à M. Fabert. J'eusse été de votre avis à l'égard de la proposition que ledit Châteauneuf avait faite d'envoyer une personne de confiance en secret à Paris; car, comme vous dites, on aurait pu tout désavouer, si l'intérêt du roi l'eût ainsi requis. Mais, si l'abbé Fouquet a[T.I pag.161] vu Goulas, ce sera la même chose, et beaucoup mieux, puisque ledit Châteauneuf ne sera pas même de l'affaire.

      «Je vous conjure de vous appliquer à rompre, par toutes sortes de voies, les desseins du cardinal de Retz, et de croire comme un article de foi, que, nonobstant toutes les belles choses qu'il fera et les protestations de sa passion au service de la reine et de vouloir me servir sincèrement et de pousser M. le Prince, il n'a rien de bon dans l'âme, ni pour l'État, ni pour la reine, ni pour moi. Il faut donc bien garder les dehors et empêcher qu'il ne s'introduise et qu'il ne puisse jouer en apparence, ni à la


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