Poésies choisies de André Chénier. André Chénier
POÉSIES DIVERSES.
I. HYMNE À LA JUSTICE
II. ... TERRE, TERRE CHÉRIE
III. LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS
IV. LA FRIVOLITÉ
V. LE POÈTE
ODES.
I. A VERSAILLES
II. A MARIE-ANNE-CHARLOTTE CORDAY
III. LA JEUNE CAPTIVE
ÏAMBES.
I. HYMNE
II. QUAND AU MOUTON BÊLANT
III. COMME UN DERNIER RAYON
POÉSIES CHOISIES
DE
ANDRÉ CHÉNIER
BUCOLIQUES
IDYLLES ET FRAGMENTS D'IDYLLES
I
L'AVEUGLE
'Dieu dont l'arc est d'argent, dieu de Claros, écoute;
O Sminthée-Apollon, je périrai sans doute,
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant.'
C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant,
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Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S'asseyait. Trois pasteurs, enfants de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents
Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants.
Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète,
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Protégé du vieillard la faiblesse inquiète;
Ils l'écoutaient de loin, et s'approchant de lui:
Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui?
Serait-ce un habitant de l'empire céleste?
Ses traits sont grands et fiers; de sa ceinture agreste
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Pend une lyre informe; et les sons de sa voix
Émeuvent l'air et l'onde, et le ciel et les bois.'
Mais il entend leurs pas, prête l'oreille, espère,
Se trouble, et tend déjà les mains à la prière.
'Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger,
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Si plutôt, sous un corps terrestre et passager,
Tu n'es point quelque dieu protecteur de la Grèce,
Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse!
Si tu n'es qu'un mortel, vieillard infortuné,
Les humains près de qui les flots t'ont amené
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Aux mortels malheureux n'apportent point d'injures.
Les destins n'ont jamais de faveurs qui soient pures.
Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux;
Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux.
—Enfants, car votre voix est enfantine et tendre,
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Vos discours sont prudents plus qu'on n'eût dû l'attendre;
Mais, toujours soupçonneux, l'indigent étranger
Croit qu'on rit de ses maux et qu'on veut l'outrager.
Ne me comparez point à la troupe immortelle:
Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle,
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Voyez, est-ce le front d'un habitant des cieux?
Je ne suis qu'un mortel, un des plus malheureux!
Si vous en savez un, pauvre, errant, misérable,
C'est à celui-là seul que je suis comparable;
Et pourtant je n'ai point, comme fit Thamyris,
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Des chansons à Phoebus voulu ravir le prix;
Ni, livré comme Œdipe à la noire Euménide,
Je n'ai puni sur moi l'inceste parricide;
Mais les dieux tout-puissants gardaient à mon déclin
Les ténèbres, l'exil, l'indigence et la faim.
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—Prends, et puisse bientôt changer ta destinée!'
Disent-ils. Et tirant ce que, pour leur journée,
Tient la peau d'une chèvre aux crins noirs et luisants,
Ils versent à l'envi, sur ses genoux pesants,
Le pain de pur froment, les olives huileuses,
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Le fromage et l'amande et les figues mielleuses;
Et du pain à son chien entre ses pieds gisant,
Tout hors d'haleine encore, humide et languissant,
Qui, malgré les rameurs, se lançant à la nage,
L'avait loin du vaisseau rejoint sur le rivage.
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'Le sort, dit le vieillard, n'est pas toujours de fer;
Je vous salue, enfants venus de Jupiter;
Heureux sont les parents qui tels vous firent naître!
Mais venez, que mes mains cherchent à vous connaître;
Je crois avoir des yeux. Vous êtes beaux tous trois.
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Vos visages sont doux, car douce est votre voix.
Qu'aimable est la vertu que la grâce environne!
Croissez, comme j'ai vu ce palmier de Latone,
Alors