LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
hermétique. Mais qu’importait ! L’issue était libre un dernier effort… Il passa.
– Viens, Gourel, cria-t-il, en revenant chercher son compagnon.
Il le tira, à demi mort, par les poignets.
– Allons, secoue-toi, ganache, puisque nous sommes sauvés.
– Vous croyez, chef ?… vous croyez ?… Nous avons de l’eau jusqu’à la poitrine…
– Va toujours… Tant que nous n’en aurons pas pardessus la bouche… Et ta lanterne ?
– Elle ne va plus.
– Tant pis.
Il eut une exclamation de joie :
– Une marche… deux marches !… Un escalier… Enfin !
Ils sortaient de l’eau, de cette eau maudite qui les avait presque engloutis, et c’était une sensation délicieuse, une délivrance qui les exaltait.
– Arrête ! murmura M. Lenormand.
Sa tête avait heurté quelque chose. Les bras tendus, il s’arc-bouta contre l’obstacle qui céda aussitôt. C’était le battant d’une trappe, et, cette trappe ouverte, on se trouvait dans une cave où filtrait, par un soupirail, la lueur d’une nuit claire.
Il renversa le battant et escalada les dernières marches.
Un voile s’abattit sur lui. Des bras le saisirent. Il se sentit comme enveloppé d’une couverture, d’une sorte de sac, puis lié par des cordes.
– À l’autre, dit une voix.
On dut exécuter la même opération avec Gourel, et la même voix dit :
– S’ils crient, tue-les tout de suite. Tu as ton poignard ?
– Oui.
– En route. Vous deux, prenez celui-ci… vous deux celui-là… Pas de lumière, et pas de bruit non plus… Ce serait grave ! Depuis ce matin on fouille le jardin d’à côté… ils sont dix ou quinze qui se démènent. Retourne au pavillon, Gertrude, et, s’il y a la moindre chose, téléphone-moi à Paris.
M. Lenormand eut l’impression qu’on le portait, puis, après un instant, l’impression qu’on était dehors.
– Approche la charrette, dit la voix.
M. Lenormand entendit le bruit d’une voiture et d’un cheval. On le coucha sur des planches. Gourel fut hissé près de lui. Le cheval partit au trot.
Le trajet dura une demi-heure environ.
– Halte ! ordonna la voix… Descendez-les. Eh ! Le conducteur, tourne la charrette de façon que l’arrière touche au parapet du pont… Bien… Pas de bateaux sur la Seine ? Non ? Alors, ne perdons pas de temps… Ah ! Vous leur avez attaché des pierres ?
– Oui, des pavés.
– En ce cas, allez-y. Recommande ton âme à Dieu, monsieur Lenormand, et prie pour moi, Parbury-Ribeira, plus connu sous le nom de baron Altenheim. Ça y est ? Tout est prêt ? Eh bien, bon voyage, monsieur Lenormand !
M. Lenormand fut placé sur le parapet. On le poussa. Il sentit qu’il tombait dans le vide, et il entendit encore la voix qui ricanait :
– Bon voyage !
Dix secondes après, c’était le tour du brigadier Gourel.
6
Parbury – Ribeira - Altenheim
– 1 –
Les petites filles jouaient dans le jardin, sous la surveillance de Mlle Charlotte, nouvelle collaboratrice de Geneviève. Mme Ernemont leur fit une distribution de gâteaux, puis rentra dans la pièce qui servait de salon et de parloir, et s’installa devant un bureau dont elle rangea les papiers et les registres.
Soudain, elle eut l’impression d’une présence étrangère dans la pièce. Inquiète, elle se retourna.
– Toi ! s’écria-t-elle… D’où viens-tu ?… Par où ?…
– Chut, fit le prince Sernine. écoute-moi et ne perdons pas une minute. Geneviève ?
– En visite chez Mme Kesselbach.
– Elle sera ici ?
– Pas avant une heure.
– Alors, je laisse venir les frères Doudeville. J’ai rendez-vous avec eux. Comment va Geneviève ?
– Très bien.
– Combien de fois a-t-elle revu Pierre Leduc depuis mon départ, depuis dix jours ?
– Trois fois, et elle doit le retrouver aujourd’hui chez Mme Kesselbach à qui elle l’a présenté, selon tes ordres. Seulement, je te dirai que ce Pierre Leduc ne me dit pas grand-chose, à moi. Geneviève aurait plutôt besoin de trouver quelque bon garçon de sa classe. Tiens, l’instituteur.
– Tu es folle ! Geneviève épouser un maître d’école !
– Ah ! Si tu considérais d’abord le bonheur de Geneviève…
– Flûte, Victoire. Tu m’embêtes avec tous tes papotages. Est-ce que j’ai le temps de faire du sentiment ? Je joue une partie d’échecs, et je pousse mes pièces sans me soucier de ce qu’elles pensent. Quand j’aurai gagné la partie, je m’inquiéterai de savoir si le cavalier Pierre Leduc et la reine Geneviève ont un cœur.
Elle l’interrompit.
– Tu as entendu ? Un coup de sifflet…
– Ce sont les deux Doudeville. Va les chercher, et laissenous.
Dès que les deux frères furent entrés, il les interrogea avec sa précision habituelle :
– Je sais ce que les journaux ont dit sur la disparition de Lenormand et de Gourel. En savez-vous davantage ?
– Non. Le sous-chef, M. Weber, a pris l’affaire en main. Depuis huit jours nous fouillons le jardin de la maison de retraite et l’on n’arrive pas à s’expliquer comment ils ont pu disparaître. Tout le service est en l’air… On n’a jamais vu ça… un chef de la Sûreté qui disparaît, et sans laisser de trace !
– Les deux servantes ?
– Gertrude est partie. On la recherche.
– Sa sœur Suzanne ?
– M. Weber et M. Formerie l’ont questionnée. Il n’y a rien contre elle.
– Voilà tout ce que vous avez à me dire ?
– Oh ! Non, il y a d’autres choses, tout ce que nous n’avons pas dit aux journaux.
Ils racontèrent alors les événements qui avaient marqué les deux derniers jours de M. Lenormand, la visite nocturne des deux bandits dans la villa de Pierre Leduc, puis, le lendemain, la tentative d’enlèvement commise par Ribeira et la chasse à travers les bois de Saint-Cucufa, puis l’arrivée du vieux Steinweg, son interrogatoire à la Sûreté devant Mme Kesselbach, son évasion du Palais.
– Et personne, sauf vous, ne connaît aucun de ces détails ?
– Dieuzy connaît l’incident Steinweg, c’est même lui qui nous l’a raconté.
– Et l’on a toujours confiance en vous à la Préfecture ?
– Tellement confiance qu’on nous emploie ouvertement. M. Weber ne jure que par nous.
– Allons,