Psychopathia Sexualis avec recherches spéciales sur l'inversion sexuelle. R. von Krafft-Ebing

Psychopathia Sexualis avec recherches spéciales sur l'inversion sexuelle - R. von Krafft-Ebing


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par les habitants du village et arrêté par les autorités locales. Interrogé, il prétendit qu'il avait voulu chercher l'établissement de voirie pour assouvir sur une chienne son instinct sexuel surexcité. Il souffre souvent de pareils accès de surexcitation. Il ne nie pas son acte, mais il l'excuse par sa maladie. La chaleur, le cahot du wagon, le souci de sa famille qu'il voulait rejoindre, lui ont complètement troublé les sens et l'ont rendu malade. Il ne manifeste ni honte, ni repentir. Son attitude était franche; il avait l'air calme; les yeux étaient rouges, brillants; la tête chaude, la langue blanche, le pouls plein, mou, battant plus de 100 pulsations, les doigts un peu tremblants.

      Les déclarations de l'accusé sont précises, mais précipitées; son regard est fuyant, avec l'expression manifeste de la lubricité. Le médecin légiste, qui avait été appelé, a été frappé de son état pathologique, comme si l'accusé eût été au début du délire alcoolique.

      Clemens a quarante-cinq ans, est marié, père d'un enfant. Les conditions de santé de ses parents et des autres membres de sa famille lui sont inconnues. Dans son enfance, il était faible, névropathe. À l'âge de cinq ans il a eu une lésion à la tête à la suite d'un coup de houe. Il porte encore sur l'os de l'occiput droit et sur l'os frontal droit une cicatrice longue d'un pouce et large d'un demi-pouce. L'os est un peu enfoncé. La peau qui le recouvre est adhérente à l'os.

      La pression sur cet endroit lui cause une douleur qui s'irradie dans la branche inférieure du trijumeau. Souvent même il s'y produit spontanément des douleurs. Dans sa jeunesse, il avait souvent des syncopes. Avant l'âge de puberté, pneumonie rhumatismale et inflammation d'intestins. Dès l'âge de sept ans, il éprouvait une sympathie étrange pour les hommes, notamment pour un colonel. À l'aspect de cet homme, il sentait comme un coup de poignard dans son cœur; il embrassait le sol où le colonel avait mis le pied. À l'âge de dix ans, il tomba amoureux d'un député du Reichstag. Plus tard encore, il s'enflammait pour des hommes, mais cet enthousiasme était purement platonique. À partir de quatorze ans, il se masturbait. À l'âge de dix-sept ans, il avait ses premiers rapports avec des femmes. Avec l'habitude du coït normal disparurent les anciens phénomènes d'inversion sexuelle. Dans sa jeunesse il se trouvait dans un état particulier de psychopathie aiguë qu'il désigne lui-même comme une «sorte de clairvoyance». À partir de l'âge de quinze ans, il souffrit d'hémorroïdes avec symptômes de plethora abdominalis. Après l'abondante hémorragie hémorroïdale qu'il avait régulièrement toutes les trois ou quatre semaines, il se sentait mieux. En outre il était toujours en proie à une pénible excitation sexuelle qu'il soulageait tantôt par l'onanisme, tantôt par le coït. Toute femme qu'il rencontrait l'excitait. Même quand il se trouvait au milieu de femmes de sa famille, il se sentait poussé à leur faire des propositions immorales. Parfois il réussissait à dompter ses instincts; d'autres fois il était irrésistiblement entraîné à des actes immoraux. Quand, dans de pareils cas, on le mettait à part, il en était content; car, disait-il, j'ai besoin d'une pareille correction et de ce soutien contre ces désirs trop puissants qui me gênent moi-même. On n'a pu reconnaître aucune périodicité dans ses excitations sexuelles.

      Jusqu'en 1861, il fit des excès in Venere et récolta plusieurs blennorrhagies et chancres.

      En 1861, il se maria. Il se sentait satisfait sexuellement, mais devenait importun à sa femme par ses besoins excessifs. En 1864, il eut, à l'hôpital, un accès de monomanie; il retomba malade la même année et fut transporté dans l'asile d'Y... où il resta interné jusqu'en 1867.

      Dans la maison de santé il souffrit de récidives de son état maniaque, avec grandes excitations sexuelles. Il désigne comme cause de sa maladie, à cette époque, un catarrhe intestinal et beaucoup de contrariétés.

      Plus tard, il se rétablit. Il était bien portant, mais souffrait beaucoup de l'excès de ses besoins sexuels. Aussitôt qu'il était éloigné de sa femme, son désir devenait si violent qu'il lui était égal de le satisfaire avec des êtres humains ou avec des animaux. Pendant la saison d'été surtout ces poussées devenaient excessives; en même temps il se produisait un afflux de sang aux intestins. Clemens qui a des réminiscences de lectures médicales, est d'avis que, chez lui, le système ganglionnaire domine le système cérébral.

      Au mois d'octobre 1873, ses occupations l'obligèrent à vivre loin de sa femme. Jusqu'au jour de Pâques, il n'avait eu aucun rapport sexuel, sauf qu'il s'était masturbé par-ci par-là. À partir de cette époque, il se servait de femmes et de chiennes. Du 15 juin jusqu'au 7 juillet, il n'avait eu aucune occasion de satisfaire son besoin sexuel. Il éprouvait une agitation nerveuse, se sentait fatigué, il lui semblait qu'il allait devenir fou. Le désir violent de revoir sa femme, qui vivait à Vienne, l'éloignait de son service. Il prit un congé. La chaleur de la route, la trépidation du chemin de fer, l'avaient complètement troublé; il ne pouvait plus supporter son état de surexcitation génitale, compliqué d'un fort afflux de sang aux intestins. Il avait le vertige. Alors, arrivé à Bruck, il quitta le wagon. Il était, dit-il, tout troublé, ne savait pas où il allait, et à un moment l'idée lui vint de se jeter à l'eau; il y avait comme un brouillard devant ses yeux.

      Mulierem tunc adspexit, penem nudavit, feminamque amplecti conatus est. La femme cependant cria au secours, et c'est ainsi qu'il fut arrêté.

      Après l'attentat, la conscience claire de son acte lui vint subitement. Il l'avoua franchement, se souvint de tous les détails, mais il soutint que son action avait quelque chose de morbide. C'était plus fort que lui.

      Clemens souffrait encore quelquefois de maux de tête, de congestions; il était, par moments, très agité, inquiet, et dormait mal. Ses fonctions intellectuelles ne sont pas troublées, mais c'est naturellement un homme bizarre, d'un caractère mou et sans énergie. L'expression de la figure a quelque chose de fauve et porte un cachet de lubricité et de bizarrerie. Il souffre d'hémorroïdes. Les parties génitales ne présentent rien d'anormal. Le crâne est, dans sa partie frontale, étroit et un peu fuyant. Le corps est grand et bien fait. Sauf une diarrhée, on n'a remarqué chez lui aucun trouble des fonctions végétatives.

      Observation 12.—Mme E..., quarante-sept ans. Un oncle maternel fut atteint d'aliénation mentale; le père était un homme exalté qui faisait des excès in Venere. Le frère de la malade est mort d'une affection aiguë du cerveau. Dès son enfance, la malade était nerveuse, excentrique, romanesque, et manifestait, à peine sortie de l'enfance, un penchant sexuel excessif. Elle s'adonna, dès l'âge de dix ans, aux jouissances sexuelles. Elle se maria à l'âge de dix-neuf ans. Elle faisait assez bon ménage avec son mari. L'époux, bien que suffisamment doué, ne lui suffisait pas; elle eut, jusqu'à ces dernières années, toujours quelques amis en dehors de son mari. Elle avait pleine conscience de la honte de ce genre de vie, mais elle sentait sa volonté défaillir en présence du penchant insatiable qu'elle cherchait du moins à dissimuler. Elle disait plus tard que c'était de l'andromanie qu'elle avait souffert.

      La malade a accouché six fois. Il y a six ans, elle est tombée de voiture et a subi un ébranlement cérébral considérable. À la suite de cet accident, il se produisit chez elle une mélancolie compliquée du délire de la persécution. Cette maladie l'amena à l'asile d'aliénés. La malade approche de la ménopause; elle a eu, ces temps derniers, des menstrues fréquentes et très abondantes. La violence de son ancien penchant s'est atténué, ce qu'elle constate avec plaisir. Son attitude actuelle est décente. Faible degré de descensus uteri et prolapsus ani.

      L'hyperesthésie sexuelle peut être continue avec des exacerbations, ou bien intermittente, ou même périodique. Dans le dernier cas, c'est une névrose cérébrale particulière (voir la Pathologie spéciale), ou une manifestation d'un état d'excitation psychique général (Manie épisodique dans la dementia paralytica senilis, etc.).

      Un cas remarquable de satyriasis intermittent a été publié par Lentz dans le Bulletin de la Société de méd. légale de Belgique, nº 21.

      Observation 13.—Depuis trois ans, le cultivateur D..., âgé de trente-cinq ans, marié et jouissant de l'estime générale, avait des accès d'excitation sexuelle, qui devenaient de plus en plus fréquents


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