Psychopathia Sexualis avec recherches spéciales sur l'inversion sexuelle. R. von Krafft-Ebing

Psychopathia Sexualis avec recherches spéciales sur l'inversion sexuelle - R. von Krafft-Ebing


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scène de cette pièce, Kleist nous présente son héroïne: elle est prise d'une rage de volupté et d'assassinat, déchire en morceaux Achille, qu'elle avait poursuivi dans son rut et dont elle s'est emparée par la ruse.

      «En lui arrachant son armure, elle enfonce ses dents dans la poitrine blanche du héros, ainsi que ses chiens qui veulent surpasser leur maîtresse. Les dents d'Oxus et de Sphynx pénètrent à droite et à gauche. Quand je suis arrivé, elle avait la bouche et les mains ruisselantes de sang.» Plus loin, quand Penthésilée est dégrisée, elle s'écrie: «Est-ce que je l'ai baisé mort?—Non, je ne l'ai pas baisé? L'ai-je mis en morceaux? Alors c'est un leurre. Baisers et morsures sont la même chose, et celui qui aime de tout son cœur peut les confondre.»

      Dans la littérature moderne on trouve des descriptions de scènes de sadisme féminin, dans les romans de Sacher-Masoch, dont il sera question plus loin, dans la Brunhilde de Ernst von Wildenbruch, dans la Marquise de Sade de Rachilde, etc.

       Table des matières

      Ainsi nommé d'après Sacher-Masoch, dont les romans et les contes traitent de préférence de ce genre de perversion.

      Le masochiste est le contraire du sadiste. Celui-ci veut causer de la douleur et exerce des violences; celui-là, au contraire, tient à souffrir et à se sentir subjugué avec violence.

      Par masochisme, j'entends cette perversion particulière de la vita sexualis psychique qui consiste dans le fait que l'individu est, dans ses sentiments et dans ses pensées sexuels, obsédé par l'idée d'être soumis absolument et sans condition à une personne de l'autre sexe, d'être traité par elle d'une manière hautaine, au point de subir même des humiliations et des tortures. Cette idée s'accompagne d'une sensation de volupté; celui qui en est atteint, se plaît aux fantaisies de l'imagination qui lui dépeint des situations et des scènes de ce genre; il cherche souvent à réaliser ces images et, par cette perversion de son penchant sexuel, il devient fréquemment plus ou moins insensible aux charmes normaux de l'autre sexe, incapable d'une vita sexualis normale, psychiquement impuissant. Cette impuissance psychique n'a nullement pour base l'horror sexus alterius; elle est fondée sur ce fait que la satisfaction du penchant pervers peut, comme dans les cas normaux, venir de la femme, mais non du coït.

      Il y a aussi des cas où, à côté de la tendance perverse de l'instinct, l'attrait pour les plaisirs réguliers est encore à peu près conservé et des rapports sexuels normaux ont encore lieu à côté des manifestations perverses. Dans d'autres cas, l'impuissance n'est pas purement psychique, mais bien physique, c'est-à-dire spinale. Car cette perversion, comme presque toutes les autres perversions de l'instinct sexuel, ne se développe que sur le terrain d'une individualité psychopathique dans la plupart des cas tarée, et ces individus se livrent ordinairement dès leur première jeunesse à des excès sexuels, surtout des excès de masturbation auxquels les pousse la difficulté de réaliser leurs fantaisies.

      Le nombre des cas de masochisme incontestable qu'on a observé jusqu'ici est déjà considérable. Le masochisme existe-t-il simultanément avec une vie sexuelle normale, ou domine-t-il exclusivement l'individu? Le malade atteint de cette perversion cherche-t-il, et dans quelle mesure, à réaliser ses fantaisies étranges? A-t-il par cette perversion plus ou moins perdu sa puissance sexuelle ou non? Tout cela dépend de l'intensité de la perversion, de la force des mobiles contraires, éthiques et esthétiques, ainsi que de la vigueur relative, de la constitution physique et psychique de l'individu atteint. Au point de vue de la psychopathie, l'essentiel c'est le trait commun qui se trouve dans tous ces cas: tendance du penchant sexuel à la soumission et à la recherche des mauvais traitements de la part de l'autre sexe.

      On peut appliquer au masochisme tout ce qui a été dit plus haut du sadisme relativement au caractère impulsif (mobiles obscurs) de ses actes et au caractère congénital de cette perversion.

      Chez le masochiste aussi il y a une gradation dans les actes, depuis les faits les plus répugnants et les plus monstrueux jusqu'aux plus puérils et aux plus ineptes, selon le degré d'intensité des penchants pervers et l'intensité de la force de réaction morale et esthétique. Mais ce qui empêche d'aller jusqu'aux conséquences extrêmes du masochisme, c'est l'instinct de la conservation. Voilà pourquoi l'assassinat et les blessures graves qui peuvent se commettre sous l'influence de la passion sadique, ne trouvent pas, autant qu'on sait, leur pendant masochiste dans la réalité. Il est cependant possible que les désirs pervers des masochistes puissent, dans leur imagination, aller jusqu'à ces conséquences extrêmes. (Voir l'observation 53.)

      Les actes auxquels se livrent certains masochistes se pratiquent en même temps que le coït, c'est-à-dire qu'ils servent de préparatifs. Chez d'autres, ces actes servent d'équivalent au coït. Cela dépend seulement de l'état de la puissance sexuelle qui chez la plupart est psychiquement ou physiquement atteinte par suite de la perversion des représentations sexuelles. Mais cela ne change rien au fond de la chose.

       Table des matières

      L'autobiographie d'un masochiste qui va suivre, nous fournit une description détaillée d'un cas typique de cette étrange perversion.

      Observation 44.—Je suis issu d'une famille névropathique dans laquelle, en dehors de toutes sortes de bizarreries de caractère et de conduite, il y a aussi diverses anomalies au point de vue sexuel.

      De tout temps, mon imagination fut très vive, et, de bonne heure, elle fut portée vers les choses sexuelles. En même temps, j'étais, autant que je puis me rappeler, adonné à l'onanisme, longtemps avant ma puberté, c'est-à-dire avant d'avoir des éjaculations. À cette époque déjà, mes pensées, dans des rêveries durant des heures entières, s'occupaient des rapports avec le sexe féminin. Mais les rapports dans lesquels je me mettais idéalement avec l'autre sexe étaient d'un genre bien étrange. Je m'imaginais que j'étais en prison et livré au pouvoir absolu d'une femme, et que cette femme profitait de son pouvoir pour m'infliger des peines et des tortures de toutes sortes. À ce propos, les coups et les flagellations jouaient un grand rôle dans mon imagination, ainsi que d'autres actes et d'autres situations qui, toutes, marquaient une condition de servitude et de soumission. Je me voyais toujours à genoux devant mon idéal, ensuite foulé aux pieds, chargé de fers et jeté en prison. On m'imposait de graves souffrances comme preuve de mon obéissance et pour l'amusement de ma maîtresse. Plus j'étais humilié et maltraité dans mon imagination, plus j'éprouvais de délices en me livrant à ces rêves. En même temps, il se produisit en moi un grand amour pour les velours et les fourrures que j'essayais toujours de toucher et de caresser et qui me causaient aussi des émotions de nature sexuelle.

      Je me rappelle bien d'avoir, étant enfant encore, reçu plusieurs corrections de mains de femmes. Je n'en ressentais alors que de la honte et de la douleur, et jamais je n'ai eu l'idée de rattacher les réalités de ce genre à mes rêves. L'intention de me corriger et de me punir m'émouvait douloureusement, tandis que, dans les rêves de mon imagination, je voyais toujours ma «maîtresse» se réjouir de mes souffrances et de mes humiliations, ce qui m'enchantait. Je n'ai pas non plus à rattacher à mes fantaisies les ordres ou la direction des femmes qui me surveillaient pendant mon enfance. De bonne heure, j'ai pu, par la lectures d'ouvrages, apprendre la vérité sur les rapports normaux des deux sexes; mais cette révélation me laissa absolument froid. La représentation des plaisirs sexuels resta attachée aux images


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