Voyages du capitaine Robert Lade en differentes parties de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique. Antoine François Prévost d'Exiles

Voyages du capitaine Robert Lade en differentes parties de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique - Antoine François Prévost d'Exiles


Скачать книгу
du Nègre & de ses Compagnons par quelques légers présens, nous nous remîmes en Mer après huit jours de repos. Le tems ne cessa plus de nous favoriser jusqu'à la vûe de l'isle de Java, où nous essuyâmes encore une tempête si violente, qu'elle nous força d'entrer dans le Détroit de la Sonde, & de relâcher à Bantam. Cette Ville, où les Hollandois ont une forte Garnison qui tient le Roi & tout le Païs sous leur obéïssance, est située au pied d'une charmante Colline, d'où sortent trois Rivières, qui servent à la fortifier autant qu'à l'embellir. L'une passe au milieu de la Ville, & les deux autres coulent au long des murailles. La nuit étoit fort avancée lorsque nous nous présentâmes à l'entrée du Port. Quoique tout y parût tranquille, je fus surpris qu'à la première nouvelle de notre arrivée il se fit tout d'un coup un bruit épouvantable dont on m'expliqua aussi-tôt la cause. Les Insulaires n'ayant point de cloches se fervent, pour avertir le Public, de plusieurs tambours d'une extrême grosseur, qu'ils battent avec de grosses barres de fer. Ils ont aussi des bassins de cuivre qu'ils battent par mesure, & sur lesquels ils forment un carillon fort harmonieux. Toutes les personnes de qualité entretiennent un Corps de Garde à l'entrée de leur Maison, formé de plusieurs Esclaves, qui veillent la nuit pour la sûreté de leur Maître. Ainsi à la moindre allarme, toute la Ville est réveillée par un bruit extraordinaire; & l'arrivée de trois Vaisseaux dans une nuit fort obscure, avoit causé de l'inquiétude aux Gardes du Port.

      Cependant, comme les Hollandois y sont si absolument les maîtres, que les autres Peuples n'y peuvent aborder sans leur permission, nous trouvâmes tout le monde empresse à nous servir. La tempête avoit encore maltraité furieusement un de nos Vaisseaux, & quelques Marchands Hollandois de Bantam étoient interessés dans notre carguaison. C'étoient deux raisons de nous y arrêter. Un de nos trois Capitaines partit le lendemain pour se rendre par terre à Batavia. J'étois le maître de partir avec lui; mais rien ne me forçant à cette diligence, je me fis un amusement de voir Bantam, pour commencer à connoître les Indiens.

      Le jour étant venu nous éclairer, je fus frappé du spectacle de la Ville, qui forme une perspective extrêmement riante. Un mêlange de Maisons peintes, séparées par des Jardins plantés de cocos, & distinguées par un grand nombre de petites Tours bâties sur differens modeles, furent le premier objet qui fixa mes yeux. Mais en les ramenant sur le rivage, je reconnus la manière de Hollande dans un grand nombre d'édifices, & l'on m'apprit, pour m'expliquer cette différence, que tous les Étrangers c'est-à-dire les Hollandois, les Chinois, les Malays, les Abissins, & quantité d'autres Marchands qui se sont établis à Bantam, ont leur demeure hors de la Ville. Chacun s'est bâti dans le goût; de sa Nation, ce qui donne une varieté fort agréable aux Fauxbourgs, qui sont d'une grande étenduë. La facilité que nous eûmes à nous procurer tous nos besoins, me fit connoître tout à la fois, que Bantam est un lieu d'abondance, & que les Hollandois y sont fort respectés. Je m'informai d'abord s'il n'y avoit aucun Anglois. On m'en nomma deux, dont l'un y vivoit depuis plus de 20 ans, & jouissoit d'une fortune aisée. L'autre y avoit été conduit depuis quelques mois pat des avantures qui n'ont point de rapport à mon récit, & ne se soutenoit que par son esprit & son adresse. Comme il ne manquoit point de se trouver au Port, à l'arrivée de chaque Vaisseau, pour y chercher l'occasion d'employer ses talens, il apprit de quelques gens de notre Équipage que j'étois de sa Nation, & je le vis empressé à m'offrir ses services avant que j'eusse pensé à les lui demander. C'étoit d'un Hollandois de Bantam que j'avois déjà sû qui il étoit; & le caractère qu'on lui attribuoit n'avoit pû m'inspirer beaucoup de confiance. Cependant je reçûs ses offres, pour me servir de lui du moins comme d'un guide. Sa curiosité sur mes affaires & ses questions pressantes sur les motifs de mon Voyage, ne me donnèrent point toute l'ouverture qu'il souhaitoit de me trouver. Il me fit valoir les connoissances qu'il s'étoit faites dans le Païs; & si je m'en étois rapporté à lui dès les premiers momens, je lui aurois abandonné ma conduite & le soin de tous mes interêts.

      J'avois pris une meilleure opinion de M. King, qui étoit l'autre Anglois dont on m'avoit parlé. Je brûlois de le voir, moins pour employer son secours, qui m'étoit inutile à Bantam, que pour me faire un ami dont la societé me fût agréable. Je demandai à celui qui m'avoit prévenu s'il pouvoit me procurer sa connoissance. Loin de me répondre avec la même ardeur, il reçut si froidement cette proposition, que je découvris tout d'un coup qu'ils étoient mal ensemble. Ma défiance augmentant pour lui, je le quittai honnêtement, avec le dessein de ne le revoit qu'après avoir entretenu M. King. Je me fis conduire chez lui, dès le même jour, par un Hollandois. Il me reçut avec beaucoup de civilités. Sa femme, qui étoit Angloise aussi, ne se lassoit point de remercier le Ciel qui lui accordoit la douceur de revoir un homme de son Païs. J'en pris occasion de leur demander s'ils ne recevoient pas la même consolation de M. Fleet, avec lequel je leur appris que j'avois déja quelque liaison. Ils ne m'en rendirent pas un meilleur témoignage que le premier Hollandois qui m'en avoit parlé, & je demeurai convaincu que c'étoit un homme dangereux.

      Après avoir entendu le récit de mes affaires, M. King me pressa de prendre un logement chez lui pendant le séjour que je voulois faire à Bantam. Je me rendis à ses invitations. Il ne se flatoit point, en m'assurant que sa conduite & l'usage qu'il faisoit de son bien, lui avoient attiré une égale considération parmi les Indiens & les Étrangers. Je le reconnus dès le lendemain aux caresses qu'il reçut dans la Ville, & que sa protection me fit partager avec lui. Nous trouvâmes en y entrant, le Peuple fort émû, pour l'exécution d'un Criminel qui avoit tué fort lâchement une femme, & qui venoit d'être condamné au supplice. M. King m'apprit les formalités de leur justice, qui sont fort simples & fort courtes. Le Magistrat a son Siège dans la cour du Palais royal, où les Parties comparoissent sans Procureurs & sans Avocats. Si l'accusation est capitale, on amene le Criminel, & les Accusateurs le suivent avec les Témoins. On expose le crime dans toutes ses circonstances. Les Témoins le confirment, & le Jugement succéde aussi-tôt. Il n'y a qu'un seul supplice pour tous les crimes qui méritent la mort. On attache le Coupable à un poteau, & on le tuë d'un coup de poignard. Les Étrangers ont ce privilége, que pourvû qu'ils n'aient point tué de sang froid & de guet à pan, ils évitent la mort en satisfaisant à la Partie civile. J'eus la curiosité d'assister à l'exécution. La foule nous ouvrit le passage en reconnoissant à mes habits que j'étois arrivé nouvellement. Le Criminel étoit déja livré à l'Exécuteur, qui s'approchoit avec lui du poteau. Il avoit les mains liées, la tête nuë, & ses grimaces me firent juger qu'il n'alloit pas recevoir la mort avec plus de noblesse, qu'il ne l'avoit donnée. Cependant la scene fut si prompte, que sa crainte ne le fit pas souffrir long-tems. J'admirai le silence du Peuple pendant l'exécution, & l'air de tristesse que chacun emportoit en se retirant.

      Конец ознакомительного фрагмента.

      Текст предоставлен ООО «ЛитРес».

      Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.

      Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.

/9j/4AAQSkZJRgABAgAAAQABAAD/2wBDAAgGBgcGBQgHBwcJCQgKDBQNDAsLDBkSEw8UHRofHh0a HBwgJC4nICIsIxwcKDcpLDAxNDQ0Hyc5PTgyPC4zNDL/2wBDAQkJCQwLDBgNDRgyIRwhMjIyMjIy MjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjL/wAARCBLAC7gDASIA AhEBAxEB/8QAHwAAAQUBAQEBAQEAAAAAAAAAAAECAwQFBgcICQoL/8QAtRAAAgEDAwIEAwUFBAQA AAF9AQIDAAQRBRIhMUEGE1FhByJxFDKBkaEII0KxwRVS0fAkM2JyggkKFhcYGRolJicoKSo0NTY3 ODk6Q0RFRkdISUpTVFVWV1hZWmNkZWZnaGlqc3R1dnd4eXqDhIWGh4iJipKTlJWWl5iZmqKjpKWm p6
Скачать книгу