Sous le burnous. Hector France

Sous le burnous - Hector France


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       Hector France

      Sous le burnous

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066086435

       A EDMOND LEPELLETIER

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       XIII

       XIV

       XV

       XVI

       Table des matières

      Vous avez, dans le Réveil, donné une cordiale hospitalité à ces souvenirs de ma vie d'Afrique, que vos conseils m'ont engagé à recueillir; le mérite, si mérite il y a, vous en revient à vous, qui avez aussi porté volontairement le noble harnais de guerre qu'essayent et ont de tous temps essayé de bafouer les indignes et les couards. Laissez-moi donc, mon cher ami, y inscrire votre nom et vous répéter comme à tous, les paroles de Blaise de Montluc: «Or, seigneurs et capitaines, qui me ferez cest honneur de me lire, n'y apportez nul mal talent; croyez que j'ay dit le vray, sans dérober l'honneur d'autruy. Et sçay bien qu'il y en aura qui mettront en dispute mon escrit, pour voir si j'auray touché quelque mensonge; si les asseuray-je que j'ay laissé infinies particularités à escrire, car je n'avais jamais rien escrit ny pensé à faire des livres… Je vous supplie, mes bons seigneurs, si mon livre tombe entre vos mains, de faire jugement si ce que je dis est vray ou faux, car vous en avez veu une partie… Plusieurs vivent, qui ont esté mes compagnons d'armes, et plusieurs aussi qui ont marché sous moy, tous lesquels peuvent estre fidèles tesmoings de ce que j'ay dit…»

      HECTOR FRANCE.

      I

       Table des matières

      LE VENTRE

      Il était blanc et poli, un peu élastique, doux à l'oeil et au toucher, jeune et sain, un ventre de femme.

      Je ne pourrais l'affirmer cependant et à vrai dire je ne m'en préoccupais guère; mais ce dont je me souviens exactement, c'est du couteau, parce que longtemps après je l'ai gardé accroché à l'arçon de ma selle. Une bonne et solide lame large d'un demi pouce, longue de dix, effilée, légèrement recourbée vers la pointe avec une forte poignée de chêne que quelque chamelier de Flissa, artiste inconscient, avait orné de bizarres arabesques.

      Je me rappelle avoir hésité une minute, puis fermé les yeux, et alors… un jet très chaud me cingla le visage.

      Je vois encore le trou béant et la lame ruisselante et il me sembla qu'une bise chargée d'aiguilles de glace me fouettait la tête.

      C'étaient mes cheveux qui se dressaient. Pour un coup d'essai, l'on pardonnera mon épouvante, j'avais à peine vingt ans.

      Ce qui me terrifiait surtout, c'est que dans la lueur vague flottant sur ce corps, je venais d'apercevoir un oeil immobile, vitreux, sinistre, attaché sur moi.

      Ah! ce regard, il fallait l'éteindre! je frappai un second coup. Mais il restait sur moi avec l'implacable ténacité d'un remords, fixe, morne, comme un oeil de l'autre monde qui regarde à travers la vitre des ombres.

      —Tu baisseras ta paupière maudite! criai-je, je ne veux pas que tu me voies!

      Et une troisième fois, je replongeai la lame.

      J'ignorais que ceux qui meurent assassinés s'en vont les yeux ouverts comme s'ils ne pouvaient les détacher des choses de la vie et qu'il m'eût suffi d'un coup de pouce pour fermer à jamais cette paupière, mais jeune et inexpérimenté, je continuai les coups de couteau.

      Je trouais, je trouais, et en trouant cette chair et ces entrailles, passaient devant moi comme une nuée de fantômes, des essaims de souvenirs.

      Je pensais à ces héros des temps antiques dont on nous a fait admirer ou maudire, sur les bancs de l'école, les glorieux coups de poignard, selon que la cause qu'ils ont servie se rapproche on s'éloigne de l'orthodoxie officielle; à ces vaillantes légions entrées par la brèche, dans les villes affolées et éventrant bravement tout ce qui se trouvait sous leur rage, depuis l'enfant dans le sein de sa mère, jusqu'au vieillard assis sur la chaise curule; aux pieux capitaines offrant, au dieu des batailles, le sang impur des infidèles de tout sexe et de tout âge et s'y vautrant jusqu'au poitrail de leur destrier.

      Je pensais aux exploits sanglants de nos pères et de nos frères et à ceux qu'accompliront nos fils; à toutes les grandes tueries humaines faites, les unes au nom de Dieu, les autres, au nom des empereurs et des rois, les autres encore au nom du peuple et les dernières au nom de l'ordre et de la civilisation.

      Et après tous ces assassins illustres ou obscurs, mon couteau sanglant au poing et devant ce ventre ouvert, je me sentais humilié.

      —Cependant, me disais-je, ce n'est pas ma faute si je n'ai qu'un ventre à crever, mes chefs m'ont dit «tue», j'ai obéi et j'ai fait pour le mieux; d'autres! d'autres! qu'on me dise d'en ouvrir d'autres!

      Et brandissant le flissa d'où coulait la rosée rouge, ivre de fureur, je me dressai sur mes pieds. _____

      —Tu as eu tort de lui donner du haschich, murmura une voix de femme, le délire travaille sa cervelle.

      —Bah! répondit une autre, je sais comment le lui ôter de la tête.

      Et je sentis une odeur de musc me pénétrer, tandis que quelque chose de doux frôlait mes lèvres. Et deux mains me caressaient le front et la même voix harmonieuse m'appelait:

      —Allons, Roumi, reviens


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