Le secret de l'échafaud. Auguste de Villiers de l'Isle-Adam

Le secret de l'échafaud - Auguste de Villiers de l'Isle-Adam


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de survie, de présence, ou quelque lueur de Pensée-consciente, soit d’interruption radicale de l’existence.

      La presse européenne a divulgué, ces jours-ci, les expériences ultra-pénales tentées sur les pantelantes dépouilles des derniers suppliciés, en vue de découvrir quelque indice du gîte cérébral où, durant quelques secondes encore, se cramponne la volonté, le moi, l’âme. L’on n’a pas oublié le fantastique acharnement dont le fanatisme physiologique a fait preuve, alors qu’aux cahots du fourgon de justice, aux lueurs de sa mauvaise lampe, d’éminents délégués de la Faculté n’hésitaient pas à plonger, au nom de la Science humaine, leurs longues aiguilles dans le cerveau d’une jeune tête grimaçante, crispée et hagarde, — qui, vainement, tournait ses prunelles torturées du côté où l’un de ces messieurs lui sifflait dans l’oreille — ceci près d’une heure et demie après la décollation et au sortir du fictif enterrement de cinq minutes.

      Cette vivisection posthume atteste, une fois de plus, cette vérité majeure que « rien ne se perd dans la Nature ». En effet, du moment où la torture est abolie avant l’exécution, n’est-il pas tout naturel qu’elle soit appliquée après ? La discrétion des exécutés dispense de les rendre aphones — en sorte que la délicate sensibilité des oreilles doctorales se trouve ménagée. Certes, à cet énoncé, Beccaria jetterait un cri de stupeur — Torquemada, dépassé en rigueurs par le paterne Progrès, reculerait, humilié. Mais qu’importent à l’esprit d’investigation ces scrupules... puérils, puisqu’ils ne sont pas à la mode ? L’Humanité toujours future avant tout ! L’individu présent n’est rien : découvrir à quelque prix que ce soit ! pourquoi pas ? Telle est la devise de cette époque de lumière, justice et de fraternité. Donc, passons.

      *

      De l’ensemble de ces inquiètes recherches, il paraîtrait que d’assez positives préventions viennent de s’élever touchant on ne sait quelle possibilité de surexistence brève, au moins en certains cas de décollation. Le fil du Couteau-justicier ne scinderait pas en deux la Pensée-vive, paraît-il, et le passage par la guillotine ne serait qu’une opération comme tant d’autres, mortelle à plus courte échéance — pas instantanément. Enfin, pour s’exprimer sans ambiguïté, les restes d’un décapité, aussitôt après la chute du glaive, ne seraient, assez souvent, que ceux d’un agonisant, non pas encore ceux d’un défunt.

      Telle est, du moins, l’impression qui ressort, pour tout esprit réfléchi, des Études sur les mouvements réflexes, de MM. Suë et Sédillot à Claude Bernard, de Claude Bernard à MM. Brown-Séquard et aux plus récents actualistes en cette question. Et, en effet, si telle n’était pas l’arrière-pensée de la Science, de quel droit se ferait-elle profanatrice de cadavres et s’amuserait-elle à faire grimacer des décapités ?

      La loi ne protège pas ces victimes.

      *

      Oh ! tout cela n’a rien qui puisse étonner le chrétien. L’Eglise a, de tout temps, permis, autorisé, — parfois, même, prescrit aux fidèles la créance à de certaines légendes vénérables — (celle de saint Denis, par exemple) — dont cette incertitude, presque affirmative, de la Science moderne ne fait que corroborer, pour ainsi dire, la probabilité. L’épisode de l’Evêque-martyr, marchant, son chef mitré à la main, n’est-il pas sculpté au fronton de cent cathédrales, voire de Notre-Dame de Paris ? Le miracle n’est jamais tout à fait anti-naturel : tant d’animaux décapités marchent ou volent si longtemps encore, tant de reptiles, coupés en vingt morceaux, cherchent à se rassembler, que le plus sceptique sourire s’éteint devant une réflexion, quant à ces sortes de mystérieuses légendes, aujourd’hui.

      Si donc la tête est ce membre plus nécessaire que les autres, où la Vie se localise en dernier ressort et peut être constatée, ce n’est pas le dernier soupir qui, sur nos lèvres, peut attester la mort. Souvent, en de certaines maladies — par exemple, le croup — des incisions au cou sont pratiquées, qui permettent de survivre à l’étouffement naturel, bien que le miroir, appliqué aux lèvres, ne se ternisse pas. — Bref, selon l’Esprit chrétien, tant que l’âme n’a point abandonné la tête, — la Tête qui reçoit ce sacrement du Baptême dont se pénètre, (fût-il paralysé) le reste du corps, — il ne saurait être dit, d’une manière absolue, de tel individu, qu’il est décédé.

      Or, comme le Prêtre ne peut, à la rigueur, que bénir et non absoudre les restes de ceux qui, se refusant à la Foi, n’ont pas accepté l’Absolution, que de fois, sur les champs de bataille, le soldat, — frappé d’un projectile à la bouche ou à la gorge, — ou le cou plus qu’à moitié fendu d’un coup de sabre, — fut réduit, moribond, à répondre en toute hâte, par des signes de paupières, à la question précipitée d’un aumônier, afin d’en obtenir cette clef — sacrée pour les croyants — de l’évasion du monde, l’Absolution !

      Et comme rien ne peut diviser qu’illusoirement l’occulte, la réel ensemble du corps, — puisque, très souvent, l’homme souffre du membre dont il fut amputé, — la tête a toujours suffi pour que le tronc des blessés bénéficiât, quand même, tout entier, — eût-il perdu, dans la mêlée, à droite et à gauche, bras et jambes, — de la puissance rédemptrice du Sacrement.

      Il est évident que je ne parle, ici, qu’au seul point de vue de la Foi chrétienne, ne reconnaissant la valeur d’aucun autre point de vue, d’ailleurs, en cette question — comme en toutes autres.

      Eh bien, puisque d’une part, lorsqu’il s’agit d’une œuvre de salut, l’Eglise n’hésite pas à s’adjoindre les ressources de la Science, et que, maintes fois, le Souverain Pontife accepta le secours... par exemple de l’électricité (cette apparente humiliation du tonnerre), pour expédier « par dépêche contrôlée » l’Absolution papale à d’augustes moribonds, voire à de simples personnages pieux, — puisque, d’autre part, le prêtre, tardivement appelé au chevet d’un agonisant évanoui, demande, tous les jours, au médecin « si la Science ne peut faire ouvrir les yeux, un seul instant, à ce malade en délire, — le temps, seulement, de lui offrir l’Absolution... et puisque, enfin, le chrétien part de cet éternel principe que, la Clémence de Dieu étant sans bornes, bien osé serait celui qui (pauvre ombre obscure, demain disparue, de tous oubliée), prétendrait, dans le temps, au nom de sa Raison d’un jour, assigner une limite à la Bonté-Libératrice, — oui, j’avoue, humblement, ne pas bien apercevoir en vertu de quel motif précis, clair, nettement exprimé, le Christianisme, ici, pour la première fois, se refuserait à suivre la Science — même sur l’extravagant terrain qu’elle vient de se choisir.

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