L'épouvante. Maurice Level
Coche, je n'avais pas songé à cela. Mais il n'hésita pas:
— De la part du Directeur, Monsieur Chénard.
— C'est différent, Monsieur… Je vais prévenir. Ne quittez pas…
Par le téléphone arrivaient assourdis et mêlés, les bruits confus du journal: un vague ronflement, un froissement de papiers, tous les murmures que Coche connaissait bien pour les entendre depuis dix ans, toutes les nuits, à la même heure, lorsque, son service fini, il s'apprêtait à rentrer se coucher.
— Monsieur Chénard? fit le secrétaire de la rédaction un peu essoufflé…
— Non Monsieur, répondit Coche, changeant toujours sa voix, pardonnez-moi, je ne suis pas le Directeur de votre journal. J'ai pris son nom pour être sûr de vous joindre, car ce que j'ai à vous annoncer est de la plus haute importance et ne souffre aucun retard…
— Qui êtes-vous alors?
— Quand je vous aurai dit que je m'appelle Dupont ou Durand, cela ne vous apprendra rien, et n'aura servi qu'à vous faire perdre un temps précieux.
— Ça suffit comme plaisanterie…
— Pour Dieu, Monsieur, s'écria Coche en tapant du pied, ne raccrochez pas l'appareil! Je vous apporte une nouvelle sensationnelle, une nouvelle qu'aucun journal ne possédera demain, ni après-demain, si je ne la lui donne pas. Un mot avant tout: Est-ce que votre journal roule?
— Pas encore, mais il va rouler dans dix minutes. Vous voyez donc que je n'ai pas le temps…
— Il faut que vous ayez celui de faire sauter quelques lignes en Dernière heure et de les remplacer par celles que je vais vous dicter:
«Un crime effroyable vient d'être commis au numéro 29 du boulevard Lannes, dans une maison habitée par un vieillard d'une soixantaine d'années. La victime a été frappée d'un coup de couteau qui lui a sectionné la gorge de l'oreille au sternum. Le vol semble avoir été le mobile du crime.»
— Un instant, répétez l'adresse…
— 29, boulevard Lannes.
— Je vous remercie, mais qui me dit?… qu'est-ce qui me prouve?… Comment pouvez-vous savoir? Je ne peux pas publier une information pareille sans preuve… Le temps matériel me manque pour contrôler… Dites-moi quelque chose qui m'indique à quelle source vous avez puisé ce renseignement… Allô! Allô! ne quittez pas… répondez, Monsieur…
— Eh bien, fit Coche, admettez si vous voulez, que je suis l'assassin!… Mais laissez-moi vous dire ceci: j'achèterai le premier numéro du Monde qui sortira de vos presses, et, si je n'y trouve pas l'information que je vous transmets, je la passe au Télégraphe, votre concurrent. Après ça, vous vous arrangerez avec M. Chénard. Faites sauter six lignes, croyez-moi, et remplacez-les par les miennes…
— Encore un mot, Monsieur, depuis quand savez-vous?…
Coche raccrocha tout doucement le récepteur, quitta la cabine, rentra dans la salle, et se mit à boire son café à petites gorgées, en homme satisfait d'avoir mené à bonne fin une affaire. Après quoi, ayant payé avec un billet de banque, le seul qu'il possédât et qui figurait dans son portefeuille du 1er janvier au 31 décembre, pour «avoir l'air», il releva le col de son pardessus, et sortit. Seulement, sur le pas de la porte, il s'arrêta et se dit à lui-même:
«Coche, mon ami, tu es un grand journaliste!»
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