Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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d’eux s’écria :

      – C’est drôle, hein ! Nous avons tous eu la même idée. Attention, Arsène Lupin est peut-être parmi nous.

      Ils entrèrent ensemble. Le directeur, aussitôt prévenu, se mit à leur entière disposition, les mena devant la vitrine, et leur montra un pauvre volume, sans le moindre ornement, et qui n’avait certes rien de royal. Un peu d’émotion tout de même les envahit à l’aspect de ce livre que la reine avait touché en des jours si tragiques, que ses yeux rougis de larmes avaient regardé… Et ils n’osaient le prendre et le fouiller, comme s’ils avaient eu l’impression d’un sacrilège…

      – Voyons, monsieur Beautrelet, c’est une tâche qui vous incombe.

      Il prit le livre d’un geste anxieux. La description correspondait bien à celle que l’auteur de la brochure en avait donnée. D’abord une couverture de parchemin, parchemin sali, noirci, usé par places, et, au-dessous, la vraie reliure, en cuir rigide.

      Avec quel frisson Beautrelet s’enquit de la poche dissimulée ! Était-ce une fable ? Ou bien retrouverait-il encore le document écrit par Louis XVI, et légué par la reine à son ami fervent ?

      À la première page, sur la partie supérieure du livre, pas de cachette.

      – Rien, murmura-t-il.

      – Rien, redirent-ils en écho, palpitants.

      Mais à la dernière page, ayant un peu forcé l’ouverture du livre, il vit tout de suite que le parchemin se décollait de la reliure. Il glissa les doigts… Quelque chose, oui, il sentit quelque chose… un papier…

      – Oh ! fit-il victorieusement, voilà… est-ce possible !

      – Vite ! Vite ! lui cria-t-on. Qu’attendez-vous ?

      Il tira une feuille, pliée en deux.

      – Eh bien, lisez !… Il y a des mots à l’encre rouge… tenez… on dirait du sang… du sang tout pâle… lisez donc !

      Il lut :

       À vous, Fersen. Pour mon fils, 16 octobre 1793… Marie-Antoinette.

      Et soudain, Beautrelet poussa une exclamation de stupeur. Sous la signature de la reine, il y avait… il y avait, à l’encre noire, deux mots soulignés d’un paraphe… deux mots : Arsène Lupin.

      Tous, chacun à son tour, ils saisirent la feuille, et le même cri s’échappait aussitôt :

      – Marie-Antoinette… Arsène Lupin.

      Un silence les réunit. Cette double signature, ces deux noms accouplés, découverts au fond du livre d’heures, cette relique où dormait, depuis plus d’un siècle, l’appel désespéré de la pauvre reine, cette date horrible, 16 octobre 1793, jour où tomba la tête royale, tout cela était d’un tragique morne et déconcertant.

      – Arsène Lupin, balbutia l’une des voix, soulignant ainsi ce qu’il y avait d’effarant à voir ce nom diabolique au bas de la feuille sacrée.

      – Oui, Arsène Lupin, répéta Beautrelet. L’ami de la reine n’a pas su comprendre l’appel désespéré de la mourante. Il a vécu avec le souvenir que lui avait envoyé celle qu’il aimait, et il n’a pas deviné la raison de ce souvenir. Lupin a tout découvert, lui… et il a pris.

      – Il a pris quoi ?

      – Le document parbleu ! Le document écrit par Louis XVI, et c’est cela que j’ai tenu entre mes mains. Même apparence, même configuration, mêmes cachets rouges. Je comprends pourquoi Lupin n’a pas voulu me laisser un document dont je pouvais tirer parti par le seul examen du papier, des cachets, etc.

      – Et alors ?

      – Et alors, puisque le document dont je connais le texte est authentique, puisque j’ai vu la trace des cachets rouges, puisque Marie-Antoinette elle-même certifie, par ce mot de sa main, que tout le récit de la brochure reproduite par M. Massiban est authentique, puisqu’il existe vraiment un problème historique de l’Aiguille creuse, je suis sûr de réussir.

      – Comment ? Authentique ou non, le document, si vous ne parvenez pas à le déchiffrer, ne sert à rien puisque Louis XVI a détruit le livre qui en donnait l’explication.

      – Oui, mais l’autre exemplaire, arraché aux flammes par le capitaine des gardes du roi Louis XIV, n’a pas été détruit.

      – Qu’en savez-vous ?

      – Prouvez le contraire.

      Beautrelet se tut, puis lentement, les yeux clos, comme s’il cherchait à préciser et à résumer sa pensée, il prononça :

      – Possesseur du secret, le capitaine des gardes commence par en livrer des parcelles dans le journal que retrouve son arrière-petit-fils. Puis le silence. Le mot de l’énigme, il ne le donne pas. Pourquoi ? Parce que la tentation d’user du secret s’infiltre peu à peu en lui, et qu’il y succombe. La preuve ? Son assassinat. La preuve ? Le magnifique joyau découvert sur lui et que, indubitablement, il avait tiré de tel trésor royal dont la cachette, inconnue de tous, constitue précisément le mystère de l’Aiguille creuse. Lupin me l’a laissé entendre : Lupin ne mentait pas.

      – De sorte, Beautrelet, que vous concluez ?

      Je conclus qu’il faut faire autour de cette histoire le plus de publicité possible, et qu’on sache par tous les journaux que nous recherchons un livre intitulé le Traité de l’Aiguille. Peut-être le dénichera-t-on au fond de quelque bibliothèque de province.

      Tout de suite la note fut rédigée, et tout de suite, sans même attendre qu’elle pût produire un résultat, Beautrelet se mit à l’œuvre.

      Un commencement de piste se présentait : l’assassinat avait eu lieu aux environs de Gaillon. Le jour même il se rendit dans cette ville. Certes, il n’espérait point reconstituer un crime perpétré deux cents ans auparavant. Mais, tout de même, il est certains forfaits qui laissent des traces dans les souvenirs, dans les traditions des pays.

      Les chroniques locales les recueillent. Un jour, tel érudit de province, tel amateur de vieilles légendes, tel évocateur des petits incidents de la vie passée, en fait l’objet d’un article de journal ou d’une communication à l’Académie de son chef-lieu.

      Il en vit trois ou quatre de ces érudits. Avec l’un d’eux, surtout, un vieux notaire, il fureta, il compulsa les registres de la prison, les registres des anciens bailliages et des paroisses. Aucune notice ne faisait allusion à l’assassinat d’un capitaine des gardes, au XVIIe siècle.

      Il ne se découragea pas et continua ses recherches à Paris où peut-être avait eu lieu l’instruction de l’affaire. Ses efforts n’aboutirent pas.

      Mais l’idée d’une autre piste le lança dans une direction nouvelle. Était-il impossible de connaître le nom de ce capitaine des gardes dont le petit-fils émigra, et dont l’arrière-petit-fils servit les armées de la République, en fut détaché au Temple pendant la détention de la famille royale, servit Napoléon, et fit la campagne de France ?

      À force de patience, il finit par établir une liste où deux noms tout au moins offraient une similitude presque complète : M. de Larbeyrie, sous Louis XIV, le citoyen Larbrie, sous la Terreur.

      C’était déjà un point important. Il le précisa par un entrefilet qu’il communiqua aux journaux, demandant si on pouvait lui fournir des renseignements sur ce Larbeyrie ou sur ses descendants.

      Ce fut M. Massiban, le Massiban de la brochure, le membre de l’Institut, qui lui répondit.

       Monsieur,

      Je vous signale un passage de Voltaire, que j’ai relevé dans son manuscrit du Siècle de Louis XIV (chapitre XXV : « Particularités et anecdotes du règne »). Ce passage a été supprimé dans les diverses


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