Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


Скачать книгу
bégayait-elle, si faible qu’elle ne pouvait même pas aller au secours de celui qu’on menaçait.

      Beautrelet la rassura. :

      – Ce n’est pas sérieux… il y a là une plaisanterie… voyons, qui aurait intérêt ?

      – À moins, insinua Massiban, que ce soit Arsène Lupin.

      Beautrelet lui fit signe de se taire. Il le savait bien, parbleu, que l’ennemi était là, de nouveau, attentif et résolu à tout, et c’est pourquoi justement il voulait arracher à Mme de Villemon les mots suprêmes, si longtemps attendus, et les arracher sur-le-champ, à la minute même.

      – Je vous en supplie, Madame, remettez-vous… Nous sommes tous là… Il n’y a aucun péril…

      Allait-elle parler ? Il le crut, il l’espéra. Elle balbutia quelques syllabes. Mais la porte s’ouvrit encore. La bonne, cette fois, entra. Elle semblait bouleversée.

      – M. Georges… Madame… M. Georges.

      D’un coup, la mère retrouva toutes ses forces. Plus vite que tous, et poussée par un instinct qui ne trompait pas, elle dégringola les marches de l’escalier, traversa le vestibule et courut vers la terrasse. Là, sur un fauteuil, le petit Georges était étendu, immobile.

      – Eh bien quoi ! Il dort !…

      – Il s’est endormi subitement, Madame, dit la bonne. J’ai voulu l’en empêcher, le porter dans sa chambre. Il dormait déjà, et ses mains… ses mains étaient froides.

      – Froides ! balbutia la mère… oui, c’est vrai… ah ! Mon Dieu, mon Dieu… Pourvu qu’il se réveille !

      Beautrelet glissa ses doigts dans une de ses poches, saisit la crosse de son revolver, de l’index agrippa la gâchette sortit brusquement l’arme, et fit feu sur Massiban.

      D’avance, pour ainsi dire, comme s’il épiait les gestes du jeune homme, Massiban avait esquivé le coup. Mais déjà Beautrelet s’était élancé sur lui en criant aux domestiques :

      – À moi ! C’est Lupin !…

      Sous la violence du choc, Massiban fut renversé sur un des fauteuils d’osier.

      Au bout de sept ou huit secondes, il se releva, laissant Beautrelet étourdi, suffoquant et tenant dans ses mains le revolver du jeune homme.

      – Bien… parfait… ne bouge pas… t’en as pour deux ou trois minutes… pas davantage… Mais vrai, t’as mis le temps à me reconnaître. Faut-il que je lui aie bien pris sa tête, au Massiban ?…

      Il se redressa, et d’aplomb maintenant sur ses jambes, le torse solide, l’attitude redoutable, il ricana en regardant les trois domestiques pétrifiés et le baron ahuri.

      – Isidore, t’as fait une boulette. Si tu ne leur avais pas dit que j’étais Lupin, ils me sautaient dessus. Et des gaillards comme ceux-là, bigre, que serais-je devenu, mon Dieu ! Un contre quatre !

      Il s’approcha d’eux :

      – Allons, mes enfants, n’ayez pas peur… je ne vous ferai pas de bobo… tenez, voulezvous un bout de sucre d’orge ? Ça vous remontera. Ah ! Toi, par exemple, tu vas me rendre mon billet de cent francs. Oui, oui, je te reconnais. C’est toi que j’ai payé tout à l’heure pour porter la lettre à ta maîtresse… Allons, vite, mauvais serviteur…

      Il prit le billet bleu que lui tendit le domestique et le déchira en petits morceaux.

      – L’argent de la trahison… ça me brûle les doigts.

      Il enleva son chapeau et s’inclinant très bas devant Mme de Villemon :

      – Me pardonnez-vous, Madame ? Les hasards de la vie – de la mienne surtout – obligent souvent à des cruautés dont je suis le premier à rougir. Mais soyez sans crainte pour votre fils, c’est une simple piqûre, une petite piqûre au bras que je lui ai faite, pendant qu’on l’interrogeait. Dans une heure, tout au plus, il n’y paraîtra pas… Encore une fois, toutes mes excuses. Mais j’ai besoin de votre silence.

      Il salua de nouveau, remercia M. de Vélines de son aimable hospitalité, prit sa canne, alluma une cigarette, en offrit une au baron, donna un coup de chapeau circulaire, cria d’un petit ton protecteur à Beautrelet : « Adieu, Bébé ! » et s’en alla tranquillement en lançant des bouffées de cigarette dans le nez des domestiques…

      Beautrelet attendit quelques minutes. Mme de Villemon, plus calme, veillait son fils. Il s’avança vers elle dans le but de lui adresser un dernier appel. Leurs yeux se croisèrent. Il ne dit rien. Il avait compris que jamais, maintenant, quoi qu’il arrivât, elle ne parlerait. Là encore, dans ce cerveau de mère, le secret de l’Aiguille creuse était enseveli aussi profondément que dans les ténèbres du passé.

      Alors il renonça et partit.

      Il était dix heures et demie. Il y avait un train à onze heures cinquante. Lentement il suivit l’allée du parc et s’engagea sur le chemin qui le menait à la gare.

      – Eh bien, qu’en dis-tu, de celle-là ?

      C’était Massiban, ou plutôt Lupin, qui surgissait du bois contigu à la route.

      – Est-ce bien combiné ? Est-ce que ton vieux camarade sait danser sur la corde raide ? Je suis sûr que t’en reviens pas, hein ? Et que tu te demandes si le nommé Massiban, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, a jamais existé ? Mais oui, il existe. On te le fera voir même, si t’es sage. Mais d’abord, que je te rende ton revolver… Tu regardes s’il est chargé ? Parfaitement, mon petit. Cinq balles qui restent, dont une seule suffirait à m’envoyer ad patres… Eh bien, tu le mets dans ta poche ?… À la bonne heure… J’aime mieux ça que ce que tu as fait là-bas… Vilain ton petit geste ! Mais, quoi, on est jeune, on s’aperçoit tout à coup, – un éclair ! – qu’on a été roulé une fois de plus par ce sacré Lupin, et qu’il est là devant vous à trois pas… pfffft, on tire… Je ne t’en veux pas, va… La preuve c’est que je t’invite à prendre place dans ma cent chevaux. Ça colle ?

      Il mit ses doigts dans sa bouche et siffla.

      Le contraste était délicieux entre l’apparence vénérable du vieux Massiban, et la gaminerie de gestes et d’accent que Lupin affectait, Beautrelet ne put s’empêcher de rire.

      – Il a ri ! Il a ri ! s’écria Lupin en sautant de joie. Vois-tu, ce qui te manque, bébé, c’est le sourire… tu es un peu grave pour ton âge… Tu es très sympathique, tu as un grand charme de naïveté et de simplicité… mais vrai, t’as pas le sourire.

      Il se planta devant lui.

      – Tiens, j’parie que je vais te faire pleurer. Sais-tu comment j’ai suivi ton enquête ? Comment j’ai connu la lettre que Massiban t’a écrite et le rendez-vous qu’il avait pris pour ce matin au château de Vélines ? Par les bavardages de ton ami, celui chez qui tu habites… Tu te confies à cet imbécile-là, et il n’a rien de plus pressé que de tout confier à sa petite amie… Et sa petite amie n’a pas de secrets pour Lupin. Qu’est-ce que je te disais ? Te voilà tout chose… Tes yeux se mouillent… l’amitié trahie, hein ? Ca te chagrine… Tiens, tu es délicieux, mon petit… Pour un rien je t’embrasserais… tu as toujours des regards étonnés qui me vont droit au cœur… Je me rappellerai toujours, l’autre soir, à Gaillon, quand tu m’as consulté… Mais oui, c’était moi, le vieux notaire… Mais ris donc, gosse… Vrai, je te répète, t’as pas le sourire. Tiens, tu manques… comment dirais-je ? Tu manques de « primesaut ». Moi, j’ai le « primesaut ».

      On entendait le halètement d’un moteur tout proche. Lupin saisit brusquement le bras de Beautrelet et, d’un ton froid, les yeux dans les yeux :

      – Tu vas te tenir tranquille maintenant, hein ? Tu vois bien qu’il n’y a rien à faire. Alors à quoi bon user tes forces et perdre ton temps ? Il y a assez


Скачать книгу