Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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vaste crique, une autre arche, plus imposante encore, se découpait dans la falaise, la Manneporte (magna porta), si grande, qu’un navire y aurait trouvé passage, ses mâts dressés et toutes voiles dehors. Au fond, partout, la mer.

      – Je ne vois pas notre flottille, dit Beautrelet.

      – Impossible, fit Ganimard, la porte d’Aval nous cache toute la côte d’Étretat et d’Yport. Mais tenez, là-bas, au large, cette ligne noire, au ras de l’eau…

      – Eh bien ?…

      – Eh bien, c’est notre flotte de guerre, le torpilleur n° 25. Avec ça, Lupin peut s’évader… s’il veut connaître les paysages sous-marins.

      Une rampe marquait l’orifice de l’escalier, près de la fissure. Ils s’y engagèrent. De temps à autre, une petite fenêtre trouait la paroi, et chaque fois ils apercevaient l’Aiguille, dont la masse leur semblait de plus en plus colossale. Un peu avant d’arriver au niveau de l’eau, les fenêtres cessèrent, et ce fut l’obscurité.

      Isidore comptait les marches à haute voix. À la trois cent cinquante-huitième, ils débouchèrent dans un couloir plus large que barrait encore une porte en fer, renforcée de plaques et de clous.

      – Nous connaissons ça, dit Beautrelet. Le document nous donne le nombre 357 et un triangle pointé à droite. Nous n’avons qu’à recommencer l’opération.

      La seconde porte obéit comme la première. Un long, très long tunnel se présenta, éclairé de place en place par la lueur vive de lanternes, suspendues à la voûte. Les murs suintaient, et des gouttes d’eau tombaient sur le sol, de sorte que, d’un bout à l’autre, on avait disposé pour faciliter la marche, un véritable trottoir en planches.

      – Nous passons sous la mer, dit Beautrelet. Vous venez, Ganimard ?

      L’inspecteur s’aventura dans le tunnel, suivit la passerelle en bois et s’arrêta devant une lanterne qu’il décrocha :

      – Les ustensiles datent peut-être du moyen âge, mais le mode d’éclairage est moderne. Ces messieurs s’éclairent avec des manchons à incandescence.

      Il continua son chemin. Le tunnel aboutissait à une autre grotte de proportions plus spacieuses, où l’on apercevait, en face, les premières marches d’un escalier qui montait.

      – Maintenant, c’est l’ascension de l’Aiguille qui commence, dit Ganimard, ça devient plus grave.

      Mais un de ses hommes l’appela.

      – Patron, un autre escalier, là, sur la gauche.

      Et tout de suite après, ils en découvrirent un troisième sur la droite.

      – Fichtre, murmura l’inspecteur, la situation se complique. Si nous passons par ici, ils fileront par là, eux.

      – Séparons-nous, proposa Beautrelet.

      – Non, non… ce serait nous affaiblir… Il est préférable que l’un de nous parte en éclaireur.

      – Moi, si vous voulez…

      – Vous, Beautrelet, soit. Je resterai avec mes hommes… comme ça, rien à craindre. Il peut y avoir d’autres chemins que celui que nous avons suivi dans la falaise, et plusieurs chemins aussi à travers l’Aiguille. Mais, pour sûr, entre la falaise et l’Aiguille, il n’y a pas d’autre communication que le tunnel. Donc, il faut qu’on passe par cette grotte. Donc je m’y installe jusqu’à votre retour. Allez, Beautrelet, et de la prudence… À la moindre alerte, rappliquez…

      Vivement Isidore disparut par l’escalier du milieu. À la trentième marche, une porte, une véritable porte en bois l’arrêta. Il saisit le bouton de la serrure et tourna. Elle n’était pas fermée.

      Il entra dans une salle qui lui sembla très basse, tellement elle était immense. Éclairée par de fortes lampes, soutenue par des piliers trapus, entre lesquels s’ouvraient de profondes perspectives, elle devait presque avoir les mêmes dimensions que l’Aiguille. Des caisses l’encombraient, et une multitude d’objets, des meubles, des sièges, des bahuts, des crédences, des coffrets, tout un fouillis comme on en voit au sous-sol des marchands d’antiquités. À sa droite et à sa gauche, Beautrelet aperçut l’orifice de deux escaliers, les mêmes sans doute que ceux qui partaient de la grotte inférieure. Il eût donc pu redescendre et avertir Ganimard. Mais, en face de lui, un nouvel escalier montait, et il eut la curiosité de poursuivre seul ses investigations.

      Trente marches encore. Une porte, puis une salle un peu moins vaste, sembla-t-il à Beautrelet. Et toujours, en face, un escalier qui montait.

      Trente marches encore. Une porte. Une salle plus petite…

      Beautrelet comprit le plan des travaux exécutés à l’intérieur de l’Aiguille. C’était une série de salles superposées les unes au-dessus des autres, et par conséquent, de plus en plus restreintes. Toutes servaient de magasins.

      À la quatrième, il n’y avait plus de lampe. Un peu de jour filtrait par des fissures, et Beautrelet aperçût la mer à une dizaine de mètres au-dessous de lui.

      À ce moment, il se sentit si éloigné de Ganimard qu’une certaine angoisse commença à l’envahir, et il lui fallut dominer ses nerfs pour ne pas se sauver à toutes jambes. Aucun danger ne le menaçait cependant, et même, autour de lui, le silence était tel qu’il se demandait si l’Aiguille entière n’avait pas été abandonnée par Lupin et ses complices.

      « Au prochain étage, se dit-il, je m’arrêterai. »

      Trente marches, toujours, puis une porte, celle-ci plus légère, d’aspect plus moderne. Il la poussa doucement, tout prêt à la fuite. Personne. Mais la salle différait des autres comme destination. Aux murs, des tapisseries, sur le sol, des tapis. Deux dressoirs magnifiques se faisaient vis-à-vis, chargés d’orfèvrerie. Les petites fenêtres, pratiquées dans les fentes étroites et profondes, étaient garnies de vitres.

      Au milieu de la pièce, une table richement servie avec une nappe en dentelle, des compotiers de fruits et de gâteaux, du champagne en carafes, et des fleurs, des amoncellements de fleurs.

      Autour de la table, trois couverts.

      Beautrelet s’approcha. Sur les serviettes il y avait des cartes avec les noms des convives.

      Il lut d’abord : Arsène Lupin.

      En face : Mme Arsène Lupin.

      Il prit la troisième carte et tressauta d’étonnement. Celle-là portait son nom : Isidore Beautrelet !

      10

       Le trésor des rois de France

      Table des matières

      Un rideau s’écarta.

      – Bonjour, mon cher Beautrelet, vous êtes un peu en retard. Le déjeuner était fixé à midi. Mais, enfin, à quelques minutes près… Qu’y a-t-il donc ? Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis donc si changé !

      Au cours de sa lutte contre Lupin, Beautrelet avait connu bien des surprises, et il s’attendait encore, à l’heure du dénouement, à passer par bien d’autres émotions, mais le choc cette fois fut imprévu. Ce n’était pas de l’étonnement, mais de la stupeur, de l’épouvante.

      L’homme qu’il avait en face de lui, l’homme que toute la force brutale des événements l’obligeait à considérer comme Arsène Lupin, cet homme c’était Valméras. Valméras ! Le propriétaire du château de l’Aiguille. Valméras ! Celui-là même auquel il avait demandé secours contre Arsène Lupin. Valméras ! Son compagnon d’expédition à Crozant. Valméras le courageux ami qui avait rendu possible l’évasion de Raymonde en frappant ou en affectant de frapper, dans l’ombre


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