Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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la tiare de Saïtapharnès, Beautrelet… Tu vois ce double appareil téléphonique… À droite, c’est la communication avec Paris – ligne spéciale. À gauche, avec Londres, ligne spéciale. Par Londres j’ai l’Amérique, j’ai l’Asie, j’ai l’Australie ! Dans tous ces pays, des comptoirs, des agents de vente, des rabatteurs. C’est le trafic international. C’est le grand marché de l’art et de l’antiquité, la foire du monde. Ah ! Beautrelet, il y a des moments où ma puissance me tourne la tête. Je suis ivre de force et d’autorité…

      La porte en dessous céda. On entendit Ganimard et ses hommes qui couraient et qui cherchaient… Après un instant, Lupin reprit, à voix basse :

      – Et voilà, c’est fini… Une petite fille a passé, qui a des cheveux blonds, de beaux yeux tristes, et une âme honnête, oui, honnête, et c’est fini… moi-même je démolis le formidable édifice… tout le reste me paraît absurde et puéril… il n’y a plus que ses cheveux qui comptent… ses yeux tristes… et sa petite âme honnête.

      Les hommes montaient l’escalier. Un coup ébranla a porte, la dernière… Lupin empoigna brusquement le bras du jeune homme.

      – Comprends-tu Beautrelet, pourquoi je t’ai laissé le champ libre, alors que, tant de fois, depuis des semaines, j’aurais pu t’écraser ? Comprends-tu que tu aies réussi à parvenir jusqu’ici ? Comprends-tu que j’aie délivré à chacun de mes hommes leur part de butin et que tu les aies rencontrés l’autre nuit sur la falaise ? Tu le comprends, n’est-ce pas ? L’Aiguille creuse, c’est l’Aventure. Tant qu’elle est à moi, je reste l’Aventurier. L’Aiguille reprise, c’est tout le passé qui se détache de moi, c’est l’avenir qui commence, un avenir de paix et de bonheur où je ne rougirai plus quand les yeux de Raymonde me regarderont, un avenir…

      Il se retourna furieux, vers la porte :

      – Mais tais-toi donc, Ganimard, je n’ai pas fini ma tirade !

      Les coups se précipitaient. On eût dit le choc d’une poutre projetée contre la porte. Debout en face de Lupin, Beautrelet, éperdu de curiosité, attendait les événements, sans comprendre le manège de Lupin. Qu’il eût livré l’Aiguille, soit, mais pourquoi se livrait-il lui-même ? Quel était son plan ? Espérait-il échapper à Ganimard ? Et d’un autre côté, où donc se trouvait Raymonde ?

      Lupin cependant murmurait, songeur :

      – Honnête… Arsène Lupin honnête… plus de vol… mener la vie de tout le monde… Et pourquoi pas ? Il n’y a aucune raison pour que je ne retrouve pas le même succès… Mais fiche-moi donc la paix, Ganimard ! Tu ignores donc, triple idiot, que je suis en train de prononcer des paroles historiques, et que Beautrelet les recueille pour nos petits-fils !

      Il se mit à rire :

      – Je perds mon temps. Jamais Ganimard ne saisira l’utilité de mes paroles historiques.

      Il prit un morceau de craie rouge, approcha du mur un escabeau, et il inscrivit en grosses lettres :

      Arsène Lupin lègue à la France tous les trésors de l’Aiguille creuse, à la seule condition que ces trésors soient installés au Musée du Louvre, dans des salles qui porteront le nom de « Salles Arsène Lupin ».

      – Maintenant, dit-il, ma conscience est en paix. La France et moi nous sommes quittes.

      Les assaillants frappaient à tour de bras. Un des panneaux fut éventré. Une main passa, cherchant la serrure.

      – Tonnerre, dit Lupin, Ganimard est capable d’arriver au but, pour une fois.

      Il sauta sur la serrure et enleva la clef.

      – Crac, mon vieux, cette porte-là est solide… J’ai tout mon temps… Beautrelet, je te dis adieu… Et merci !… Car vraiment tu aurais pu me compliquer l’attaque… Mais tu es un délicat, toi !

      Il s’était dirigé vers un grand triptyque de Van den Weiden, qui représentait les Rois Mages. Il replia le volet de droite et découvrit ainsi une petite porte dont il saisit la poignée.

      – Bonne chasse, Ganimard, et bien des choses chez toi !

      Un coup de feu retentit. Il bondit en arrière.

      – Ah canaille, en plein cœur ! T’as donc pris des leçons ? Fichu le roi mage ! En plein cœur ! Fracassé comme une pipe à la foire…

      – Rends-toi, Lupin ! hurla Ganimard dont le revolver surgissait hors du panneau brisé et dont on apercevait les yeux brillants… Rends-toi, Lupin !

      – Et la garde, est-ce qu’elle se rend ?

      – Si tu bouges, je te brûle…

      – Allons donc, tu ne peux pas m’avoir d’ici !

      De fait, Lupin s’était éloigné, et si Ganimard, par la brèche pratiquée dans la porte, pouvait tirer droit devant lui, il ne pouvait tirer ni surtout viser du côté où se trouvait Lupin… La situation de celui-ci n’en était pas moins terrible, puisque l’issue sur laquelle il comptait, la petite porte du triptyque, s’ouvrait en face de Ganimard. Essayer de s’enfuir, c’était s’exposer au feu du policier… et il restait cinq balles dans le revolver.

      – Fichtre, dit-il en riant, mes actions sont en baisse. C’est bien fait, mon vieux Lupin, t’as voulu avoir une dernière sensation et t’as trop tiré sur la corde. Fallait pas tant bavarder.

      Il s’aplatit contre le mur. Sous l’effort des hommes, un pan du panneau encore avait cédé, et Ganimard était plus à l’aise. Trois mètres, pas davantage, séparaient les deux adversaires. Mais une vitrine en bois doré protégeait Lupin.

      – À moi donc, Beautrelet, s’écria le vieux policier, qui grinçait de rage… tire donc dessus, au lieu de reluquer comme ça !…

      Isidore, en effet, n’avait pas remué, spectateur passionné, mais indécis jusque-là. De toutes ses forces, il eût voulu se mêler à la lutte et abattre la proie qu’il tenait à sa merci. Un sentiment obscur l’en empêchait.

      L’appel de Ganimard le secoua. Sa main se crispa à la crosse de son revolver.

      « Si je prends parti, pensa-t-il Lupin est perdu… et j’en ai le droit… c’est mon devoir… »

      Leurs yeux se rencontrèrent. Ceux de Lupin étaient calmes, attentifs, presque curieux, comme si, dans l’effroyable danger qui le menaçait, il ne se fût intéressé qu’au problème moral qui étreignait le jeune homme. Isidore se déciderait-il à donner le coup de grâce à l’ennemi vaincu ?… La porte craqua du haut en bas.

      – À moi, Beautrelet, nous le tenons, vociféra Ganimard.

      Isidore leva son revolver.

      Ce qui se passa fut si rapide qu’il n’en eut pour ainsi dire conscience que par la suite. Il vit Lupin se baisser, courir le long du mur, raser la porte, au-dessous de l’arme même que brandissait vainement Ganimard, et il se sentit soudain, lui, Beautrelet, projeté à terre, ramassé aussitôt, et soulevé par une force invincible.

      Lupin le tenait en l’air, comme un bouclier vivant, derrière lequel il se cachait.

      – Dix contre un que je m’échappe, Ganimard ! Avec Lupin, vois-tu, il y a toujours de la ressource…

      Il avait reculé rapidement vers le triptyque. Tenant d’une main Beautrelet plaqué contre sa poitrine, de l’autre il dégagea l’issue et referma la petite porte. Il était sauvé… Tout de suite un escalier s’offrit à eux, qui descendait brusquement.

      – Allons, dit Lupin, en poussant Beautrelet devant lui, l’armée de terre est battue… occupons nous de la flotte française. Après Waterloo, Trafalgar… T’en auras pour ton argent, hein, petit !… Ah ! Que c’est drôle, les voilà qui cognent le triptyque maintenant… Trop tard, les enfants… Mais file donc, Beautrelet…

      L’escalier,


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