Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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? répéta Grimaudan.

      Victor ne répondit pas.

      – Ah ! Parfait, tu veux me faire poser, mon bonhomme.

      – Non… mais… je vais crever de misère.

      – Et alors, tu hésites ? Allons, je serai bon prince. Combien te faut-il ?

      – De quoi prendre un billet d’entrepont pour l’Amérique.

      – Convenu.

      – Et un billet de cent francs pour les premiers frais.

      – Tu en auras deux. Parle.

      – Comptez les pavés, à droite de l’égout. C’est entre le douzième et le treizième.

      – Dans le ruisseau ?

      – Oui, en bas du trottoir.

      Grimaudan regarda autour de lui. Des tramways passaient, des gens passaient. Mais bah ! Qui pouvait se douter ?…

      Il ouvrit son canif et le planta entre le douzième et le treizième pavé.

      – Et si elle n’y est pas ?

      – Si personne ne m’a vu me baisser et l’enfoncer, elle y est encore.

      Se pouvait-il qu’elle y fût ? La perle noire jetée dans la boue d’un ruisseau, à la disposition de premier venu ! La perle noire… une fortune !

      – À quelle profondeur ?

      – Elle est à dix centimètres, à peu près.

      Il creusa le sable mouillé. La pointe de son canif heurta quelque chose. Avec ses doigts, il élargit le trou.

      Il aperçut la perle noire.

      – Tiens, voilà tes deux cents francs. Je t’enverrai ton billet pour l’Amérique.

      Le lendemain, l’Écho de France publiait cet entrefilet, qui fut reproduit par les journaux du monde entier.

      « Depuis hier, la fameuse perle noire est entre les mains d’Arsène Lupin qui l’a reprise au meurtrier de la comtesse d’Andillot. Avant peu, des fac-similés de ce précieux bijou seront exposés à Londres, à Saint-Pétersbourg, à Calcutta, à Buenos Aires et à New York.

      « Arsène Lupin attend les propositions que voudront bien lui faire ses correspondants. »

      – Et voilà comme quoi le crime est toujours puni et la vertu récompensée, conclut Arsène Lupin, lorsqu’il m’eut révélé les dessous de l’affaire.

      – Et voilà comme quoi, sous le nom de Grimaudan, ex-inspecteur de la Sûreté, vous fûtes choisi par le destin pour enlever au criminel le bénéfice de son forfait.

      – Justement. Et j’avoue que c’est une des aventures dont je suis le plus fier. Les quarante minutes que j’ai passées dans l’appartement de la comtesse, après avoir constaté sa mort, sont parmi les plus étonnantes et les plus profondes de ma vie. En quarante minutes, empêtré dans la situation la plus inextricable, j’ai reconstitué le crime, j’ai acquis la certitude, à l’aide de quelques indices, que le coupable ne pouvait être qu’un domestique de la comtesse. Enfin, j’ai compris que, pour avoir la perle, il fallait que ce domestique fût arrêté – et j’ai laissé le bouton de gilet – mais qu’il ne fallait pas qu’on relevât contre lui des preuves irrécusables de sa culpabilité – et j’ai ramassé le couteau oublié sur le tapis, emporté la clef oubliée sur la serrure, fermé la porte à double tour, et effacé les traces des doigts sur le plâtre du cabinet aux robes. À mon sens, ce fut là un de ces éclairs…

      – De génie, interrompis-je.

      – De génie, si vous voulez, et qui n’eût pas illuminé le cerveau du premier venu. Deviner en une seconde les deux termes du problème – une arrestation et un acquittement – me servir de l’appareil formidable de la justice pour détraquer mon homme, pour l’abêtir, bref, pour le mettre dans un état d’esprit tel, qu’une fois libre, il devait inévitablement, fatalement, tomber dans le piège un peu grossier que je lui tendais !…

      – Un peu ? dites beaucoup, car il ne courait aucun danger.

      – Oh ! Pas le moindre, puisque tout acquittement est une chose définitive.

      – Pauvre diable…

      – Pauvre diable… Victor Danègre ! Vous ne songez pas que c’est un assassin ? Il eût été de la dernière immoralité que la perle noire lui restât. Il vit, pensez donc, Danègre vit !

      – Et la perle noire est à vous.

      Il la sortit d’une des poches secrètes de son portefeuille, l’examina, la caressa de ses doigts et de ses yeux, et il soupirait :

      – Quel est le boyard, quel est le rajah imbécile et vaniteux qui possédera ce trésor ? À quel milliardaire américain est destiné le petit morceau de beauté et de luxe qui ornait les blanches épaules de Léontine Zalti, comtesse d’Andillot ?…

      9

       Herlock Sholmès arrive trop tard

      Table des matières

      – C’est étrange ce que vous ressemblez à Arsène Lupin, Velmont !

      – Vous le connaissez !

      – Oh ! Comme tout le monde, par ses photographies, dont aucune n’est pareille aux autres, mais dont chacune laisse l’impression d’une physionomie identique… qui est bien la vôtre.

      Horace Velmont parut plutôt vexé.

      – N’est-ce pas, mon cher Devanne ? Et vous n’êtes pas le premier à m’en faire la remarque, croyez-le.

      – C’est au point, insista Devanne, que si vous n’aviez pas été recommandé par mon cousin d’Estevan, et si vous n’étiez pas le peintre connu dont j’admire les belles marines, je me demande si je n’aurais pas averti la police de votre présence à Dieppe.

      La boutade fut accueillie par un rire général. Il y avait là, dans la grande salle à manger du château de Thibermesnil, outre Velmont : l’abbé Gélis, curé du village, et une douzaine d’officiers dont les régiments manœuvraient aux environs, et qui avaient répondu à l’invitation du banquier Georges Devanne et de sa mère. L’un d’eux s’écria :

      – Mais, est-ce que, précisément, Arsène Lupin n’a pas été signalé sur la côte, après son fameux coup du rapide de Paris au Havre ?

      – Parfaitement, il y a de cela trois mois, et la semaine suivante je faisais connaissance au casino de notre excellent Velmont qui, depuis, a bien voulu m’honorer de quelques visites – agréable préambule d’une visite domiciliaire plus sérieuse qu’il me rendra l’un de ces jours… ou plutôt l’une de ces nuits !

      On rit de nouveau et l’on passa dans l’ancienne salle des gardes, vaste pièce, très haute, qui occupe toute la partie inférieure de la tour Guillaume, et où Georges Devanne a réuni les incomparables richesses accumulées à travers les siècles par les sires de Thibermesnil. Des bahuts et des crédences, des landiers et des girandoles la décorent. De magnifiques tapisseries pendent aux murs de pierre. Les embrasures des quatre fenêtres sont profondes, munies de bancs, et se terminent par des croisées ogivales à vitraux encadrés de plomb. Entre la porte et la fenêtre de gauche, s’érige une bibliothèque monumentale de style Renaissance, sur le fronton de laquelle on lit, en lettres d’or : « Thibermesnil » et au-dessous, la fière devise de la famille : « Fais ce que veulx. »

      Et comme on allumait des cigares, Devanne reprit :

      – Seulement, dépêchez-vous, Velmont, c’est la dernière nuit qui vous reste.

      – Et pourquoi


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