Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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dissipent de plus en plus. Deux fois six font douze.

      – Riez à votre guise, monsieur, fit l’abbé, il n’empêche que ces deux citations contiennent la solution, et qu’un jour ou l’autre viendra quelqu’un qui saura les interpréter.

      – Herlock Sholmès d’abord, dit Devanne… À moins qu’Arsène Lupin ne le devance. Qu’en pensez-vous, Velmont ?

      Velrnont se leva, mit la main sur l’épaule de Devanne, et déclara :

      – Je pense qu’aux données fournies par votre livre et par celui de la Bibliothèque, il manquait un renseignement de la plus haute importance, et que vous avez eu la gentillesse de me l’offrir. Je vous en remercie.

      – De sorte que ?…

      – De sorte que maintenant, la hache ayant tournoyé, l’oiseau s’étant enfui, et deux fois six faisant douze, je n’ai plus qu’à me mettre en campagne.

      – Sans perdre une minute.

      – Sans perdre une seconde ! Ne faut-il pas que cette nuit, c’est-à-dire avant l’arrivée de Herlock Sholmès, je cambriole votre château ?

      – Il est de fait que vous n’avez que le temps. Voulezvous que je vous conduise ?

      – Jusqu’à Dieppe ?

      – Jusqu’à Dieppe. J’en profiterai pour ramener moi-même monsieur et madame d’Androl et une jeune fille de leurs amis qui arrivent par le train de minuit.

      Et s’adressant aux officiers, Devanne ajouta :

      – D’ailleurs, nous nous retrouverons tous ici demain à déjeuner, n’est-ce pas, messieurs ? Je compte bien sur vous, puisque ce château doit être investi par vos régiments et pris d’assaut sur le coup de onze heures.

      L’invitation fut acceptée, on se sépara et un instant plus tard, une 20-30 Étoile d’Or emportait Devanne et Velmont sur la route de Dieppe. Devanne déposa le peintre devant le casino, et se rendit à la gare.

      À minuit, ses amis descendaient du train. À minuit et demi, l’automobile franchissait les portes de Thibermesnil. À une heure, après un léger souper servi dans le salon, chacun se retira. Peu à peu toutes les lumières s’éteignirent. Le grand silence de la nuit enveloppa le château.

      Mais la lune écarta les nuages qui la voilaient, et, par deux des fenêtres, emplit le salon de clarté blanche. Cela ne dura qu’un moment. Très vite la lune se cacha derrière le rideau des collines. Et ce fut l’obscurité. Le silence s’augmenta de l’ombre plus épaisse. À peine, de temps à autre, des craquements de meubles le troublaient-ils, ou bien le bruissement des roseaux sur l’étang qui baigne les vieux murs de ses eaux vertes.

      La pendule égrenait le chapelet infini des secondes. Elle sonna deux heures. Puis, de nouveau, les secondes tombèrent hâtives et monotones dans la paix lourde de la nuit. Puis trois heures sonnèrent.

      Et tout à coup quelque chose claqua, comme fait, au passage d’un train, le disque d’un signal qui s’ouvre et se rabat. Et un jet fin de lumière traversa le salon de part en part, ainsi qu’une flèche qui laisserait derrière elle une traînée étincelante. Il jaillissait de la cannelure centrale d’un pilastre où s’appuie, à droite, le fronton de la bibliothèque. Il s’immobilisa d’abord sur le panneau opposé en un cercle éclatant, puis il se promena de tous côtés comme un regard inquiet qui scrute l’ombre, puis il s’évanouit pour jaillir encore, pendant que toute une partie de la bibliothèque tournait sur elle-même et démasquait une large ouverture en forme de voûte.

      Un homme entra, qui tenait à la main une lanterne électrique. Un autre homme et un troisième surgirent qui portaient un rouleau de cordes et différents instruments. Le premier inspecta la pièce, écouta et dit :

      – Appelez les camarades.

      De ces camarades, il en vint huit par le souterrain, gaillards solides, au visage énergique. Le déménagement commença.

      Ce fut rapide. Arsène Lupin passait d’un meuble à un autre, l’examinait et, suivant ses dimensions ou sa valeur artistique, lui faisait grâce ou ordonnait :

      – Enlevez !

      Et l’objet était enlevé, avalé par la gueule béante du tunnel, expédié dans les entrailles de la terre.

      Et ainsi furent escamotés six fauteuils et six chaises Louis XV, et des tapisseries d’Aubusson, et des girandoles signées Gouthière, et deux Fragonard, et un Nattier, et un buste de Houdon, et des statuettes. Quelquefois Lupin s’attardait devant un magnifique bahut ou un superbe tableau et soupirait :

      – Trop lourd, celui-là… trop grand… quel dommage !

      Et il continuait son expertise.

      En quarante minutes, le salon fut « désencombré », selon l’expression d’Arsène. Et tout cela s’était accompli dans un ordre admirable, sans aucun bruit, comme si tous les objets que maniaient ces hommes eussent été garnis d’épaisse ouate.

      Il dit alors au dernier d’entre eux, qui s’en allait, porteur d’un cartel signé Boulle :

      – Inutile de revenir. Il est entendu, n’est-ce pas, qu’aussitôt l’autocamion chargé, vous filez jusqu’à la grange de Roquefort.

      – Mais vous, patron ?

      – Qu’on me laisse la motocyclette.

      L’homme parti, il repoussa, tout contre, le pan mobile de la bibliothèque, puis, après avoir fait disparaître les traces du déménagement, effacé les marques de pas, il souleva une portière, et pénétra dans une galerie qui servait de communication entre la tour et le château. Au milieu, il y avait une vitrine, et c’était à cause de cette vitrine qu’Arsène Lupin avait poursuivi ses investigations.

      Elle contenait des merveilles, une collection unique de montres, de tabatières, de bagues, de châtelaines, de miniatures du plus joli travail. Avec une pince il força la serrure, et ce lui fut un plaisir inexprimable que de saisir ces joyaux d’or et d’argent, ces petites œuvres d’un art si précieux et si délicat.

      Il avait passé en bandoulière autour de son cou un large sac de toile spécialement aménagé pour ces aubaines. Il le remplit. Et il remplit aussi les poches de sa veste, de son pantalon et de son gilet. Et il refermait son bras gauche sur une pile de ces réticules en perles si goûtés de nos ancêtres, et que la mode actuelle recherche si passionnément… lorsqu’un léger bruit frappa son oreille.

      Il écouta : il ne se trompait pas, le bruit se précisait.

      Et soudain il se rappela : à l’extrémité de la galerie, un escalier intérieur conduisait à un appartement inoccupé jusqu’ici, mais qui était, depuis ce soir, réservé à cette jeune fille que Devanne avait été chercher à Dieppe avec ses amis d’Androl.

      D’un geste rapide ; il pressa du doigt le ressort de sa lanterne : elle s’éteignit. Il avait à peine gagné l’embrasure d’une fenêtre qu’au haut de l’escalier la porte fut ouverte et d’une faible lueur éclaira la galerie.

      Il eut la sensation – car, à demi caché par un rideau, il ne voyait point – qu’une personne descendait les premières marches avec précaution. Il espéra qu’elle n’irait pas plus loin. Elle descendit cependant et avança de plusieurs pas dans la pièce. Mais elle poussa un cri. Sans doute avait-elle aperçu la vitrine brisée, aux trois quarts vide.

      Au parfum, il reconnut la présence d’une femme. Ses vêtements frôlaient presque le rideau qui le dissimulait, et il lui sembla qu’il entendait battre le cœur de cette femme, et qu’elle aussi devinait la présence d’un autre être, derrière elle, dans l’ombre, à portée de sa main… Il se dit : « Elle a peur… elle va partir… il est impossible qu’elle ne parte pas. » Elle ne partit point. La bougie qui tremblait dans sa main s’affermit. Elle se retourna, hésita un instant, parut écouter le silence effrayant,


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