Iza Lolotte et Compagnie. Alexis Bouvier

Iza Lolotte et Compagnie - Alexis Bouvier


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par l’un et par l’autre, ils durent clore l’entretien et se mêler aux quolibets qu’échangeaient les invités.

      Ce fut un bruyant souper, où on mangea bien, buvant plus, à la fin duquel on chanta des chansons épouvantables qui faisaient éclater de rire Iza et plisser le front de Verchemont. Puis deux convives, d’abord, quittèrent la table pour aller jouer dans un salon; les femmes, qu’on lutinait, se levèrent, se faisant poursuivre. Insensiblement, tout le monde abandonna la table, et l’un des hommes, qu’on appelait l’artiste, se mit au piano, accompagnant une petite soubrette des Galeries-Saint-Hubert qui chantait une polissonnerie. Ce fut la dernière chanson.

      Van Ber-Costeinn avait pris le bras de Verchemont et l’entraînait dans un coin du salon, causant avec lui des changements à opérer le lendemain dans l’administration de la banque Flamande, dont le baron était le président du conseil de surveillance et Oscar administrateur.

      Les femmes ayant prié le musicien assis devant le piano de jouer une gaudriole, une petite sauterie s’organisa. On dansait. Le baron et Verchemont causaient; et c’est dans ce milieu, entourés de danseurs et de danseuses, qu’ils accomplirent la rénovation de la banque Flamande.

       DES NOUVELLES DE PARIS

       Table des matières

      Dans une chambre, au rez-de-chaussée de l’hôtel du Vieux-Monarque, l’agent Huret, assis devant une table, écrivait. Chaque fois qu’il avait terminé un paragraphe de sa longue lettre, ses yeux se tournaient vers la pendule, et, après un mouvement d’impatience, il se remettait à écrire.

      Minuit venait de sonner; furieux, après avoir écrit la suscription sur l’enveloppe, il se leva en maugréant:

      –Allons, je n’aurai rien ce soir; je vais fermer ma lettre sans savoir que dire. Que peut-il faire à cette heure? On ne se perd pas dans Bruxelles! Il ne viendra pas.

      Et il se promenait de long en large dans sa chambre.

      C’était l’heure où presque tous les voyageurs rentrent du club ou du théâtre. La sonnette tintait souvent, la porte cochère s’ouvrait et se refermait. L’agent Huret penchait la tête, écoutait une minute; puis, n’entendant pas dans la cour le bruit des pas se diriger vers sa chambre, il avait un mouvement et recommençait sa marche impatiente, grommelant:

      –Il faut que je ferme la lettre, le courrier part le matin, à neuf heures; il faut absolument qu’elle soit mise ce soir. Il n’y a rien, il ne viendra pas. Ah bah! tant pis.

      La demie de minuit sonnant, il alla vers sa table et écrivit:

      «Je n’ai pas de nouveaux renseignements ce soir; à demain, par le prochain courrier.»

      Et de mauvaise humeur, il pliait la lettre, la plaçait dans l’enveloppe, quand la sonnette retentit de nouveau.

      Il entendit la porte s’ouvrir, se refermer, et sa figure redevint souriante quand son oreille perçut un bruit de pas se dirigeant de son côté; il n’attendit pas, prit la bougie et alla ouvrir, au moment où on allait frapper, à celui que nous avons vu partir avec lui.

      –Eh bien? fit-il vivement.

      Chadi entra, ferma la porte.

      –Écoutez, monsieur Huret, je suis éreinté, et j’ai, pas grand’chose; je suis à ses trousses depuis tantôt.

      –As-tu du nouveau?

      –Eh! non, c’est ça qui m’embête; j’ai pas pu avoir de renseignements, il était trop tard.

      –Enfin, parle. Tu vois, ma lettre est prête, j’ai écrit; j’attendais pour la fermer. Il faut qu’elle parte demain à neuf heures; c’est l’heure de l’express; les lettres sont distribuées à Paris à quatre heures. Je ne puis manquer ce courrier, il faut la fermer ce soir.

      –Si on ne part que demain matin à neuf heures, soyez tranquille, nous aurons du nouveau; je me lèverai de bonne heure pour savoir ma petite affaire, je vous le dis, et je porte la lettre au chemin de fer avant huit heures. Vous voyez que vous pouvez être tranquille.

      –Oui, ainsi c’est possible. Alors, tu as du nouveau?

      –J’en ai et je n’en ai pas; qu’est-ce que vous voulez que je vous dise? Je suis sur une piste, nous verrons ce que ça donnera.

      –Voyons, mets-toi là.

      –Oh! ne vous inquiétez pas, je parle aussi bien debout qu’assis.

      –Eh bien, qu’as-tu vu?

      –Voilà. J’ai pas quitté l’équipage, vous pensez bien, jusqu’à la rue de la Loi. Quand j’ai vu qu’elle descendait, elle, et que la voiture repartait avec lui, je me suis demandé ce que je devais faire. Je me promenais donc là, devant ce grand jardin, je ne sais pas comment vous l’appelez, pour voir si elle ressortait. Bien m’en a pris. Après, j’ai vu revenir la voiture avec deux postillons, un groom, tout le tralala, enfin. Il n’y en a qu’un qui est descendu, il a fait rentrer les chevaux et la voiture dans la maison, puis l’autre s’en est allé à pied, tout tranquillement. Je me suis dit: je vais suivre celui-là. Il remonta sur l’espèce de boulevard; il avait l’air un peu éméché; vous savez qu’ils en boivent, ici, aux courses, du Champagne, ces gars-là! Je l’aborde et lui dis, en clignant de l’œil, que je l’avais remarqué, qu’il avait rudement de la chance, qu’il conduisait une bien jolie femme. Il s’arrêta, me regarda avec un rire drôle, et il me dit:

      Tes-t-un Fransquillon, toi, sais-tu?

      –Plus que toi, que je lui dis. C’est comme ça que nous faisons connaissance! Il paraît qu’il y a longtemps que nous nous connaissons, puisque tu me tuteyes?

      –Elle est de ton pays, celle-là, sais-tu?

      –Oh! pas tant que tu crois, ma vieille; je n’en suis par fier, moi.

      Et puis, il cligna de l’œil; ça lui fit faire une grimace, oh! mais une grimace, que j’avais envie de lui rire au nez; puis il continua:

      –C’est une fille de plaisir, ça, . qu’on connaît là-bas, hein?.

      Enfin, je lui offre quelque chose, nous allons dans une brasserie. Ah! ils en ont une bière, ici, je ne vous la recommande pas; elle ne coûte pas cher, mais elle vaut encore moins que le prix qu’on la vend. Je sais que, pour ma part, je n’y ai pas touché. Ah! lui, tout le temps il avait le nez dedans, il prenait ça comme avec une pelle.

      –Enfin, que t’a-t-il dit? fit Huret impatienté.

      –Lui, mais rien. C’est justement ce que je vous raconte. Aussitôt qu’il eut bu deux ou trois chopes de cette bière-là, cela lui changea son langage, je ne pus plus comprendre ce qu’il me dit. Dans cette brasserie-là, ils parlaient tous ce patois-là. Je suis bien sûr qu’il n’y en avait pas un qui comprenait; ils faisaient cela pour me faire poser. Ce que j’ai pu apprendre de lui, c’est qu’il avait eu vingt francs pour sa journée; que l’autre était de la maison et que lui était un postillon extra. En voilà un drôle de métier!

      –Après? Ce n’est pas tout ce que tu as à me dire? dit Huret désappointé.

      –Non, attendez donc. La nuit était venue; alors je suis retourné au petit hôtel de la rue de la Loi, me disant: je vais tâcher d’en trouver un autre qui me donnera des renseignements. J’arrive juste au moment où une voiture sortait au pas, et, heureusement, à la clarté des lanternes, je reconnais l’Iza qui était dedans. J’arrivais juste. Je suis la voiture; oh! un chemin pas fatigant, nous n’avons fait que descendre, comme si on venait de Montmartre, et nous sommes arrivés sur la grande place, là, à côté. On appelle ça la


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