La prononciation du français langue étrangère. Группа авторов

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[kɪnt] ‘enfant’ vs Kinder [ˈkɪn.dɐ] ‘enfants’), mène couramment à des erreurs de segmentation dans l’anglais et le français des apprenant.e.s monolingues telles que angl. bad ‘mauvais’, prononcé avec un /d/ final dévoisé (donnant *[bæt]) ou fr. gaz, prononcé avec une réalisation sonore du /z/ final (*[ɡas]). L’étude de Gabriel et al. (2021), finalement, a mis en évidence que les apprenant.e.s bilingues allemand-turc arrivent également à éviter, dans la plupart des cas, le transfert négatif d’une autre règle phonologique de l’allemand vers le FLE : lorsque les monolingues tendent à vocaliser le /ʁ/ français en position de coda syllabique selon le modèle de l’allemand (ce qui donne des productions comme [kʏlˈtyɐ̯] (culture), calquées sur l’allemand Kultur [kʊlˈtuɐ̯]), les plurilingues semblent se pencher plutôt sur le turc (où le r maintient son caractère consonantique en position finale : kültür [kyltyɾ̥]) et, par conséquent, tendent à prononcer correctement culture [kyltyʁ].1 Reste à souligner, pour finir, que la présence ou l’absence du transfert négatif de la vocalisation du r a un impact sur le rythme prosodique, c’est-à-dire sur la distribution des intervalles vocaliques et consonantiques (cf. Abercrombie 1967 ; Pike 1945 ; Auer/Uhmann 1988 ; Ramus et al. 1999 ; White/Mattys 2007 ; Kinoshita/Sheppard 2011). C’est ainsi que dans l’étude de Gabriel et al. (2021) les données produites par les apprenant.e.s plurilingues sont caractérisées par une variabilité vocalique moins élevée (et plus conforme à celle du français natif) que celles des apprenant.e.s monolingues. Cela signifie que le rythme des données du premier groupe est également plus conforme à celui de la langue cible.

      En résumé, les recherches sur l’apprentissage de la prononciation du FLE dans le contexte plurilingue ont mis en évidence certains signes d’un avantage bilingue au niveau de la phonologie segmentale. De tels résultats vont au-delà non seulement d’un « avantage bilingue » général souvent mentionné dans la littérature2, mais aussi au-delà des propriétés générales de la parole non native telles qu’un débit de parole plus lent (cf. Gut et al. 2008 : 10–11), un registre tonal réduit (cf. Jenner 1976 ; Mennen 2008 : 55) et une utilisation moins variable de la fréquence fondamentale (cf. Zimmerer et al. 2014).

      3 Les systèmes intonatifs du français, du turc et de l’allemand : similarités et différences

      En ce qui concerne l’intonation, c’est-à-dire l’utilisation systématique de la fréquence fondamentale (F0) mesurée en hertz (Hz), le français et le turc sont assez semblables, tandis que l’allemand diffère considérablement de ces deux langues. En tant que « langue de mots » typique (cf. Caro Reina/Szczepaniak 2014), l’allemand présente un système intonatif essentiellement basé sur la position des syllabes métriquement fortes du mot lexical (Jun 2014). Ainsi les contours de F0 allemands sont-ils déterminés de manière décisive par les deux caractéristiques suivantes :

      1 Les syllabes toniques (spécifiées comme telles au niveau lexical) sont marquées par des mouvements tonals locaux (accents de hauteur ou tonals ; angl. pitch accents). Ceci permet des paires minimales comme Tenor ‘ténor’ vs Tenor ‘teneur (d’un texte)’.

      2 Différents signifiés pragmatiques (comme, par exemple, l’évidence ou l’étonnement) et la modalité de la phrase sont exprimés par des mouvements tonals associées aux limites des phrases prosodiques (tons de frontière ; angl. boundary tones).1

      Contrairement à cela, l’accentuation lexicale des mots manque en français, ce qui a mené Rossi (1980) à le qualifier de « langue sans accent ». Au lieu de cela, le français présente un système intonatif basé sur le phrasé prosodique qui dépend essentiellement de la répartition de la parole en unités plus petites. Le fait que l’intonation française s’appuie entièrement sur la distribution de frontières prosodiques dans la chaîne parlée a également été reflété dans la terminologie scientifique : c’est ainsi que le français s’est vu attribuer, dans la terminologie de Jun (2014), la dénomination d’une « langue basée sur les confins » (angl. edge-based language). Les contours intonatifs du français sont réalisés par des excursions de F0 qui se produisent (obligatoirement) à la fin et (facultativement) au début des groupes rythmiques, appelés « phrases accentuelles » (PA, angl. accent phrase, cf. Jun/Fougeron 2000 ; Delais-Roussarie et al. 2015) ou « syntagmes accentuels », d’après la terminologie proposée par Kaminskaïa (2009). Le schéma (ou : gabarit) sous-jacent et ses possibles réalisations de surface sont illustrés par les syntagmes présentés au Tableau 1 : la montée finale obligatoire, symbolisée « LH* » (angl. low tone and high pitch accent), est ancrée à la frontière droite de la phrase accentuelle et réalisée sur la dernière syllabe de celle-ci. Plus la phrase accentuelle est longue, plus il est probable que s’y produit, en sus du contour F0 ascendant final, une montée initiale (facultative), symbolisée « aLHi » (angl. (left-)aligned low tone plus initial high tone).

      Tab. 1 :

      Réalisations de surface du gabarit sous-jacent /aLHiLH*/ dans la phrase accentuelle française d’après Delais-Roussarie et al. (2015 : 70). Les syllabes accentuées (finales et initiales) sont marquées par des tons hauts (H) indiqués en caractères gras.

      Le turc, enfin, occupe une position intermédiaire entre l’allemand et le français. Ceci se manifeste dans le fait que dans le cas non-marqué les mots turcs portent un accent tonal haut sur la dernière syllabe. Göksel/Kerslake (2005 : 26) appellent ce type de mots, qui constituent la plus grande partie du vocabulaire turc, les « racines régulières » (angl. regular roots). Si celles-ci sont complétées, conformément à la structure agglutinante de la langue turque, par des suffixes (accentués), l’accent tonique se déplace régulièrement vers la dernière syllabe, comme l’illustrent les exemples suivants :

dür ‘directeur’ [my ˈdyɾ̥]
müdürlük ‘direction’ [mydyɾ ˈlyk]
müdürlüğümüz ‘notre direction’ [mydyɾlyː ˈmyz]
müdürlüğümüzden ‘de notre direction’ [mydyɾlyːmyz ˈdæn]

      Tab. 2 :

      Réalisation de surface du mot phonologique turc. L’accent final est marqué en caractères gras.

      De plus, la première syllabe de ces mots prosodiques (composés de racines et d’éventuels suffixes) est normalement marquée par un ton initial bas (L) (Özge/Bozsahin 2010 : 140–144 ; Kamalı 2011 ; İpek/Jun 2013). Cela constitue un parallèle frappant avec le ton bas initial (aL) et le mouvement ascendant final, (L)H*, de la phrase accentuelle française, comme nous l’avons décrite ci-dessus. Pourtant, le turc présente également un nombre bien défini d’exceptions à ce schéma général, qui suivent plutôt le modèle de l’intonation allemande, basé sur les mots : notamment, ce que Göksel/Kerslake (2005 : 27) appellent les « racines irrégulières » (angl. irregular roots), c’est-à-dire, quelques toponymes tels que Ankara, accentué sur la syllabe initiale, et İstanbul (accentué sur la pénultime) ou certains emprunts lexicaux tels que lokanta ‘café, restaurant’ (< italien locanda) ainsi que les suffixes inaccentuables, comme, par exemple, l’affixe négatif ‑m(A)- qui bloque le déplacement de l’accent vers la droite et produit, en revanche, des formes verbales telles que gel[NÉGm]iyorsunuz ‘vous


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