Histoire des salons de Paris. Tome 6. Abrantès Laure Junot duchesse d'

Histoire des salons de Paris. Tome 6 - Abrantès Laure Junot duchesse d'


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à lui et à son influence. Cette affaire est une chose importante dans la Révolution française.

Hoche repartit presque aussitôt de Paris; son cœur était profondément ulcéré. Il avait vu la turpitude du Directoire, toute l'horreur de sa politique, et il vit en même temps que ce même Directoire, qui l'avait mis en avant, retirait le bras qui lui avait montré le chemin…

De retour à son armée pour l'anniversaire du 10 août, il donna une fête, comme cela se faisait alors (23 thermidor an V). Voici son discours:

«Amis, je ne dois plus vous le dissimuler, vous ne devez pas encore vous dessaisir de ces armes terribles avec lesquelles vous avez tant de fois fixé la victoire; avant de le faire, peut-être aurons-nous à assurer la tranquillité de l'intérieur, que des fanatiques, que des rebelles aux lois républicaines osent troubler!»

Voici les toasts du banquet civique que donna le général en chef aux autorités et à son armée:

Le général Ney: Au maintien de la République! Grands politiques de Clichy, daignez ne pas nous forcer à faire sonner la charge.

Le général Chérin126: Aux membres du Gouvernement qui feront respecter la République!

Un chef d'escadron: Aux patriotes des Cinq-Cents!

Un commissaire des guerres: À la coalition légitime de l'armée d'Italie et de l'armée de Sambre-et-Meuse!

On fit des couplets satiriques qui circulèrent dans l'armée, qui avaient pour titre: Hommage de l'armée de Sambre-et-Meuse au club de Clichy

Le général Willot monta à la tribune et dit:

«Je ne crains pas qu'un nouveau César127 passe le Rubicon; le héros qui est maintenant aux lieux que César traversa pour marcher contre sa patrie y consolide la liberté des peuples au sein desquels la victoire l'a conduit. Mais Marius128 peut arriver aux portes de Rome, et s'indigner de ce que les sénateurs délibèrent. Dans cette circonstance, je suppose qu'un lieutenant fidèle129 arrête le nouveau Marius aux limites constitutionnelles130, le Directoire pourra donc destituer le lieutenant fidèle et ouvrir le passage aux factieux!»

25

Benjamin Constant a publié en l'an IV un ouvrage sur le Gouvernement français, et la nécessité de s'y rallier. Celui sur les Réactions politiques parut un an plus tard, en l'an V.

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Propres paroles de Thibaudeau.

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Jean Debry, dont il est souvent question dans cet article, est un homme dont le Directoire savait apprécier les talents, et qu'il voulait rattacher à lui. Député de l'Aisne à l'Assemblée Législative, il eut une carrière parlementaire très-importante; ce fut lui qui fit déchoir Louis XVIII de son droit à la régence, et qui fit prononcer l'accusation contre les princes émigrés. En général, il était fort exagéré et fort peu tolérant, mais d'un républicanisme dont nous n'avons aucune idée aujourd'hui: ainsi ce fut lui qui fit décréter que toujours on jouerait la Marseillaise à la garde montante. Il était très-exalté, mais vrai, et cette certitude donnait une grande autorité au député qui siégeait souvent entre deux faux frères; il était admirable pour le général Bonaparte, qu'il vénérait. Je crois bien que M. de Talleyrand ne l'aimait guère, Jean Debry.

Nommé ministre de la République au congrès de Rastadt, il partit avec Bonnier et Robertjeot. Arrivé à Rastadt, il fit tout ce qu'il put pour maintenir la dignité de la République; et, pour se livrer plus tranquillement aux fonctions nouvelles qu'il avait adoptées, il envoya sa démission de député au Conseil. C'était un républicain trop zélé, peut-être: voilà son seul défaut. On sait quel fut le sort des plénipotentiaires de Rastadt… il y a un voile sur cette sanglante catastrophe, que la main du temps soulèvera peut-être, mais qui ne l'est aujourd'hui qu'à demi. Assassinés tous trois par les hussards Szeklers chargés de les escorter, Jean Debry fut le seul qui échappa. C'était la nuit; il essaya de fuir, couvert de blessures, transi de froid, troublé par la crainte de voir revenir ses meurtriers; le malheureux se traîna de buisson en buisson jusqu'à une maison hospitalière où il fut reçu. Sa convalescence fut longue; le jour où il rentra dans l'Assemblée, l'émotion fut au comble… Il avait encore le bras en écharpe, il était pâle; et puis, en revoyant ses collègues, ils lui rappelaient les deux victimes qui étaient tombées avec lui, mais pour ne pas se relever… Il prononça un discours à la suite duquel il fut couvert d'applaudissements… sa dernière phrase fut oratoire, elle enleva les acclamations.

– Vengeance contre l'Autriche! s'écria-t-il avec cette puissance d'émotion qu'il avait au dernier degré… On lui répondit par un autre cri formé par cinq cents voix!..

Les fauteuils des deux autres plénipotentiaires ne furent jamais occupés; on jeta sur eux un crêpe noir, au travers duquel on voyait leurs noms entourés d'une couronne civique… Et lorsque dans quelque cérémonie on procédait à l'appel nominal, le député le plus voisin du fauteuil répondait: «Mort assassiné au congrès de Rastadt.»

28

Cette liste était depuis le 1er prairial, c'est-à-dire deux mois et demi.

29

Message qui faisait part de toutes les adresses des différents corps d'armée au Directoire.

30

La division militaire de Paris était la 17e à cette époque.

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Une autre circonstance assez bizarre prouve l'esprit de vertige qui jamais ne quitte les partis politiques!.. Croirait-on que deux jours avant le 18 fructidor, ils avaient tellement les yeux fascinés dans le parti de Clichy, qu'ils parlaient d'organiser une police? Un nommé Dossonville, homme du métier et employé par Rovère, leur avait présenté un plan. La dépense devait s'élever à 50,000 fr., et comme ils ne voulaient pas demander cette somme aux Conseils, ils s'arrangèrent pour l'avoir par quart et par cotisation. C'était à faire pitié!

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Voir le Moniteur; à cette époque, il était vrai.

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C'est, au reste, un fait digne de remarque, que la profonde ignorance de la génération actuelle de l'histoire véritable de la Révolution; il y a même un côté ridicule à cette ignorance. C'est pourtant comme étude qu'il faudrait connaître cette époque.

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Cette pièce inculpait gravement Pichegru. Elle fut trouvée dans le portefeuille de d'Entraigues, ouvert en présence de Bonaparte et de Clarke, alors commissaire du Directoire près l'armée d'Italie; Clarke, d'abord chargé de surveiller le général Bonaparte, et puis se dévoilant à lui et se donnant à l'homme dont le pouvoir était évident dans l'avenir, comme il fut ensuite à la Restauration, lorsque ce même homme alla mourir à Sainte-Hélène!

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Cette correspondance fut trouvée dans un fourgon du général Klinglin, saisi par nos troupes le 2 floréal an V; et Moreau la garda jusqu'au 24 fructidor, c'est-à-dire quatre mois et demi après. Il paraît que le Directoire croyait Moreau aussi coupable que les autres.

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Je ne connais rien de plus étrangement ridicule que toute la conduite d'Augereau alors, si ce n'est celle des directeurs, lorsque je pense que l'on a agité la question de savoir s'il ne remplacerait pas Carnot ou Barthélemy! Augereau, qui, se trouvant à quelque temps de là à la présidence de ce même Conseil qu'il avait décimé, lorsqu'on apprit la démission de Bernadotte, et qu'on craignit un coup d'État, s'écria: «Ne vous rappelez-vous plus que je suis le même homme qu'au 18 fructidor? eh bien! je vous préviens qu'il faudra faire tomber ma tête avant de toucher à mes collègues!» Bavardage! abus des mots!

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Ils ne s'étaient pas encore rencontrés; M. de Talleyrand était revenu d'Amérique après le départ de Bonaparte pour l'Italie.

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Ce que, plus tard, Spurzheim a nommé habitivité; barbarisme inutile.

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Malibran, député de l'Hérault au Conseil des Cinq-Cents; et il aimait le général Bonaparte!.. il demanda en même temps pour lui qu'on donnât le nom de faubourg d'Italie au faubourg Saint-Antoine. Cet homme, j'en suis sûre, aurait aussi mal entendu l'honneur pour lui-même; je crois que ce Malibran est le beau-père de la fameuse madame Malibran. Comme il était familier de Barras, on pensa


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<p>126</p>

Chef d'état-major du général Hoche. C'était le fils du fameux généalogiste, et il l'était lui-même.

<p>127</p>

Bonaparte.

<p>128</p>

Hoche.

<p>129</p>

Le lieutenant fidèle, c'est Pichegru.

<p>130</p>

La Constitution avait ordonné qu'il serait tracé un rayon autour de Paris que les troupes même de la République ne pourraient pas franchir. C'était l'article 69 de la Constitution qui le fixait.