La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
la Reine. Mademoiselle et madame la princesse de Lamballe marchoient aussi à la suite de la Reine. En arrivant à la chapelle, Leurs Majestés s'étant avancées jusqu'au prie-Dieu, Monsieur et Madame la princesse de Piémont se mirent à genoux sur deux carreaux placés sur les marches qui montent au sanctuaire. Mgr le comte d'Artois, Madame Élisabeth, Madame Adélaïde, Madame Victoire et Madame Sophie allèrent se placer aux deux côtés de Leurs Majestés, dans leur rang ordinaire.
»Le cardinal de la Roche-Aymon, grand aumônier, sortit de la sacristie au moment où Leurs Majestés arrivèrent à la chapelle, et alla présenter de l'eau bénite au Roi et à la Reine. Il monta ensuite à l'autel et prononça un discours relatif à la cérémonie. Leurs Majestés, ainsi que la famille royale, s'approchèrent de l'autel. Le comte de Viry, placé entre le prince de Marsan et le sieur de Tolozan, introducteur des ambassadeurs, s'approcha aussi de l'autel pour être témoin du mariage.
»Le cardinal de la Roche-Aymon en commença la cérémonie par la bénédiction de treize pièces d'or et d'un anneau d'or; il les présenta ensuite à Monsieur, qui mit l'anneau au quatrième doigt de Madame la princesse de Piémont, et lui donna les treize pièces d'or en foi de mariage.
»Le cardinal ayant demandé à Monsieur si, comme procureur du prince de Piémont, il prenoit Madame Clotilde pour femme et légitime épouse, ce prince, avant de répondre, se tourna du côté du Roi et lui fit une profonde révérence. La princesse ne fit aussi la même réponse qu'après en avoir demandé la permission à Leurs Majestés, ainsi que cela s'étoit pratiqué le jour des fiançailles.
»Les cérémonies du mariage ayant été achevées, Madame la princesse de Piémont et Monsieur ayant reçu la bénédiction nuptiale, Leurs Majestés revinrent à leur prie-Dieu, et le cardinal de la Roche-Aymon commença la messe, pendant laquelle la musique du Roi exécuta un motet de la composition du sieur Mathieu, maître de musique de la chapelle du Roi en semestre.
»Après l'offertoire, Madame la princesse de Piémont alla à l'offrande, ainsi que Monsieur. À la fin du Pater, l'ancien évêque de Limoges, premier aumônier de Monsieur, et l'abbé de Beaumont, aumônier de quartier du Roi, étendirent et soutinrent au-dessus de la tête de Madame la princesse de Piémont et de Monsieur un poêle de brocart d'argent, et ils ne l'ôtèrent qu'après que le cardinal de la Roche-Aymon eut achevé les prières ordinaires.
»Après la messe, le cardinal de la Roche-Aymon s'approcha du prie-Dieu de Leurs Majestés et leur présenta les registres ordinaires des mariages de la paroisse, qui avoient été approuvés par le sieur Allard, curé de la paroisse du château, qui avoit assisté à la cérémonie du mariage, ainsi qu'à celle des fiançailles. Le Roi, la Reine, Monsieur, Madame, Mgr le comte d'Artois, Madame la princesse de Piémont, Madame Élisabeth, Madame Adélaïde, Madame Victoire, Madame Sophie et le prince de Condé signèrent sur les registres; après quoi Leurs Majestés, accompagnées comme elles l'avoient été en allant à la chapelle, retournèrent à leurs appartements avec le même ordre qui avoit été observé en y allant.
»Vers les six heures du soir, Leurs Majestés, accompagnées de la famille royale et des princes et princesses qui avoient assisté à la cérémonie du mariage, passèrent dans la grande galerie, où elles tinrent appartement et jouèrent à différents jeux.
»Leurs Majestés se rendirent ensuite dans le salon qui avoit été préparé à la salle de spectacle, pour le festin royal, et y soupèrent à leur grand couvert avec la famille royale. Mademoiselle et la princesse de Lamballe eurent aussi l'honneur de souper avec Leurs Majestés.
»La musique du Roi exécuta pendant le festin royal plusieurs morceaux de symphonie, sous la conduite du sieur d'Auvergne, surintendant de la musique de Sa Majesté.
»Le lendemain (22 août), Madame la princesse de Piémont reçut les hommages des ambassadeurs, ainsi que ceux du corps de ville de Paris, qui lui fut présenté par M. de Malesherbes, ministre et secrétaire d'État ayant le département de Paris.
»Vers les six heures et demie du soir, Leurs Majestés, accompagnées comme la veille de la famille royale, du prince de Condé, de Mademoiselle et de la princesse de Lamballe, se rendirent dans le salon qui avoit été préparé pour le bal paré, sur le théâtre de la salle du spectacle, qui, d'après les ordres du maréchal duc de Duras, premier gentilhomme de la chambre du Roi en exercice, avoit été décoré avec la plus grande magnificence. La cour fut très-nombreuse et très-brillante; Monsieur et la Reine ouvrirent le bal; et Mgr le comte d'Artois dansa le second menuet avec Madame la princesse de Piémont68.
»Le vendredi 25 août, le Roi, la Reine et la famille royale honorèrent de leur présence le bal masqué que l'ambassadeur de Sardaigne donna dans les salles du nouveau boulevard, près de la barrière de Vaugirard, qu'il avoit fait disposer à cet effet avec autant de goût que de magnificence. Sa Majesté y parut en domino et sans masque. Il s'y trouva six mille personnes. Ce bal, qui fut précédé d'un feu d'artifice et d'une grande symphonie qui s'exécuta à l'arrivée de la Reine, de Madame la princesse de Piémont et de la famille royale, dura jusqu'à neuf heures du matin. Madame la princesse de Piémont, en arrivant dans la salle, fit présent à la comtesse de Viry de deux très-riches bracelets, l'un avec le portrait du Roi, son frère, et l'autre avec le sien. Dans la même nuit, la ville fut éclairée par une illumination générale.»
Le lendemain, Leurs Majestés, accompagnées de la famille royale et de toute leur cour, assistèrent dans la grande salle du château à la représentation du Connétable de Bourbon, tragédie du sieur Guibert, auquel Leurs Majestés témoignèrent leur satisfaction. La musique guerrière des entr'actes et celle qui tient à cette pièce sont de la composition du sieur Berton, maître de la musique du Roi, chargé de la conduite de ce spectacle.
Le 27, Madame la princesse de Piémont prit congé du Roi et de la Reine. Avec Madame Élisabeth, la comtesse de Marsan, la comtesse de Breugnon, sous-gouvernante, et les marquises de Sorans et de Bonnac, désignées par le Roi pour l'accompagner dans son voyage, elle partit pour Choisy, escortée d'un détachement des gardes du corps du Roi et des officiers de sa maison, qui devaient la servir jusqu'au moment où elle aurait joint ses propres officiers. Toute l'avenue du château était remplie de personnes de toutes les classes, qui voulaient jouir une dernière fois du bonheur de la voir. La voiture allait au pas. Madame Clotilde aperçut quelques dames de ses amies: «Adieu, leur dit-elle avec attendrissement; je vous quitte à regret, et c'est pour ne plus vous revoir.»
Quelques instants après, le Roi se rendit lui-même à Choisy, où il passa la nuit. Le lendemain, de bonne heure, il dit adieu à sa sœur Clotilde, que lui-même il ne devait plus revoir, et dans l'après-dînée, il retourna à Versailles par la route de Sceaux.
Aucune sensation douloureuse n'avait encore affecté le cœur de Madame Élisabeth: le départ de sa sœur fut son premier chagrin. Quand l'heure de la séparation arriva, elle pressait contre son sein sa chère Clotilde, et ne pouvait s'en détacher; il fallut l'arracher de ses bras.
«Ma sœur Élisabeth, écrivait la Reine quelques jours après, est une charmante enfant qui a de l'esprit, du caractère et beaucoup de grâce; elle a montré au départ de sa sœur une sensibilité charmante et bien au-dessus de son âge. Cette pauvre petite a été au désespoir, et ayant une santé très-délicate, elle s'est trouvée mal et a eu une attaque de nerfs très-forte. J'avoue à ma chère maman que je crains de m'y trop attacher, sentant, pour son bonheur et par l'exemple de mes tantes, combien il est essentiel de ne pas rester vieille fille dans ce pays-ci.»
Après s'être arrêtée successivement à Nemours, à Briare, à Nevers, à Moulins et à Roanne, pour y passer la nuit, Madame la princesse de Piémont arriva le 2 septembre, à trois heures et demie, à un quart de lieue de Lyon, où les carrosses du Roi l'attendaient; elle y monta, se mit en marche, et fit son entrée en la seconde ville du royaume dans l'ordre suivant: Un carrosse de la comtesse de Marsan, dans lequel étaient ses écuyers; le carrosse des sieurs Marie et Gérard de Rayneval, second et troisième commissaires du Roi; le carrosse du comte de Tonnerre, commissaire plénipotentiaire; un carrosse du Roi, dans lequel était le sieur de Saint-Souplet, écuyer de Sa Majesté; un autre carrosse du
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«Le 23 août, le comte de Viry donna dans les salles du nouveau boulevard, près la barrière de Vaugirard, à l'occasion du mariage de Madame la princesse de Piémont, un souper de trois cents couverts auquel furent invités les ambassadeurs et ministres étrangers, les ministres et secrétaires d'État, les grands officiers de Leurs Majestés et ceux de la maison de Monsieur et de Mgr le comte d'Artois, les dames d'honneur et d'atour de Madame et de Madame la comtesse d'Artois, les seigneurs et dames de la cour, ainsi que les étrangers de distinction qui se trouvaient à Paris. Ce souper, accompagné d'un concert, fut de la plus grande magnificence.
»Le sieur de Sequeville, secrétaire ordinaire du Roi à la conduite des ambassadeurs, se rendit le lendemain 24 chez le comte de Viry pour la réception du corps de ville de Paris.
»À une heure, les gardes de la ville, le colonel et les autres officiers à leur tête, entrèrent tambour battant, au bruit des cimbales et trompettes, dans la cour de l'hôtel de l'ambassadeur, suivis du corps de ville.
»Les pages de Son Excellence, suivis de ses officiers, descendirent dans la cour et reçurent le prévôt des marchands et les échevins à sa descente de son carrosse; les huissiers de la ville, revêtus de leur robe, étant suivis du premier huissier et du colonel de la ville, portaient les présents.
»Le sieur de la Michodière, prévôt des marchands, précédé du sieur Taitbout, greffier en chef de la ville, et les échevins en robes de velours cramoisi, furent reçus et conduits vers l'ambassadeur par le sieur de Sequeville.
»Le comte de Viry ayant rempli vis-à-vis du prévôt des marchands et des échevins le cérémonial usité en pareil cas, on passa dans la pièce du dais, où le prévôt des marchands lui offrit le présent de la ville, qui consistoit en quatre douzaines de flambeaux de cire blanche musquée et quatre douzaines de boîtes de confitures, le tout noué de rubans de différentes couleurs et dans des corbeilles. Le comte de Viry reconduisit ensuite le prévôt des marchands et les échevins jusqu'à son perron, et rentra dans son appartement.»