Les Quatres Nobles Verités. Rimpoché Gonsar
stabilité a été développée dans l’esprit. Voilà le sens réel du renoncement.
Souvent quand la richesse, le pouvoir, le renom ou la gloire sont présents, tout est facile mais dès que la maladie ou la souffrance apparaissent, alors les difficultés commencent. Si à ce moment nous sommes capables non pas de nous laisser écraser par ces expériences mais au contraire de développer face à elles un peu d’équanimité, alors nous deviendrons une personne sur le chemin spirituel. En usant de ce bonheur avec sobriété, contentement et sagesse, il est possible que ces expériences deviennent utiles pour nous-mêmes et pour tous les autres êtres. Il est cependant important de reconnaître qu’il ne s’agit pas là du bonheur ultime ou d’un bonheur durable et pur.
Le troisième niveau de souffrance est encore plus profond : il s’agit d’une souffrance fondamentale. Contrairement aux deux premières souffrances, ce niveau n’est pas en rapport avec une quelconque sensation agréable ou désagréable. Il s’agit au contraire d’un état général et neutre qui caractérise notre condition dans le cycle des existences, ou Samsara. Cet état est par définition, que nous y éprouvions du bonheur ou de la souffrance, un état dans lequel nous n’avons aucune réelle liberté.
Bouddha a dit :
La plus profonde signification de la souffrance est le manque de liberté.
Donc, ne pas avoir de liberté complète, de totale libre disposition de soi, ne pas avoir le contrôle permanent de sa propre existence et de son propre destin est la signification la plus profonde de la souffrance.
Ne pas avoir sous contrôle le cycle de notre propre naissance, de notre propre mort et de notre propre renaissance est un manque de réelle liberté. Ainsi, nous subissons le cycle des existences dans lesquelles nous prenons naissance et nous vieillissons, nous subissons le processus de la maladie et nous mourons en fin de compte sans rien maîtriser. Que cela nous plaise ou non, que nous le voulions ou non, nous devons le subir.
Une telle situation, un tel cycle des existences est de la nature de la souffrance qui caractérise et définit le cycle des existences conditionnées. Tous les êtres font l’expérience d’un tel cycle : nous y sommes nés, que cela nous plaise ou non, que l’environnement ou les conditions nous plaisent ou non. On peut même dire que nous sommes tombés dans cette situation inconsciemment, sans plans préétablis ; nous y sommes nés quelque part sans aucune sorte de contrôle.
Notre naissance est effective dès la conception. En effet, pour le Bouddhisme la naissance a lieu bien avant la naissance conventionnelle. Puis immédiatement dans le ventre de notre mère a commencé notre processus de vieillissement. A chaque instant nous devenons plus âgés, personne ne rajeunit. Ainsi nous passons par les différents stades de la vie : bébé, jeune enfant, jeune homme, homme d’âge mûr et vieillard, dernier stade qui n’arrive que si nous avons une longue vie. Durant ce cheminement, nous éprouvons à certains stades plus de plaisir que dans d’autres. Cependant nous devons, depuis la naissance, traverser ce processus complet qui est comme une course sans fin. D’ailleurs, nous ne pouvons pas dire : «Ici je fais une petite pause» ; «cela me plaît mieux ici» ou «je vais rester plus longtemps ici». Les évènements vont à leur propre vitesse dans un processus inéluctable comme dans une course de chevaux. Tout conduit à une fin : la mort, que cela nous plaise ou non, qu’on le désire ou non.
La plupart des gens ne désire pas mourir mais la mort survient malgré tout. Nous n’avons d’ailleurs aucune certitude sur celle-ci, nous pouvons simplement affirmer qu’elle aura lieu. Nous ne pouvons pas déterminer son moment précis, sa manière et son lieu. Tout cela échappe à notre contrôle. Cependant dans le Bouddhisme, la mort n’est pas la fin. D’autres existences suivront automatiquement dans un processus inexorable et cet enchaînement de vies compose une sorte de cycle des existences sur lequel nous n’avons aucun contrôle. Telle est notre situation fondamentale de souffrance.
Il est facile de reconnaître cette situation : elle est semblable à une personne qui se trouve en prison. C’est une situation assez douloureuse dans laquelle elle fait peut-être des expériences pénibles, mais surtout dans laquelle elle perd sa liberté. Il peut arriver parfois que la nourriture y soit un peu meilleure. Mais le fait d’être en prison est une situation de souffrance et tous les problèmes qui en découlent sont liés au fait d’être incarcéré. Cette situation signifie que le prisonnier n’a aucune liberté sur son destin. Le fait d’être en prison est donc la cause de la souffrance. Nous évoluons de la même manière dans le cycle des existences conditionnées : il nous manque cette complète liberté sur notre destin, et cet état même est la profonde signification du troisième type de souffrance fondamentale.
Cette souffrance est différente ou distincte des deux premières expliquées plus haut ; certains êtres souffrent plus de la première, d’autres plus de la deuxième. Dans le Bouddhisme l’on parle de six sortes de royaumes d’existence. Certains êtres gravitent dans le premier royaume, d’autres dans le second… Tout est différent : tous ne sont pas au même endroit ni dans le même état. Chez les humains aussi, certains éprouvent plus de bonheur et d’autres plus de souffrance. Mais la troisième souffrance, fondamentale, concerne tous les êtres du cycle des existences. Qu’ils soient humains, animaux, dieux ou autre chose, tous sont toujours dans cette même situation où ils manquent totalement de complète liberté.
Telle est la signification de la première Noble Vérité de la souffrance. Bouddha a dit : «Ceci est la Noble Vérité de la souffrance.» Il n’a pas dit : «Il existe une Vérité de la souffrance et elle se trouve dans un endroit, par là-bas.» Il a dit : «C’est la Noble Vérité de la souffrance» ce qui signifie qu’elle n’est pas éloignée, dans un endroit indéfini ou perdue depuis longtemps dans le passé. Non, elle se situe exactement là, dans notre propre personne. Notre propre cycle des existences est donc explicité dans cette première Noble Vérité de la souffrance. Reconnaître cet état est un point très important.
L’impermanence
Cette première Vérité est également caractérisée par l’impermanence. En effet, l’existence que nous avons ainsi que tout ce qui la compose est impermanent. A ce sujet, Bouddha a dit que non seulement notre existence mais tout ce qui est composé est impermanent. Il a également dit que tout ce qui est composé est de la nature de la souffrance.
Dans le Bouddhisme, l’ensemble des phénomènes existants est réparti en deux groupes : les phénomènes composés et les phénomènes non composés. On entend par phénomène composé tout objet matériel, toute conscience, phénomène spirituel ou esprit, etc. Se trouvent également dans ce même groupe ce que nous appelons les phénomènes composés non associés. Ces derniers ne sont rien d’autre que des phénomènes non matériels et non spirituels, mais qui existent pourtant en étant composés, comme la personne par exemple. La personne est un phénomène qui existe en réalité mais elle n’est pas uniquement une chose matérielle, ni uniquement un esprit. Et pourtant, elle existe. Il en est de même en ce qui concerne le temps, un phénomène composé ni matériel, ni spirituel, mais qui existe cependant d’une autre manière. Divers exemples peuvent être cités.
Composé signifie donc que les phénomènes existent en fonction de leurs parties constitutives. La matière est composée de particules, allant jusqu’à la plus infime. Dans le Bouddhisme, on parle beaucoup de celles-ci. D’ailleurs, dans plusieurs domaines les explications actuelles de la science rejoignent les thèses bouddhistes. L’esprit est également composé d’instants de conscience. De la même manière, une personne est composée de ses parties constitutives, de ses agrégats comme le corps, les consciences, les sensations, etc. Le temps est aussi composé de minutes, de secondes, de moments, d’instants, de mois et d’années. Nous le percevons grâce à ces composantes.
Tous ces phénomènes composés, comme l’a dit Bouddha, sont donc caractérisés par l’impermanence. Les êtres et les personnes sont par nature impermanents. Notre corps et notre esprit sont impermanents tout comme le sont nos souffrances, notre bonheur et toute vie. Dans le Bouddhisme, l’impermanence