Les Quatres Nobles Verités. Rimpoché Gonsar
parler de différents claquements : celui d’une personne bien constituée et en bonne santé est, par exemple, relativement court. Quand nous faisons référence, ici, à cet instant, il correspond à 1/65e de la durée d’un claquement de doigts d’une personne adulte. C’est donc très, très court.
L’impermanence subtile signifie que tous les phénomènes composés ne durent en vérité qu’un bref instant. Bien qu’un peu compliqué à comprendre, cela est néanmoins vrai. Cette impermanence subtile existe toujours, mais nous ne sommes pas en mesure de le réaliser directement avec notre conscience actuelle qui fonctionne lentement : cela va trop vite. Par contre, ce dont nous pouvons prendre conscience est une saisie superficielle de l’impermanence grossière. Cette impermanence grossière est en fait un indice superficiel de l’impermanence subtile qui existe continuellement.
Nous pouvons voir, par exemple, une personne vieillir lentement et devenir de plus en plus âgée. Nous pouvons remarquer la plante ou l’arbre qui pousse et se décompose ensuite. Ce sont des choses qui s’usent lentement et qui seront un jour détruites ou cassées. Ce que nous voyons de l’extérieur n’est que la forme grossière de l’impermanence. Cependant, cette impermanence (ce vieillissement) n’apparaît pas du jour au lendemain. Elle existe constamment, sans interruption, sans pause et consiste à naître puis à disparaître, à naître et à disparaître à nouveau, à naître et à disparaître sans fin... Ce qui reste en réalité est ce que nous nommons dans le Bouddhisme une continuité similaire ou une continuité de la similarité.
Que reste-t-il en fait d’une personne entre ce soir et demain ? Ou que reste-t-il de notre continuum mental, de notre conscience, entre aujourd’hui et demain ? Que deviennent les choses matérielles ? Notre corps, par exemple, ne reste pas identique mais a une continuité similaire ; il perdure mais pourtant n’est pas semblable. Il est important de ne pas confondre ces deux aspects : nous pensons toujours que tout reste identique mais en réalité ce n’est jamais la même chose. C’est comme lorsqu’on regarde un fleuve, le Rhin par exemple, on croit que c’est le même fleuve que l’on voit jour après jour, heure après heure. En réalité, l’eau coule et se renouvelle sans cesse. Le Rhin nous semble être toujours le même, mais il n’en est rien.
Notre corps, notre esprit, notre personne sont comme ce fleuve. Tous les éléments qui les composent ne sont jamais les mêmes. La personne qui par exemple a commencé à lire ce livre a changé depuis longtemps. Ce qui en reste est sa continuité similaire. Le processus est le même pour chacun : c’est cette continuité similaire qui fait que nous sommes encore là, visibles l’un pour l’autre. Cette vision ne concerne pas seulement une personne car nous changeons tous de la même manière. Cependant lorsque nous regardons les personnes autour de nous, nous avons l’impression qu’elles sont toujours les mêmes.
La saisie de la permanence
Cette idée que nous sommes toujours les mêmes provient de notre façon de saisir la permanence. Cette saisie d’une existence permanente est très profonde et nous empêche de prendre conscience de l’impermanence subtile. Nous pouvons comprendre seulement avec un raisonnement logique la véracité de ces dires, mais nous ne pouvons pas en prendre conscience directement, comme nous voyons une bouteille devant nos yeux. Pour cette raison, nous n’arrivons pas à y croire et avons ainsi toujours cette illusion de la permanence ; au lieu d’une compréhension correcte des choses, nous avons une illusion en relation avec cette saisie de la permanence et nous pensons que tout reste identique. La permanence et cette saisie de la permanence sont une erreur fondamentale, une mauvaise compréhension que nous avons tous. Elles sont non seulement fausses et parfois très nuisibles, mais peuvent également nous amener à faire beaucoup d’autres erreurs.
Cette saisie de la permanence est, par exemple, la cause principale de l’attachement que nous manifestons pour les choses, le pouvoir, l’argent, les amis etc. L’attachement dépend donc de notre saisie de la permanence. Bien que nous comprenions intellectuellement que nous ne sommes pas éternels, notre réaction spontanée est d’affirmer : «Je suis permanent, je suis toujours là et je vais, comme tous mes amis, être encore là longtemps.» Avec cette perception, même nos ennemis sont également permanents. C’est la raison pour laquelle nous nous attachons fortement à nos amis et haïssons fortement nos ennemis.
Bien que possédant déjà beaucoup de choses, certaines personnes veulent posséder tellement de biens que ces acquisitions seraient suffisantes pour de nombreuses autres renaissances. Pourtant, ce n’est pas encore assez et elles en accumulent toujours plus. A cette soif s’ajoute souvent une grande peur de tout perdre. Tout cela mène à d’interminables problèmes. De même, nous voulons absolument détruire et tuer nos ennemis parce que nous pensons que si nous ne nous en débarrassons pas, ils seront toujours là. En réalité, nos amis et nos ennemis sont tous impermanents. Un jour, il n’y aura plus personne car les ennemis meurent également. Il n’est donc pas spécialement nécessaire de les tuer, mais nous pensons quand même qu’ils seront toujours là et que nous devons nous en défaire au plus vite. Toutes ces idées sont fausses, elles sont dues au fait que nous pensons que les choses, les ennemis, les amis, nos biens, notre famille ou tout simplement nous-mêmes, sommes permanents. Tout est perçu de cette manière. Ainsi nous saisissons très fortement cette permanence et y restons attachés.
Ce que nous pouvons apercevoir de l’extérieur, ce sont les grands changements. Tout ce qui est dans le monde apparaît et disparaît, naît et est détruit : un pays, une nation, une famille, une personne.
C’est pourquoi Bouddha a dit :
Tous les phénomènes composés sont impermanents.
L’impermanence est quelque chose de très subtil, nous n’en percevons que les aspects extérieurs et grossiers dans les grands changements intervenant autour de nous. Depuis toujours, tout ce qui est dans le monde apparaît et disparaît : toutes les choses matérielles ou spirituelles, y compris les personnes. C’est ce que nous constatons de l’extérieur.
L’impermanence est une des particularités importantes de la Noble Vérité de la souffrance. Cette existence conditionnée, qui est de la nature de la souffrance et dans laquelle nous n’avons aucune réelle liberté, est impermanente, tout comme les expériences douloureuses que nous sommes amenés à y faire.
Action ou Karma
Quand nous disons que ce mode d’existence dans le Samsara ne jouit d’aucun contrôle ou de liberté en soi, cela ne signifie pas qu’il dépende du pouvoir des choses extérieures ou d’une puissance quelconque qui dominerait notre existence et qui nous pousserait dans des situations non désirées. Cela n’est pas le cas du tout. Cela signifie seulement que notre situation dans cette vie ainsi que dans le futur ne se réalise pas en fonction de nos propres désirs. Bien au contraire : tout, toute existence, tout le cycle des existences, tout destin dans le cycle des existences est régi par nos propres actions : le Karma. En sanscrit, Karma est utilisé dans le sens de travail, ouvrage, activité ou encore action et il n’est pas à confondre avec Dharma (qui veut dire enseignement, pratique, connaissance, chemin).
Tout ce que nous expérimentons dans le cycle des existences, sur un plan individuel ou collectif, n’est donc pas régi par nos désirs mais est déterminé par nos actions, selon la loi du Karma (cette loi peut aussi être appelée loi de causalité ou loi des causes et des effets). Les choses n’arrivent pas simplement parce que nous le désirons, mais elles sont précisément déterminées par la loi de causalité. Cela signifie que les actions positives amènent un résultat positif et les actions négatives conduisent à des résultats négatifs.
Tout ce qui est composé, tout ce qui existe l’est en interdépendance avec cette loi, et les êtres sensibles comme nous la subissent également. Notre destin, notre souffrance et notre bonheur sont directement liés à nos actions, notre Karma et la loi de causalité. Ainsi l’on peut dire qu’en vérité, notre destin n’est pas entre les mains de quelqu’un d’autre mais qu’il est réellement entre nos propres mains. Nous ne pouvons donc pas simplement expérimenter