Les trappeur de l'Arkansas. Gustave Aimard

Les trappeur de l'Arkansas - Gustave  Aimard


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un bruit sourd et continu se fit entendre au-dessus de leur tête, ils passaient sous le Vert-de-gris ; seulement grâce à l’espèce de lanterne formée par un rocher creux placé en vedette au milieu du courant de la rivière, la clarté était suffisante pour se guider.

      Après une demi-heure de marche, ils débouchèrent dans la prairie par une entrée masquée par un fourré de broussailles et de plantes grimpantes.

      Ils étaient restés longtemps dans la grotte. D’abord ils l’avaient examinée minutieusement en hommes qui prévoient qu’un jour ou l’autre ils auront besoin d’y chercher un abri, ensuite ils avaient fait une espèce d’écurie pour leurs chevaux, et enfin ils avaient mangé un morceau sur le pouce, de sorte que le soleil était sur le point de se coucher au moment où ils se remettaient sur la piste des Comanches.

      Alors commença la véritable poursuite indienne. Les deux chasseurs, après avoir fait prendre la voie à leurs limiers, se glissèrent silencieusement sur leurs traces, rampant sur les genoux et sur les mains au milieu des hautes herbes, l’œil au guet et l’oreille aux écoutes, retenant leur souffle et s’arrêtant par intervalle pour humer l’air et interroger ces mille bruits de la prairie que les chasseurs perçoivent avec une facilité inouïe et qu’ils expliquent sans hésiter.

      Le désert était plongé dans un silence de mort.

      À l’approche de la nuit dans ces immenses solitudes, la nature semble se recueillir et préluder dans une religieuse adoration, aux mystères des ténèbres.

      Les chasseurs avançaient toujours, redoublant de précautions et rampant sur deux lignes parallèles.

      Tout à coup les chiens tombèrent silencieusement en arrêt. Les braves animaux paraissaient comprendre le prix du silence dans ces lieux et qu’un seul cri coûterait la vie à leurs maîtres.

      Belhumeur jeta un regard perçant autour de lui.

      Son œil étincela, il se ramassa pour ainsi dire sur lui-même, et, bondissant comme une panthère, il s’élança sur un guerrier indien qui, le corps penché en avant, la tête baissée semblait pressentir l’approche d’un ennemi.

      L’Indien fut brusquement renversé sur le dos avant qu’il pût jeter un cri d’appel ou de détresse, Belhumeur lui serra la gorge et lui appuya le genou sur la poitrine.

      Alors avec un sang-froid extrême, le chasseur dégaina son couteau et l’enfonça jusqu’à la poignée dans le cœur de son ennemi.

      Lorsque le sauvage vit qu’il était perdu il dédaigna de tenter une résistance inutile, mais fixant sur le Canadien un regard de haine et de dédain, un sourire ironique plissa ses lèvres et il laissa venir la mort avec un visage impassible.

      Belhumeur replaça son couteau à sa ceinture et poussant le cadavre de côté :

      – Un ! dit-il imperturbablement.

      Et il recommença à ramper.

      Le Cœur-Loyal avait suivi les mouvements de son ami avec la plus grande attention, prêt à le secourir si besoin était ; lorsque l’Indien fut mort il reprit impassiblement la piste.

      Bientôt la lueur d’un feu brilla entre les arbres et une odeur de chair rôtie frappa l’odorat subtil des chasseurs.

      Ils se dressèrent comme deux fantômes le long d’un énorme chêne-liège, qui se trouvait à quelques pas et embrassant le tronc noueux de l’arbre, ils se cachèrent dans ses branches touffues.

      Alors ils regardèrent.

      Ils planaient sur le camp des Comanches qui se trouvait à dix mètres d’eux tout au plus.

      IV. Les voyageurs

      Environ à l’heure où les trappeurs sortaient de la grotte et reprenaient la piste des Comanches, à vingt milles à peu près de l’endroit où ils se trouvaient, une troupe assez considérable de voyageurs blancs s’arrêtait sur les bords de la grande Canadienne et se préparait à camper pour la nuit, dans une magnifique position, où se voyaient encore quelques vestiges d’une ancienne halte de chasse indienne.

      Les chasseurs et les gambusinos demi-sang qui servaient de guides aux voyageurs se hâtèrent de décharger une douzaine de mules escortées par des lanceros mexicains.

      Avec les ballots, ils firent une enceinte de forme ovale dans l’intérieur de laquelle ils allumèrent du feu, puis sans plus s’occuper de leurs compagnons, les guides se réunirent en un petit groupe et préparèrent leur repas du soir.

      Alors, un jeune officier de vingt-quatre à vingt-cinq ans, à la tournure martiale, aux traits fins et caractérisés, s’approcha respectueusement d’un palanquin, attelé de deux mules, escorté par deux cavaliers.

      – Dans quel endroit votre seigneurie désire-t-elle que l’on dresse la tente de la señorita ? demanda le jeune officier en se découvrant.

      – Où vous voudrez, capitaine Aguilar, pourvu que ce soit bientôt fait, ma nièce tombe de fatigue, répondit le cavalier qui se tenait à droite du palanquin.

      C’était un homme de haute taille, aux traits durs et accentués, au regard d’aigle, dont les cheveux étaient blancs comme les neiges du Chimborazo, et qui sous le large manteau militaire qui le couvrait, laissait voir le splendide uniforme, étincelant de broderies, de général mexicain.

      Le capitaine se retira après s’être incliné et, retournant auprès des lanceros, il leur donna l’ordre d’établir au milieu de l’enceinte du camp une jolie tente rayée de rose et de bleu, portée en travers sur le dos d’une mule.

      Cinq minutes plus tard le général mettant pied à terre offrit galamment la main à une jeune femme qui sauta légèrement hors du palanquin et il la conduisit sous la tente où, grâce au capitaine Aguilar, tout avait été préparé pour qu’elle se trouvât aussi confortablement que les circonstances le permettaient.

      Derrière le général et sa nièce, deux personnes entrèrent dans la tente.

      L’une était un homme gros et court, à la figure pleine et rougeaude, portant des lunettes vertes et une perruque blonde, qui étouffait dans un uniforme d’officier de santé.

      Ce personnage dont l’âge était un problème, mais qui paraissait avoir près de cinquante ans, se nommait Jérôme-Boniface Durieux, il était français et chirurgien-major au service du Mexique.

      En mettant pied à terre, il avait saisi et placé sous son bras, avec une espèce de respect, une grosse valise attachée derrière la selle de son cheval et dont il semblait ne vouloir pas se séparer.

      La seconde personne était une jeune fille ou plutôt une enfant de quinze ans, à la mine mutine et éveillée, au nez retroussé et au regard hardi, appartenant à la race métisse, qui servait de camériste à la nièce du général.

      Un superbe Nègre décoré du nom majestueux de Jupiter, se hâtait, aidé par deux ou trois gambusinos, de préparer le souper.

      – Eh bien ! docteur, dit en souriant le général au gros homme qui venait en soufflant comme un bœuf de s’asseoir sur sa valise, comment trouvez-vous ma nièce, ce soir ?

      – La señorita est toujours charmante, répondit galamment le docteur en s’essuyant le front, ne trouvez-vous pas que la chaleur est étouffante ?

      – Ma foi non, répondit le général, pas plus qu’à l’ordinaire.

      – Alors je me le serai figuré, dit le médecin avec un soupir, de quoi riez-vous, petite masque ? ajouta-t-il en se tournant vers la camériste, qui, en effet, riait à se démonter la mâchoire.

      – Ne faites pas attention à cette folle, docteur, vous savez bien que c’est une enfant, dit la jeune femme avec un charmant sourire.

      – Je vous ai toujours dit, doña Luz, insista le médecin en fronçant ses gros sourcils et en enflant ses joues, que cette petite fille est un démon, pour qui vous êtes trop bonne et qui finira par vous jouer un mauvais tour un jour ou l’autre.

      – Ooouh


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