Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules

Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange - Delaborde Jules


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et de l'envoyer en fosse de religion de Fontevrault; crainte de quoy et pour éviter les rudesses, elle fit ce que sadite mère voulut; mais le regret luy en fist avoir la fiebvre qui la tint pour un long temps. N'a la déposante jamais entendu que monseigneur le duc de Montpensier ayt oncques forcé sadite fille, mais au contraire marry contre sa défunte femme de ce qu'elle attaquait sa fille n'estre contre son gré telle qu'elle la desiroit, et prophétisa ce qui est advenu de cette force et importunement; et pense ladite déposante que, si ladite fille eust fait entendre librement à mondit seigneur que son habit luy déplaisoit, que fort voluntiers il luy eust faict oster; mais elle estoit fille si craintive, qu'elle n'osa jamais luy en parler, crainte de l'ennuyer et fascher. Bien l'a-t-elle dict souvent à plusieurs, qui l'ont célé à mondit seigneur, de peur de l'irriter. Toutefois elle continuoit toujours à dire, en lieu de liberté, qu'elle n'estoit professe, et que, si elle n'avoit craint que mondit seigneur son père se fâchast, qu'elle auroit bien tantost changé de voile. Elle le luy a souvent ouy dire, veu et entendu ce que dessus, et est bien certaine de tout, pour avoir eu cest honneur de parler à elle souvent et familièrement, comme veu et entendu ce que sa défunte mère si faisoit, et la révérence paternelle qu'elle portoit à sondit père.

      Ainsi signé: »Richemont.

      »2o. – Vénérable religieuse, Catherine de Perthuis, religieuse en l'abbaye de Juerre, âgée de soixante ans ou environ, laquelle, après serment par elle faict, a dit que, quarante-six ans a, elle est religieuse en ladite abbaye, et qu'elle ne sçayt ceux qui pourroient avoir sollicité et donné conseil à madame Charlotte de Bourbon, abbesse de ladite abbaye, de sortir hors et s'en avoir allé hors du royaume de France, sinon Françoys et Georges d'Averly, qui estoient ordinairement avec madite dame, ausquels elle monstroit grande faveur; et nul ne pouvoit sçavoir ce qu'ils vouloient faire; et emmenèrent madite dame, faisant semblant d'aller voir madame du Paraclet; et a on esté longtemps qu'on pensoit qu'elle ne fust allée que jusques audict Paraclet, jusques à tant qu'il vint nouvelles de ceulx qui estoient allez avec elle, qui estoient Me Jehan Petit, Jehan Parent, Loys Lambinot, Gilles Leroy et Jacques de Conches, fussent revenus, qui dirent qu'elle estoit allée en Allemagne, au logis du comte palatin, et que lesdits d'Averly et un nommé Robichon estoient demourez avec madite dame; et qu'elle pense certainement qu'il y a jà longtemps que lesdits d'Averly sollicitoient madite dame de s'en aller. Dict aussy que, quand monseigneur le duc de Montpensier vint à Jouarre, durant les désastres qui ont esté en ce royaume, et qu'il fit publier de baptiser plusieurs enfans des huguenots, madite dame dict: puisque mondit seigneur son père luy avoit joué ce tour, qu'elle ne se pourroit plus contenir qu'elle n'en feist un autre et ne luy monstrast qu'elle n'eut jamais envie d'estre religieuse, en ayant faict profession par forcedite de madame sa mère, laquelle, à la vérité, luy a tenu toutes les rigueurs du monde pour la faire telle. Et en a veu la déposante tant de menaces de sadite mère et tant de sollicitations de plusieurs gentilshommes et serviteurs, qu'elle n'en ose dire la centième partie, voire que, pour tromper cette pauvre enfant, elle déposante vit que, quand monsieur Ruzé, à présent évesque d'Angers, vint pour luy faire faire sa profession, il avoit deux lettres; l'une contenant paroles douces et fort légères, de profession, non accoustumées à dire, afin que ceste abbesse ne les trouvast rudes, et une autre véritable, de laquelle on ne fit lecture quelconque; et a entendu que, si elle n'eust faict ladicte profession, que madite dame sa mère luy eust faict toutes les rigueurs du monde. N'a jamais entendu que mondit seigneur son père en ait esté content, mais bien marry; mais ladite abbesse l'a tousjours tant redoubté, qu'elle ne s'est oncques osée déclarer à luy, sinon par personnages qui luy ont tousjours célé sa dévotion (volonté); qui est l'occasion qu'elle luy peult présentement avoir baillé un ennui. Dict, oultre, qu'elle a tousjours entendu continuer sa volonté n'estre en cest estat, et pour cest effect n'a oncques voulu se faire béniste abbesse. C'est tout ce qu'elle peult dire, quant à présent, sinon ce qu'il est notoire.

      Ainsi signé: »C. de Perthuis.

      »3o. – Vénérable religieuse, sœur Marie Brette, grand'prieure de l'abbaye de Jouarre, âgée de quatre-vingts ans, ou environ, laquelle, après serment par elle faict, a dict que, soixante-dix ans a, elle est religieuse en ladicte abbaye, et qu'elle ne sçayt ceulx qui peuvent avoir donné conseil et sollicité madame Charlotte de Bourbon, abbesse de ce lieu, de s'en aller et sortir hors de ceste abbaye, mesmes de s'en aller hors de ce royaume, sinon Françoys et Georges d'Averly, qui estoient ordinairement à ladite abbaye et à l'entour d'icelle madite dame; et pense qu'il n'y avoit aulcunes religieuses de ladite abbaye qui en pussent sçavoir aulcune chose, sinon Jehanne Mousson et Jehanne Vassetz, qui s'en sont allées avec madite dame. Et quand elle partit, elle disoit qu'elle alloit au Paraclet; et néanmoins elle s'en seroit allée en Allemaigne, au logis du comte palatin, ainsy qu'elle a ouy dire. Dict aussy qu'elle n'a point sceu que madite dame ayt oncques, de son bon gré, voulu estre religieuse; car, encores qu'elle ayt faict vœu de religion, si est-ce qu'il ne fut jamais, ainsy qu'il appartient, faict aux religieuses, parce que, encores qu'elle fust prompte à hanter et fréquenter l'église; et quand ladicte déposante l'allait quérir pour aller au service, elle y estoit aussitost que ladicte déposante; si est-ce que cela estoit sinon pour agréer à monseigneur son père; mais, pour tout cela, la déposante ne peut croire qu'icelle n'eust tousjours dévotion (volonté) de poser son habit, qu'elle a entendu luy déplaire infiniment, et pour l'avoir pris trop jeune, à contre-cœur, par force de sa mère, laquelle luy a faict faire profession par des subtilitez et forces estranges.

      Ainsi signé: sœur »Marie Brette.

      »4o. – Vénérable religieuse, sœur Radegonde Sarrot, religieuse en ladicte abbaye, âgée de cinquante-six ans, ou environ, laquelle, après serment par elle faict, a dict que, quarante-deux ans a, elle est religieuse en ladicte abbaye, et qu'elle a tousjours connu, depuis que madame Charlotte de Bourbon a esté en ceste maison de Jouarre, fort jeune, qu'elle y a faict une profession oultre son gré et volonté, parce que, quand elle fit ladicte profession, mesme auparavant le décez de feue madame Loïse de Givry, au précédent, elle, abbesse de ladicte abbaye, et deux ou trois jours auparavant que ladicte dame de Givry décedast, elle se voulut démettre de ladicte abbaye entre les mains de madite dame Charlotte de Bourbon, fut assemblé tout le couvent de ladicte abbaye pour la faire professe, qu'elle ne vouloit accorder; tellement que madame sa mère fut extrêmement offensée, et dès lors infinies rudesses avec inductions et sollicitations grandes, qui émurent tellement cette jeune princesse, que l'appréhension qu'elle en eust luy donna une fiebvre qui la print; et disoit à toutes les filles de ladicte abbaye qui l'alloient veoir, qu'elle ne vouloit estre professe; et ladicte maladie venoit, craincte que sadite mère ne la traitast mal; pour obvier auxquels mauvais traictemens, qu'elle seroit contrainte faire son commandement; dont monsieur son père estoit bien fasché contre sadite femme; et que, si les serviteurs de mondit sieur luy eussent faict entendre ce que madame leur abbesse leur disoit, qu'elle déposante a opinion qu'il luy eust osté l'habit qu'elle a tousjours porté et fait actes de religion convenables à sa charge, pour donner plaisir à sondit père, plustost que de volonté, car elle n'eut oncques le cœur de demeurer en ceste charge, qualité et habit de religion; qu'elle, comme tout le monde sçayt, a faict vœu par force et mille inductions de sadicte mère, laquelle escrivoit audict couvent, qu'elle vouloit que madicte dame Charlotte de Bourbon donnast son bien à monseigneur le prince son frère. Ne sçayt ladicte déposante si elle fit ou non, parce qu'elle n'y estoit présente. Dict aussy que, quand madicte dame fit sa profession, que nulles des filles dudict couvent n'entendirent jamais un seul mot de la lecture de son vœu; aussy qu'il y avoit deux lettres, l'une simulée, et l'autre ordinaire; et quand eust présenté à l'autel une desdictes lettres, sœur Cécile Crue, autrement appelée Chauvillat, print icelle et la mit dans son sein; et que telle prétendue profession fut faicte assez maigrement, par les ruses de madame du Paraclet, qui n'estoit professe; et sy y eust infinies menées, desquelles toutes les religieuses du couvent se mescontentoient. Dict aussy qu'elle pense qu'il n'y avoit personne quy ayt sollicité ladicte dame de Bourbon de sortir de sa maison, sinon Françoys et Georges d'Averly, auxquels elle portoit faveur, et estoient ordinairement à son conseil. Dict aussy que, quand madicte dame fit sa profession, elle dict à monsieur Ruzé, avec plusieurs autres religieuses de ladicte abbaye, qu'elles n'avoient point entendu la profession de madicte dame, lequel leur fit responce, qu'elle estoit aussi


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