Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. II. Чарльз Диккенс
dessina de plus en plus; il dandina sa jambe avec une violence redoublée, et se rejetant en arrière dans son fauteuil, il toussa dubitativement.
Tout légers qu'étaient ces indices des sentiments de l'avocat, ils ne furent pas perdus pour M. Pickwick. Il fixa plus solidement sur son nez les bésicles à travers lesquelles il avait attentivement contemplé les démonstrations que l'homme de loi avait laissé échapper, puis il lui dit, avec une grande énergie, et en dépit des clins d'œil et des froncements de sourcils de l'avoué:
«Mon désir de vous être présenté dans un semblable but, monsieur, paraît sans doute fort extraordinaire à une personne qui voit tant d'affaires du même genre?»
L'avocat essaya de regarder gravement son feu, mais il eut beau faire, le sourire revint encore sur ses lèvres. M. Pickwick continua:
«Les gentlemen de votre profession, monsieur, voient toujours le plus mauvais côté de la nature humaine. Toutes les discussions, toutes les rancunes, toutes les haines, se produisent devant vous. Vous savez par expérience jusqu'à quel point les jurés se laissent prendre par la mise en scène, et naturellement vous attribuez aux autres le désir d'employer, dans un but d'intérêt et de déception, le moyen dont vous connaissez si bien la valeur, parce que vous l'employez constamment dans l'intention louable et honorable de faire tout ce qui est possible en faveur de vos clients. Je crois qu'il faut attribuer à cette cause l'opinion vulgaire mais générale, que vous êtes, comme corps, froids, soupçonneux, égoïstes. Je sais donc fort bien, monsieur, tout le désavantage qu'il y a à vous faire une semblable déclaration, dans la circonstance où je me trouve. Néanmoins, comme vous l'a dit mon ami, M. Perker, je suis venu ici pour vous déclarer positivement que je suis innocent de l'action qu'on m'impute; et quoique je connaisse parfaitement l'inestimable valeur de votre assistance, je vous demande la permission d'ajouter que je renoncerais à me servir de votre talent, si vous n'étiez pas absolument convaincu de ma sincérité.»
Longtemps avant la fin de ce discours (qui, nous devons le dire, était d'une nature fort prolixe pour M. Pickwick), l'avocat était retombé dans ses distractions. Cependant, au bout de quelques minutes de silence et après avoir repris sa plume, il parut se ressouvenir de la présence de son client, et levant les yeux de dessus son papier, il dit d'un ton assez brusque:
«Qui est-ce qui est avec moi dans cette cause?
– M. Phunky, répliqua l'avoué.
– Phunky? Phunky? Je n'ai jamais entendu ce nom-là. C'est donc un jeune homme?
– Oui, c'est un très-jeune homme. Il n'y a que quelques semaines qu'il a plaidé sa première cause, il n'y a pas encore huit ans qu'il est au barreau.
– Oh! c'est ce que je pensais, reprit maître Snubbin, avec cet accent de commisération que l'on emploie dans le monde pour parler d'un pauvre petit enfant sans appui. – M. Mallard, envoyez chez monsieur… monsieur…
– Phunky, Holborn-Court, suppléa M. Perker
– Très-bien. Faites-lui dire, je vous prie, de venir ici un instant.»
M. Mallard partit pour exécuter sa commission, et maître Snubbin retomba dans son abstraction, jusqu'au moment où M. Phunky fut introduit.
M. Phunky était un homme d'un âge mûr, quoique un avocat en bourgeon. Il avait des manières timides, embarrassées, et en parlant, il hésitait péniblement. Cependant ce défaut ne semblait pas lui être naturel, mais paraissait provenir de la conscience qu'il avait des obstacles que lui opposait son manque de fortune ou de protections, ou peut-être bien de savoir faire. Il était intimidé par l'avocat, et se montrait obséquieusement poli pour l'avoué.
«Je n'ai pas encore eu le plaisir de vous voir, M. Phunky,» dit maître Snubbin avec une condescendance hautaine.
M. Phunky salua. Il avait eu, pendant huit ans et plus, le plaisir de voir maître Snubbin, et de l'envier aussi, avec toute l'envie d'un homme pauvre.
«Vous êtes avec moi dans cette cause, à ce que j'apprends? poursuivit l'avocat.»
Si M. Phunky avait été riche, il aurait immédiatement envoyé chercher son clerc, pour savoir ce qui en était; s'il avait été habile, il aurait appliqué son index à son front et aurait tâché de se rappeler si, dans la multitude de ses engagements, il s'en trouvait un pour cette affaire: mais, comme il n'était ni riche ni habile (dans ce sens, du moins), il devint rouge et salua.
«Avez-vous lu les pièces, M. Phunky? continua le grand avocat.»
Ici encore, M. Phunky aurait dû déclarer qu'il n'en avait aucun souvenir; mais comme il avait examiné tous les papiers qui lui avaient été remis, et comme, le jour ou la nuit, il n'avait pas pensé à autre chose depuis deux mois qu'il avait été retenu comme junior de maître Snubbin, il devint encore plus rouge, et salua sur nouveaux frais.
«Voici M. Pickwick, reprit l'avocat en agitant sa plume dans la direction de l'endroit où notre philosophe se tenait debout.
M. Phunky salua M. Pickwick avec toute la révérence qu'inspire un premier client, et ensuite inclina la tête du côté de son chef.
«Vous pourriez emmener M. Pickwick, dit maître Snubbin, et… et… et écouter tout ce que M. Pickwick voudra vous communiquer. Après cela, nous aurons une consultation, naturellement.»
Ayant ainsi donné à entendre qu'il avait été dérangé suffisamment, maître Snubbin qui était devenu de plus en plus distrait, appliqua son lorgnon à ses yeux, pendant un instant, salua légèrement, et s'enfonça plus profondément dans l'affaire qu'il avait devant lui. C'était une prodigieuse affaire; une interminable procédure occasionnée par le fait d'un individu, décédé depuis environ un siècle, et qui avait envahi un sentier conduisant d'un endroit d'où personne n'était jamais venu, à un autre endroit où personne n'était jamais allé!
M. Phunky ne voulant jamais consentir à passer une porte avant M. Pickwick et son avoué, il leur fallut quelque temps avant d'arriver dans le square. Ils s'y promenèrent longtemps en long et en large, et le résultat de leur conférence fut qu'il était fort difficile de prévoir si le verdict serait favorable ou non; que personne ne pouvait avoir la prétention de prédire le résultat de l'affaire; enfin qu'on était fort heureux d'avoir prévenu l'autre partie, en retenant maître Snubbin.
Après avoir entendu différents autres topiques de doute et de consolation, également bien appropriés à son affaire, M. Pickwick tira Sam du profond sommeil où il était tombé depuis une heure, et ayant dit adieu à Lowten, retourna dans la Cité, suivi de son fidèle domestique.
CHAPITRE III
Le repos et le silence qui caractérisent Lant-street, dans le Borough3, font couler jusqu'au fond de l'âme les trésors d'une douce mélancolie. C'est une rue de traverse dont la monotonie est consolante et où l'on voit toujours beaucoup d'écriteaux aux croisées. Une maison, dans Lant-street, ne pourrait guère recevoir la dénomination d'hôtel, dans la stricte acception du mot; mais, cependant, c'est un domicile fort souhaitable. Si quelqu'un désire se retirer du monde, se soustraire à toutes les tentations, se précautionner contre tout ce qui pourrait l'engager à regarder par la fenêtre, nous lui recommandons Lant-street par-dessus toute autre rue.
Dans cette heureuse retraite sont colonisées quelques blanchisseuses de fin, une poignée d'ouvriers relieurs, un ou deux recors, plusieurs petits employés des Docks, une pincée de couturières et un assaisonnement d'ouvriers tailleurs. La majorité des aborigènes dirige ses facultés vers la location d'appartements garnis, ou se dévoue à la saine et libérale profession de la calandre. Ce qu'il y a de plus remarquable dans la nature morte de cette région, ce sont les volets verts, les écriteaux de location, les plaques de cuivre sur les portes et les poignées de sonnettes du même métal. Les principaux spécimens du règne animal sont les garçons de taverne, les marchands de petits gâteaux et les marchands de pommes de terre cuites. La population est nomade;
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Faubourg méridional de Londres.