Amitié amoureuse. Lecomte du Noüy Hermine Oudinot

Amitié amoureuse - Lecomte du Noüy Hermine Oudinot


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ne sentirez bientôt plus que la douceur d'une amitié si pure, partant si durable.

      LI

      Philippe à Denise

14 août.

      Pourquoi nier mon amour? L'avez-vous mis à l'épreuve? Je vous trouve bien hardie de vous empêtrer de raisonnements pour me démontrer que je ne vous aime pas.

      Je vous aime. Je mets à vos pieds mes plus suaves tendresses, mon plus inédit amour. Pour refuser la joie de vivre sous cette forme, êtes-vous bien sûre d'avoir, dans cet impérieux refus, une compensation équivalente au joyeux remuement que l'amour met – fût-ce pour un fugitif instant – dans notre être?

      Tant de formes qu'a déjà prises votre jeune vie ne vous ont-elles pas, chacune, laissée pleine de désillusion?

      Rien n'est – sauf une manière relative d'accepter l'effervescence qu'amènent, de temps en temps, ces violents mouvements qui s'élèvent en nous et nous poussent à quelque acte déterminé; ainsi fit la longue pénétration de votre charme agissant sur moi et m'entraînant à vous dire: «Je vous aime.»

      Je vous en conjure, Denise, prenez pour vrai le trouble dont s'est embelli l'isolement de ma vie, il m'a guidé lentement mais sûrement vers vous, et n'opposez plus une si grande résistance à la débilité naturelle des pauvres affections humaines. Ne perdons pas l'occasion de coudoyer le bonheur.

      Quand un homme de ma sorte est «pénétré d'une parfaite componction, le monde entier lui est alors amer et insupportable», dit le divin livre. J'ai, pour la première fois et pour vous seule, ressenti cette componction… Denise, ma rebelle aimée, tout mon amour est à jamais à vous, l'âme choisie.

      LII

      Denise à Philippe

15 août.

      «Je me suis éloigné, j'ai fui et j'ai demeuré dans la solitude…»

      Le divin livre dit aussi cela et j'en fais mon irrévocable réponse.

      N'insistez plus, mon ami; c'est déjà si douloureux de vous perdre!

      LIII

      Philippe à Denise

Saalfelden, Tirol autrichien, 22 août.

      Il n'eût pas été juste, madame, que mon amour vous condamnât à l'exil. Le monde, dont vous vous souciez parfois si extrêmement, aurait pu s'étonner d'un séjour prolongé dans vos terres cet automne, cet hiver.

      J'ai quitté Paris. Aussi bien, n'y devant plus vous rencontrer, qu'y aurais-je fait?

      Je promène en un village délicieux, désert, enserré de hautes montagnes vertes, aux cimes couvertes de neige, un morne chagrin.

      Plus que jamais mon âme s'étire de détresse, et il faut le grand isolement bienfaisant où je suis pour étouffer l'appel malsain et maussade de vagues idées de suicide.

      Adieu, madame. Je reviendrai en France lorsque je ne serai plus dédaigneux des mouvements extérieurs de la vie.

      En attendant cet oubli du seul moi valant la peine de le regarder vivre, je demeure celui qui vous aime.

      LIVRE II

      L'amour est comme la fièvre: il naît et s'éteint sans que la volonté y ait la moindre part.

      Tous les plaisirs ne viennent pas de la cessation de la douleur.

      Des esprits fort délicats sont très susceptibles de curiosité et de prévention.

      Pour ces âmes trop ardentes ou ardentes par excès… avant que la sensation, qui est la conséquence de la nature des objets, arrive jusqu'à elles, elles les couvrent de loin, et avant de les voir, de ce charme imaginaire dont elles trouvent en elles-mêmes une source inépuisable.

STENDHAL.

      LIV

      Philippe de Luzy à Denise Trémors

Paris, 27 octobre 18…2 h. du matin.

      Je viens de vous revoir, de passer une soirée si semblable à celle qui avait mis en présence nos deux vies il y a quatorze mois, qu'il n'a tenu qu'à vous, qu'à moi, de nous croire au même soir exactement.

      Vous êtes toujours fine et charmante, madame. Sans qu'il m'ait été possible de vous expliquer ce qui s'est passé dans mon âme – peut-être aussi dans la vôtre? – pendant ces longs mois, j'ai cru sentir dans le serrement net de votre petite main une vivacité si cordiale que j'ose vous demander comme autrefois la permission de vous voir et de prendre enfin le droit – que j'ai certes bien gagné – de me compter parmi vos amis.

      LV

      Denise à Philippe

28 octobre.

      Votre écriture m'a fait tressaillir. J'ai gardé la lettre sans l'ouvrir, longtemps dans mes mains, cherchant à deviner ce que vous aviez mis là.

      Je répondrai franchement à votre demande et vous prie de répondre franchement à la mienne: êtes-vous complètement guéri?

      Notre rencontre imprévue d'hier m'assure que ma question n'est pas vaine. Vous avez pu compter les battements de votre cœur, vous savez son état. J'ai dans votre honneur une telle confiance, il m'est apparu si loyal pendant ces longs mois où vous n'avez rien tenté pour me voir ni pour m'écrire, que je suis émue et heureuse d'être l'amie qu'il s'est choisie.

      LVI

      Philippe à Denise

28 octobre.

      Je suis guéri. Il faut que ce soit vous, madame, pour que j'ose écrire ces mots décevants. Ainsi que Henri Heine, je puis dire:

      Mon cœur n'a fleuri qu'une fois

      Il me semble qu'il y a cent ans…

      Voulez-vous que ce soir je vienne prendre une tasse de thé et me guérir un peu – non d'aimer – mais de ce spleen nonchalant qui va augmentant, sans que ma volonté serve à rien autre chose qu'à fortifier le malaise moral où je vis.

      LVII

      Denise à Philippe

30 octobre.

      Venez. Hélène a lu le mot guérir de votre dépêche. Elle m'a dit: «Est-ce mon ami Philippe qui est malade, maman?» Et comme je répondis: «oui» – «Oh! mère, il faut le soigner; vous savez si bien et c'est si doux quand vous soignez… ça console d'être malade.»

      J'aurai donc deux délicats à fortifier; elle, le cher ange, et vous.

      LVIII

      Philippe à Denise

29 octobre.

      Hélène a été si exquise hier au soir que je vous ai comprise ainsi que vos actes, dans ce qu'ils avaient eu pour moi jusqu'ici de plus secret.

      Vous êtes toute à elle comme elle est toute à vous. C'est elle le maître de votre âme. Je ne soupçonnais pas qu'une pareille tendresse pût lier un enfant et une mère. Cela vous maintient un être d'exception, madame, de qui je suis heureux d'être l'ami.

      Je bénis le hasard sous la forme de la célébration anniversaire du mariage du roi de Grèce avec la grande-duchesse Olga; je bénis la volonté de votre mari vous écrivant d'Athènes d'avoir à témoigner, par votre présence à la réception de l'ambassadeur, de son zèle à remplir sa carrière; je bénis Aprilopoulos, l'anodin flirt de votre nièce, qui m'entraîna à cette soirée, puisque, contre toute attente (je vous croyais à Nimerck) je vous y ai retrouvée. Je bénis votre infinie bonté, madame, puisque vous avez permis que je redevinsse votre ami.

      Mais, dans le tendre émoi où m'a mis cette reprise de nos relations, j'ai omis de vous conter une chose qu'il importe que vous sachiez.

      Depuis un


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