Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2. Charles Athanase Walckenaer
cicatriser. On s'aperçoit, en lisant les lettres qu'elle lui a adressées depuis leur réconciliation, qu'une sorte de crainte et de défiance se mêle à l'abandon auquel elle aurait voulu se livrer, et qu'elle se tenait toujours sur ses gardes. Cependant Bussy fut pour elle l'homme le plus aimable et le plus spirituel, celui avec lequel elle aimait le plus à s'entretenir. Elle le regardait comme injustement persécuté, et en butte à des ennemis inférieurs à lui en mérite; elle aurait voulu le voir heureux, et elle était vivement touchée des revers de sa fortune. Bussy, après s'être réconcilié avec sa cousine, lui rendit toute sa confiance, et sentit renaître toute son affection pour elle; il avait la plus haute estime pour ses vertus, la plus vive admiration pour son esprit, la plus forte inclination pour son caractère, égal, sensé, aimable, aimant et gai. Le repentir qu'il éprouvait de l'avoir offensée fut profond et durable; il le peint avec énergie dans un endroit de ses Mémoires qu'il écrivait pour lui-même et pour ses enfants, avec le dessein de ne jamais les publier de son vivant.
«Un peu avant la campagne de 1658, je me brouillai avec madame de Sévigné. J'eus tort dans le sujet de ma brouillerie; mais le ressentiment que j'en eus fut le comble de mon injustice. Je ne saurais assez me condamner en cette rencontre, ni avoir assez de regrets d'avoir offensé la plus jolie femme de France, ma proche parente, que j'avais toujours fort aimée, et de l'amitié de laquelle je ne pouvais pas douter. C'est une tache de ma vie, que j'essayai véritablement de laver quand on arrêta le surintendant Fouquet.»
Bussy a raison de se vanter de la conduite qu'il tint dans cette dernière circonstance. Elle fut noble et généreuse, mais ce n'est pas encore ici l'occasion de la faire connaître. Le but principal de cet ouvrage nous oblige à perdre quelque temps Bussy de vue; nous reviendrons à lui lorsqu'il aura cessé d'être brouillé avec madame de Sévigné. Nous allons continuer à suivre celle-ci dans le monde, où elle brillait alors avec plus d'éclat encore que par le passé, et où son esprit, les charmes de sa personne et les agréments de son commerce lui avaient acquis une véritable célébrité.
CHAPITRE XII.
1658-1659
Ardeur pour les plaisirs pendant les deux années qui précédèrent le mariage de Louis.—Promenade au Cours.—Foire Saint-Germain.—Conduite de madame de Sévigné.—Le roi devient amoureux de Marie Mancini.—Le roi a une courte maladie, qui met ses jours en danger.—Sentiments divers des courtisans pendant cette maladie.—Affliction profonde de Marie de Mancini.—Le roi en est instruit, sa passion pour elle s'en augmente.—Anne d'Autriche veut la combattre.—Conduite douteuse de Mazarin à ce sujet.—L'issue des négociations pour le mariage de Louis XIV avec la princesse de Savoie est, par cette passion, rendue incertaine.—Ces négociations sont rompues par l'offre de l'Espagne de donner l'infante.—Anne d'Autriche, craignant le mariage de son fils avec Marie de Mancini, fait rédiger d'avance une protestation.—Le cardinal se détermine à envoyer sa nièce au Brouage.—On s'est trompé sur les intentions que l'on a supposées à Mazarin—Il entrait dans son plan d'inspirer des craintes à l'Espagne, de montrer que lui seul voulait la paix.—La violence de la passion du roi manqua de faire échouer ces combinaisons.—Grand caractère de Mazarin.—Obstacles qu'il a eu à vaincre pour parvenir à la paix et au mariage du roi.
Le roi et son frère entraient tous deux dans cet âge où le cœur et les sens dominent trop la volonté pour qu'elle puisse se soumettre à la froide raison, et ne pas secouer le joug de ceux qui voudraient mettre un frein à des passions dont alors les jouissances sont si vives et les dangers si peu connus. Sans doute les mœurs du temps, corrompues par la Fronde, et l'état de désordre dont on ne faisait que de sortir exerçaient leur fâcheuse influence sur ces deux adolescents et sur toute la jeunesse qui les entourait; mais les inclinations naturelles du monarque et les exemples qu'il donna pendant la plus grande partie de son règne augmentèrent l'intensité du venin qui circulait à la cour et parmi les grands, et qui à la longue se répandit dans toutes les classes.
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