Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier. Аристофан
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LES CHEVALIERS
(L'AN 425 AVANT J.-C.)
Les Chevaliers sont dirigés contre le démagogue Cléon qui s'était mis à la tête des affaires après la mort de Périclès, et qui, à la suite de son succès de Sphactérie, était devenu l'idole du peuple, personnifié dans la pièce par le bonhomme Dèmos. Le vieillard, circonvenu à la fois par Cléon, transformé en corroyeur, et par le marchand d'andouilles Agoracritos, finit par voir clair dans leur jeu. Cléon est chassé. Agoracritos, faisant amende honorable, sert consciencieusement son maître qui recouvre la jeunesse et la raison.
PERSONNAGES DU DRAME
Dèmosthénès.
Nikias.
Un marchand d'andouilles nommé Agorakritos.
Kléôn.
Chœur de chevaliers.
Dèmos.
La scène se passe devant la maison de Dèmos.
LES CHEVALIERS
Iattatæax! Que de malheurs! Iattatæ! Que ce Paphlagonien, cette nouvelle peste, avec ses projets, soit confondu par les dieux! Depuis qu'il s'est glissé dans la maison, il ne cesse de rouer de coups les serviteurs.
Malheur, en effet, à ce prince de Paphlagoniens, avec ses calomnies!
Pauvre malheureux, comment vas-tu?
Mal, comme toi.
Viens, approche, gémissons de concert sur le mode d'Olympos.
Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu, Mu.
Pourquoi ces plaintes inutiles? Ne vaudrait-il pas mieux chercher quelque moyen de salut pour nous et ne pas pleurer davantage?
Mais quel moyen? Dis-le-moi.
Dis-le plutôt, afin qu'il n'y ait pas de dispute.
Non, par Apollôn! pas moi. Allons, parle hardiment, puis je te dirai mon avis.
Que ne me dis-tu plutôt ce qu'il faut que je dise?
Ce courage barbare me manque. Comment m'exprimerais-je en grand style, en style euripidien?
Non, non, pas à moi, pas à moi: ne me sers pas un bouquet de cerfeuil, mais trouve un chant de départ de chez notre maître.
Eh bien, dis: «Échappons!» comme cela, tout d'un trait.
Je le dis: «Échappons!»
Ajoute ensuite le mot: «Nous», au mot: «Échappons».
«Nous!»
A merveille! A présent, comme procédant par légères secousses de la main, dis d'abord: «Échappons,» ensuite: «Nous,» puis: «A la hâte!»
«Échappons, échappons-nous, échappons-nous à la hâte!»
Hein! N'est-ce pas délicieux?
Oui, par Zeus! Si ce n'est que j'ai peur que ce ne soit pour ma peau un mauvais présage.
Pourquoi cela?
Parce que les plus légères secousses de la main emportent la peau.
Ce qu'il y aurait de souverain dans les circonstances présentes, ce serait d'aller tous les deux nous prosterner devant les statues de quelque dieu.
Quelles statues? Est-ce que tu crois vraiment qu'il y a des dieux?
Je le crois.
D'après quel témoignage?
Parce que je suis en haine aux dieux. N'est-ce pas juste?
Tu me ranges de ton avis. Mais considérons autre chose. Veux-tu que j'expose l'affaire aux spectateurs?
Ce ne serait pas mal. Seulement, prions-les de nous faire voir clairement, par leur air, s'ils se plaisent à nos paroles et à nos actions.
Je commence donc. Nous avons un maître, d'humeur brutale, mangeur de fèves, atrabilaire, Dèmos le Pnykien, vieillard morose, un peu sourd. Au commencement de la noumènia, il a acheté un esclave, un corroyeur paphlagonien, coquin fieffé et grand calomniateur. Ce corroyeur paphlagonien, connaissant à fond le caractère du vieux, fait le chien couchant, flatte son maître, le caresse, le choie, le dupe avec des rognures de cuir et des mots comme ceux-ci: «Dèmos, il suffit d'avoir jugé une affaire: va au bain, mange, avale, dévore, reçois trois oboles: veux-tu que je te serve un souper?» Alors le Paphlagonien fait main-basse sur ce que l'un de nous a préparé et l'offre gracieusement à son maître. L'autre jour, je venais de pétrir à Pylos une galette lakonienne; par ses roueries et par ses détours il me la subtilise, et il sert comme de lui le mets de ma façon. Il nous éloigne et ne permet pas à un autre de soigner le maître; mais, armé d'une courroie, debout près de la table, il en écarte les orateurs. Il lui chante des oracles, et le bonhomme sibyllise. Puis, quand il le voit à l'état de brute, il met en œuvre son astuce; il lance effrontément mensonges et calomnies contre les gens de la maison; alors nous sommes fouettés, nous; et le Paphlagonien, courant après les esclaves, demande, menace, escroque en disant: «Voyez Hylas, comme je le fais fouetter; si vous ne m'obéissez pas, vous êtes morts aujourd'hui.» Nous donnons. Autrement, le vieux nous piétinerait et nous ferait chier huit fois davantage. Hâtons-nous donc, mon bon, de voir maintenant quelle voie à suivre et vers qui.
Le mieux, mon bon, c'est notre: «Échappons-nous! »
Mais il n'est pas facile de rien cacher au Paphlagonien; il a l'œil à tout. Une de ses jambes est à Pylos, et l'autre à l'assemblée; si bien que, ses jambes ainsi écartées, son derrière est en Khaonia, ses mains en Ætolia et son esprit en Klopidia.
Le mieux pour nous est donc de mourir. Mais voyons à mourir de la mort la plus héroïque.
Mais quelle sera cette mort très héroïque?
La plus belle pour nous est de boire du sang de taureau. Une mort comme celle de Thémistoklès n'est pas à dédaigner.
Oui, par Zeus! buvons du vin pur à notre Bon Génie, et peut-être trouverons-nous quelque utile dessein.
Comment? Du vin pur? Tu songes à boire? Jamais homme ivre a-t-il trouvé quelque utile dessein?
Vraiment, mon bon? Tu es un robinet de sottes paroles. Tu oses accuser le vin de pousser à la démence? Trouve-moi donc quelque chose de plus pratique que le vin. Vois-tu? Quand on a bu, on est riche, on fait ses affaires, on gagne ses procès, on est en plein bonheur, on rend service aux amis. Allons, apporte-moi vite une cruche de vin! Que j'arrose mon esprit pour trouver une idée ingénieuse!
Hélas! Que nous fera ta boisson?
Beaucoup de bien. Apporte-la; moi je vais m'étendre. Une fois ivre, je te débiterai sur tout ce qui nous intéresse un tas de petits conseils, de petites sentences et de petites raisons.
Quelle