Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier. Аристофан
BŒOTIEN
Par Iolaos! ton souhait m'est agréable, étranger! Depuis Thèbæ, en soufflant derrière moi, ils ont fait tomber par terre mes fleurs de pouliot. Mais, si tu veux bien, achète-moi de ce que je porte, des poulets ou des sauterelles.
Ah! salut! mon cher Bœotien, mangeur de kollix. Qu'apportes-tu?
Tout ce que nous avons de bon en Bœotia: origan, pouliot, nattes de jonc, feuilles à mèches, canards, geais, francolins, poules d'eau, roitelets, plongeons.
Tu es un orage qui sème les oiseaux sur l'Agora.
J'apporte également oies, lièvres, renards, taupes, hérissons, chats, picfides, belettes, loutres, anguilles du Kopaïs.
O toi, qui offres le morceau le plus agréable aux hommes, permets-moi de saluer les anguilles que tu apportes.
Toi, l'aînée de mes cinquante vierges du Kopaïs, viens faire la joie de notre hôte.
O bien-aimée, objet de mes longs désirs, te voilà donc, toi pour qui soupirent les chœurs tragiques, et chère à Morykhos. Esclaves, apportez-moi ici le réchaud et le soufflet. Regardez, enfants, cette maîtresse anguille, qui vient enfin, désirée depuis six ans! Saluez-la, mes enfants. Moi, je fournirai le charbon pour faire honneur à l'étrangère. Mais emportez-la. La mort même ne pourra me séparer de toi, si on te cuit avec des bettes.
Et à moi, que me donneras-tu en retour?
Tu me la donnes en paiement de ton droit au marché. Mais si tu veux vendre quelques autres choses, parle.
Hé! tout cela.
Voyons, combien dis-tu? ou veux-tu troquer contre des denrées emportées d'ici?
Bien! Je prends des produits d'Athènes, qu'on n'a pas en Bœotia.
Tu peux acheter et emporter des anchois de Phalèron ou de la poterie.
Des anchois et de la poterie? Mais nous en avons, là-bas. Je veux un produit qui ne soit pas chez nous et qui abonde ici.
Je sais alors. Emporte un sykophante, emballé comme de la poterie.
Par les Jumeaux! j'aurais grand profit à en emmener un. Ce serait un singe plein de malice.
Voici justement Nikarkhos qui vient dénoncer quelqu'un.
C'est un bien petit homme!
Mais il est tout venin.
A qui sont ces marchandises?
A moi. De Thèbæ, Zeus m'en est témoin.
Et moi, je les dénonce comme ennemies.
Quel mauvais instinct te pousse à guerroyer et à batailler contre des oiseaux?
Je vais te dénoncer toi-même en sus.
Quel mal ai-je fait?
Je vais te le dire dans l'intérêt des assistants. Tu introduis des mèches de chez les ennemis.
Ainsi donc tu dénonces des mèches?
Une seule suffit pour embraser l'arsenal.
L'arsenal? une mèche?
Je le crois.
Et comment?
Un Bœotien peut l'attacher à l'aile d'une tipule, la lancer sur l'arsenal au moyen d'un tube, par un grand vent de Boréas; et, le feu prenant une fois aux vaisseaux, ils flambent tout de suite.
Méchant, digne de mille morts! ils flamberaient embrasés par une tipule et par une mèche?
Des témoins!
Fermez-lui la bouche! Donne-moi du foin: je vais l'emballer comme de la poterie, pour qu'il ne se casse pas en route.
Emballe bien, mon cher, cette marchandise destinée à l'étranger, afin qu'il n'aille pas la briser.
J'y veillerai, car elle rend le son grêle d'un objet fêlé par le feu, et désagréable aux dieux.
Que va-t-il en faire?
Un vase utile à tout, une coupe de maux, un mortier à procès, une lanterne pour espionner les comptables, un récipient à brouiller les affaires.
Mais qui oserait se servir d'un vase qui craque de la sorte dans la maison?
Il est solide, mon bon, et il ne cassera jamais, s'il est suspendu par les pieds, la tête en bas.
Le voilà empaqueté comme tu le veux.
Je vais enlever ma gerbe.
O le meilleur des hôtes, aide-le dans le transport, et jette où tu voudras ce sykophante bon à tout.
J'ai eu bien de la peine à empaqueter ce maudit scélérat. Allons, Bœotien, emporte ta poterie.
Viens ici, et baisse ton épaule, Ismènikhos.
Veille à la porter avec précaution. En réalité, tu ne porteras là rien de bon; fais-le toutefois. Tu gagneras à te charger de ce fardeau. Les sykophantes te porteront bonheur.
Dikæopolis!
Qu'y a-t-il? Pourquoi m'appelles-tu?
Pourquoi? Lamakhos te prie de lui céder, moyennant cette drakhme, quelques grives pour la fête des Coupes, et, au prix de trois drakhmes, une anguille du Kopaïs.
Qui est ce Lamakhos avec son anguille?
Le terrible, l'infatigable, qui agite sa Gorgôn et qui remue les trois aigrettes, dont il est ombragé.
Par Zeus! je refuse, me donnât-il son bouclier. Qu'il remue ses aigrettes en mangeant du poisson salé! S'il vient faire du bruit, j'appelle les agoranomes. Pour moi, j'emporte ces provisions, destinées à ma personne. J'entre sur les ailes des grives et des merles.
Tu as vu, oui, tu as vu, ville tout entière, la prudence et l'éminente sagesse de cet homme. Depuis qu'il a conclu une trêve, il peut acheter ce dont il a besoin pour sa maison et ce qui convient à des repas chaudement servis. D'eux-mêmes tous les biens lui arrivent.
Non, jamais je ne recevrai chez moi la Guerre; jamais elle ne me chantera l'air de Harmodios, assise à ma table, parce que c'est un être qui, pris de vin, et faisant ripaille chez ceux qui ont tous les biens, y cause tous les maux, renverse, ruine, détruit, et cela quand on lui a fait nombre d'avances: «Bois, assieds-toi, prends cette coupe de l'amitié,» tandis que lui porte partout le feu sur nos échalas, et répand brutalement le vin de nos vignes.
Chez l'homme que je dis le repas est grandement, libéralement ordonné, et les preuves de sa bonne chère se voient dans les plumes étalées devant sa porte.
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