Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier. Аристофан

Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier - Аристофан


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CHŒUR

      Tu vas tuer ce camarade, un ami des charbonniers!

DIKÆOPOLIS

      Tout à l'heure, quand je parlais, vous ne m'avez pas écouté.

LE CHŒUR

      Eh bien, parle à présent, si bon te semble, de Lakédæmôn et de ce que tu aimes le mieux. Jamais je n'abandonnerai ce petit panier.

DIKÆOPOLIS

      Maintenant, commencez par jeter vos pierres à terre.

LE CHŒUR

      Les voilà à terre; et toi, à ton tour, dépose ton épée.

DIKÆOPOLIS

      Mais faites que dans vos manteaux il n'y ait pas quelque part des pierres.

LE CHŒUR

      Elles ont été secouées par terre. Ne vois-tu pas nos manteaux secoués? Allons, plus de prétexte; dépose ton arme. Le secouement s'est opéré pendant notre évolution chorale.

DIKÆOPOLIS

      Vous alliez tous pousser de beaux cris, et peu s'en est fallu que ces charbons du Parnès ne périssent, et cela par la folie de leurs compatriotes. La peur a fait chier sur moi à ce panier une poussière noire comme de la sépia. C'est terrible pour des hommes d'avoir dans l'âme une humeur de verjus, qui porte à battre et à crier, sans vouloir écouter raisonnablement les raisons que j'allègue, quand je veux, sur le billot même, dire tout ce que j'ai à dire au sujet des Lakédæmoniens, et cependant j'aime ma vie, moi.

LE CHŒUR

      Pourquoi donc alors ne fais-tu pas placer un billot devant la porte, pour nous dire, misérable, la chose à laquelle tu attaches tant d'importance? Car j'ai grande envie de connaître tes pensées. Mais selon le mode de justice que tu as fixé, fais placer ici le billot, et prends la parole.

DIKÆOPOLIS

      Eh bien, voyez: voilà le billot, et voici l'orateur, moi pauvre homme. Assurément, par Zeus! je ne me couvrirai pas d'un bouclier, mais je dirai sur les Lakédæmoniens ce qui me paraît bon. Cependant j'ai bien des craintes. Je connais l'humeur de nos campagnards, qui se gaudissent quand quelque hâbleur fait l'éloge, juste ou non, d'eux et de la ville. Et ils ne s'aperçoivent pas qu'on les a vendus. Je connais aussi l'âme des vieillards, qui ne voient pas autre chose que de mordre le monde avec leur vote. Je sais ce que j'ai eu à souffrir de Kléôn pour ma comédie de l'année dernière. Il m'a traîné devant le Conseil, me criblant de calomnies, m'étourdissant de ses mensonges, de ses cris, se déchaînant comme un torrent, fondant en déluge, à ce point que j'ai failli périr noyé dans un tas d'infamies. Et maintenant, avant que je prenne la parole, laissez-moi endosser le costume du plus misérable des êtres.

LE CHŒUR

      Pourquoi ce tissu de détours, d'artifices et de retards? Emprunte-moi à Hiéronymos un casque de Hadès, aux poils sombres et hérissés; puis déploie les ruses de Sisyphos; car ce débat ne comportera pas de délai.

DIKÆOPOLIS

      Voici le moment où il faut que je prenne une âme résolue. Allons tout de suite trouver Euripidès. Esclave! Esclave!

KÉPHISOPHÔN

      Qui est là?

DIKÆOPOLIS

      Euripidès est-il chez lui?

KÉPHISOPHÔN

      Il n'y est pas et il y est, si tu n'es pas dépourvu de sens.

DIKÆOPOLIS

      Comment y est-il et n'y est-il pas?

KÉPHISOPHÔN

      Tout simplement, vieillard: son esprit, courant dehors après des vers, n'y est pas, mais lui-même est chez lui, juché en l'air, composant une tragédie.

DIKÆOPOLIS

      O trois fois heureux Euripidès, d'avoir un esclave qui répond si sagement! Mais toi, appelle ton maître.

KÉPHISOPHÔN

      C'est impossible.

DIKÆOPOLIS

      Mais cependant je ne puis m'en aller. Je vais frapper à la porte. Euripidès! mon petit Euripidès! Écoute-moi, si jamais tu l'as fait pour quelqu'un. C'est Dikæopolis qui t'appelle, du dême de Khollide, moi.

EURIPIDÈS

      Je n'ai pas le temps.

DIKÆOPOLIS

      Hé bien, fais-toi rouler.

EURIPIDÈS

      Impossible.

DIKÆOPOLIS

      Mais pourtant.

EURIPIDÈS

      Allons! qu'on me roule! Je n'ai pas le temps de descendre.

DIKÆOPOLIS

      Euripidès!

EURIPIDÈS

      Qu'est-ce que tu chantes?

DIKÆOPOLIS

      Tu composes juché en l'air, quand tu peux être en bas. Il n'est pas étonnant que tu crées des boiteux. Et pourquoi as-tu ces haillons tragiques, ces vêtements pitoyables? Il n'est pas étonnant que tu crées des mendiants. Mais, je t'en prie à genoux, Euripidès, donne-moi les haillons de quelque vieux drame. J'ai à débiter au Chœur un long discours, qui me vaudra la mort, si je parle mal.

EURIPIDÈS

      Quelles guenilles veux-tu? Celles que portait, dans son rôle, Œneus, cet infortuné vieillard?

DIKÆOPOLIS

      Non; pas celles d'Œneus, mais d'un plus malheureux encore.

EURIPIDÈS

      De Phœnix l'aveugle?

DIKÆOPOLIS

      Non, pas de Phœnix, non, mais il y en avait un autre plus malheureux que Phœnix.

EURIPIDÈS

      Mais quelles sont les loques d'habits dont parle cet homme? Parles-tu de celles du mendiant Philoktétès?

DIKÆOPOLIS

      Non, d'un autre, beaucoup, beaucoup plus mendiant.

EURIPIDÈS

      Sont-ce les vêtements crasseux que portait le boiteux Bellérophôn?

DIKÆOPOLIS

      Pas Bellérophôn. Mon homme était boiteux, mendiant, bavard, disert.

EURIPIDÈS

      Je sais, le Mysien Téléphos.

DIKÆOPOLIS

      Oui, Téléphos: donne-moi, je t'en prie, ses haillons.

EURIPIDÈS

      Esclave, donne-moi les guenilles de Téléphos. Elles traînent au-dessus des loques de Thyestès, mêlées à celles d'Ino.

KÉPHISOPHÔN

      Les voici, prends.

DIKÆOPOLIS

      O Zeus, dont l'œil voit et pénètre partout, laisse-moi me vêtir comme le plus misérable des êtres. Euripidès, puisque tu m'as accordé ceci, donne-moi, comme complément de ces guenilles, le petit bonnet qui coiffait le Mysien. Il me faut aujourd'hui avoir l'air d'un mendiant, être ce que je suis, mais ne pas le paraître. Les spectateurs sauront que je suis moi, mais les khoreutes seront assez bêtes pour être dupes de mon verbiage.

EURIPIDÈS

      Je te le donnerai, car ta subtilité machine des finesses.

DIKÆOPOLIS

      «Sois heureux, et qu'il arrive à Téléphos ce que je souhaite. » Très bien! Comme je suis bourré de sentences! Mais il me faut un bâton de mendiant.

EURIPIDÈS

      Prends, et éloigne-toi de ces portiques.

DIKÆOPOLIS

      O mon âme, tu vois comme on me chasse de ces demeures, quand j'ai encore besoin d'un tas d'accessoires. Sois donc pressante, quémandeuse, suppliante. Euripidès, donne-moi une corbeille avec une lampe allumée.

EURIPIDÈS

      Mais, malheureux, qu'as-tu besoin de ce tissu d'osier?

DIKÆOPOLIS

      Je n'en ai pas besoin, mais je veux tout de même l'avoir.

EURIPIDÈS

      Tu deviens importun: va-t'en de ma maison.

DIKÆOPOLIS

      Hélas! Sois heureux comme autrefois ta mère!

EURIPIDÈS

      Va-t'en, maintenant.

DIKÆOPOLIS

      Ah! donne-moi seulement une petite écuelle à la lèvre ébréchée.

EURIPIDÈS

      Prends,


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