Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier. Аристофан
par Zeus! tu ne sais pas tout le mal que tu me fais. Mais, mon très doux Euripidès, plus rien qu'une marmite doublée d'une éponge.
Hé, l'homme! tu m'enlèves une tragédie. Prends et va-t'en.
Je m'en vais. Cependant que faire? Il me faut une chose, et, si je ne l'ai pas, c'est fait de moi. O très doux Euripidès, donne-moi cela, car je m'en vais pour ne plus revenir. Donne-moi dans mon panier quelques légères feuilles de légumes.
Tu me ruines. Tiens, voici; mais c'en est fait de mes drames.
C'est fini; je me retire. Je suis trop importun, je ne songe pas que «je me ferais haïr des rois». Ah! malheureux! Je suis perdu! J'ai oublié une chose dans laquelle se résument toutes mes affaires. Mon petit, mon très doux, mon très cher Euripidès, que je meure de male mort, de te demander encore une seule chose, seule, rien qu'une seule! Donne-moi du skandix, que tu as reçu de ta mère.
Cet homme fait l'insolent: fermez la porte au verrou.
O mon âme, il faut partir sans skandix. Ne sais-tu pas quel grand combat tu vas combattre sans doute, en prenant la parole au sujet des Lakédæmoniens? Avance, mon âme: voici la carrière. Tu hésites? N'as-tu pas avalé Euripidès? Je t'en loue. Voyons, maintenant, pauvre cœur, en avant, offre ensuite ta tête, et dis tout ce qu'il te plaira. Hardi! Allons! Marche. Je suis ravi de mon courage.
Que vas-tu faire? Que vas-tu dire? Songe que tu es un résolu, un homme de fer qui livre sa tête à la ville, et qui va, seul, contredire tous les autres.
Notre homme ne recule pas devant l'entreprise. Allons, maintenant, puisque tu le veux, parle.
Ne m'en veuillez point, citoyens spectateurs, si, tout pauvre que je suis, je m'adresse aux Athéniens au sujet de la ville, et en acteur de trygédie. Or, la trygédie sait aussi ce qui est juste. Mes paroles seront donc amères, mais justes. Certes, Kléôn ne m'accusera point aujourd'hui de dire du mal de la ville en présence des étrangers. Nous sommes seuls: c'est la fête des Lénæa; les étrangers n'y sont pas encore; les tributs n'arrivent pas, ni les alliés venant de leurs villes. Nous sommes donc seuls et triés au volet; car les métèques, selon moi, sont aux citoyens ce que la paille est au blé.
Je déteste de tout mon cœur les Lakédæmoniens: et puisse Poséidon, le dieu du Tænaron, leur envoyer un tremblement qui renverse toutes leurs maisons! Et de fait, mes vignes ont été coupées. Mais, voyons, car il n'y a que des amis présents à mon discours, pourquoi accuser de tout cela les Lakoniens? Chez nous, quelques hommes, je ne dis pas la ville, souvenez-vous bien que je ne dis pas la ville, quelques misérables pervers, décriés, pas même citoyens, ont accusé les Mégariens de contrebande de lainage. Voyaient-ils un concombre, un levraut, un cochon de lait, une gousse d'ail, un grain de sel: «Cela vient de Mégara!» et on le vendait sur l'heure. Seulement, c'est peu de chose, et cela ne sort pas de chez nous. Mais la courtisane Simætha ayant été enlevée par des jeunes gens ivres, venus à Mégara, les Mégariens, outrés de douleur, enlèvent, à leur tour, deux courtisanes d'Aspasia; et voilà la guerre allumée chez tous les Hellènes pour trois filles. Sur ce point, du haut de sa colère, l'Olympien Périklès éclaire, tonne, bouleverse la Hellas et fait une loi qui, comme dit le skolie, interdit aux Mégariens de «séjourner sur la terre, sur l'Agora, sur la mer et sur le continent». Alors les Mégariens, finissant par mourir de faim, prient les Lakédæmoniens de faire rapporter le décret rendu à cause des filles de joie. Nous ne voulons pas écouter leurs demandes réitérées, et dès lors commence un fracas de boucliers. Quelqu'un va dire: «Il ne fallait pas»; mais que fallait-il? dites-le. Qu'un Lakédæmonien se fût embarqué pour Séripho, afin d'y enlever, sous quelque prétexte, un petit chien et de le vendre, seriez-vous restés tranquilles dans vos maisons? Il s'en faut de beaucoup. Vous auriez aussitôt mis trois cents vaisseaux à la mer: voilà la ville pleine du bruit des soldats, de clameurs au sujet du triérarkhe, des distributions de la solde, du redorage des Palladia, de bousculades sous les portiques, de mesures de vivres, d'outres, de courroies à rames, d'achats de tonneaux, de gousses d'ail, d'olives, d'oignons dans des filets, de couronnes, de sardines, de joueuses de flûte, d'yeux pochés: l'arsenal est rempli de bois à fabriquer des avirons, de chevilles bruyantes, de garnitures de trous pour la rame, de flûtes à signal, de fifres, de sifflets. Je sais que c'est cela que vous auriez fait. Et ne croyons-nous pas que Téléphos eût fait de même? Donc nous n'avons pas de sens commun.
C'est donc comme cela, misérable, infâme? Vil mendiant, tu oses nous parler ainsi! Et s'il y a ici quelque sykophante, tu l'outrages!
Par Poséidôn! tout ce qu'il dit est justement dit, et il ne ment pas d'un mot.
Si c'est juste, fallait-il le dire? Mais tu n'auras pas à te réjouir de l'audace de tes paroles.
Où cours-tu donc? Ne bouge pas. Si tu frappes cet homme, je te ferai danser.
O Lamakhos, ô toi dont les regards lancent des éclairs, viens-nous en aide; toi dont l'aigrette est une Gorgôn, parais, ô Lamakhos, mon ami, citoyen de ma tribu. S'il y a là un taxiarkhe, un stratège, des défenseurs des remparts, venez vite à notre aide; on porte la main sur moi.
Quel cri de bataille me frappe l'oreille? Où faut-il courir à l'aide? Où dois-je lancer l'épouvante? Qui tire ma Gorgôn de son étui?
O Lamakhos, héros redoutable par tes aigrettes et par tes bataillons!
O Lamakhos, cet homme n'en finit pas d'outrager notre ville tout entière.
C'est toi, mendiant, qui as l'audace de tenir ce langage?
O Lamakhos, grand héros, pardonne à un mendiant qui, en prenant la parole, a dit quelque sottise.
Qu'as-tu dit de nous? Parleras-tu?
Je n'en sais plus rien. La peur des armes me donne le vertige. Mais, je t'en prie, éloigne de moi cette Mormo.
C'est fait.
Maintenant mets-lui la face contre terre.
Elle y est.
Donne-moi à présent une plume de ton casque.
Voilà la plume.
Maintenant prends-moi la tête, pour que je vomisse: les aigrettes me donnent la nausée.
Hé! l'homme! que veux-tu faire? Tu veux te faire vomir à l'aide de cette plume?
C'est une plume, en effet. Dis moi, de quel oiseau est-elle? Est-ce du fanfaron? Est-ce du «kompolâkythos» (fanfaron)?
Ah! tu vas y passer!
Non, Lamakhos: il ne s'agit pas de force. Puisque tu es fort, pourquoi ne pas me circoncire? Tu es bien armé?
Un mendiant parler ainsi à un stratège!
Moi, un mendiant?
Qu'es-tu donc?
Ce que je suis? Un bon citoyen, exempt d'ambition, et, depuis le commencement de la guerre, un bon soldat, tandis que toi tu es, depuis le commencement de la guerre, un général gagé.
On m'a élu.
Oui, trois coucous. Et moi, indigné de ce fait, j'ai conclu une trêve, voyant des hommes à cheveux blancs dans les