Storey. Keith Dixon

Storey - Keith Dixon


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sérieuse que ça, en fin de compte.

      – Comment vous appelez-vous? demanda-t-elle.

      – Paul Storey.

      – Avec ou sans ‘e’?

      – Avec. Peu de gens se le demandent. Avez-vous l’intention de chercher mon nom sur Google?

      – Devrais-je le faire?

      – Moi, je ne le ferai pas. Comment vous appelez-vous?

      – C’n’est pas vrai. Croyiez-vous qu’en me fixant assez longtemps, je finirai par vous donner un rendez-vous?

      – Ça m’a traversé l’esprit!

      – Ça n’arrivera pas.

      – J’ai bien reçu le message, dit-il tout bas. Qu’est-ce qu’il y a? De quoi avez-vous peur?

      – De la vie, dit-elle, l’univers et tout. Presque tout. Et en réponse à votre première question, je viens ici pour travailler parce que le bruit m’aide à me concentrer. C’est trop calme au bureau.

      – Qu’est-ce que vous faites?

      – Journaliste, gazette locale. Bien que cela ne vous regarde pas. Satisfait?

      – Bien sûr. Pourquoi ne le serais-je pas?

      Elle semblait être sur le point d’ajouter une chose, lorsqu’elle se retourna et s’éloigna. Il regarda son profil, alors qu’elle ouvrait la porte et se dirigeait à gauche vers Primark. Il remarqua un sourire sur ses lèvres. Il tourna sa chaise pour se mettre face au mur et prit son café.

      Il savait qu’elle n’était pas journaliste. Elle était trop bien habillée et plus nerveuse que tous les journalistes auxquels il avait eu affaire.

      Mais cela ne le dérangeait pas. Après tout, lui non plus ne travaillait pas dans les assurances.

      CHAPITRE DEUX

      – M. Storey, si vous voulez mon avis professionnel, le prix que vous avez fixé est trop élevé pour la maison de votre père. Les logements dans la, euh, région de Coventry ont pris un sacré coup ces deux dernières années. Vous vous adressez à des acheteurs inexpérimentés qui essayent de démarrer dans la vie, et le prix que vous demandez les dissuadera même de jeter un coup d’œil à l’intérieur.

      – Dissuader? Nom de Dieu, dit-il. Ce n’est pas mon problème, je crois? C’est votre boulot de vendre.

      – Bien sûr…

      – Je vais vous dire une chose… je baisserai le prix de 5 % s’ils sont intéressés.

      – Les acheteurs sont beaucoup plus persévérants de nos jours. Il y a de grandes chances qu’ils offrent quinze à vingt pour cent en dessous du prix demandé, en particulier dans votre quartier. L’école locale n’a pas une grande réputation et, comme vous le savez, de nombreux crimes y ont été signalés au cours de la dernière année. Des faits mineurs, des choses insignifiantes, mais ça instaure une atmosphère, pour ainsi dire, malsaine.

      – Je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais je m’en fous. Je dois vendre.

      L’agent immobilier s’appelait Jeremy Frost et Paul ne l’aimait pas. Il y avait trop de bluff dans son attitude: donnant l’impression d’être réaliste tout en agissant en tant qu’ami. Peut-être était-ce la façon dont ils travaillaient de nos jours.

      Frost s’adossa sur sa luisante chaise en cuir, en lui décrivant ce qu’ils allaient faire: mettre des photos en ligne pour qu’elles soient diffusées par leurs différents partenaires nationaux, mettre des vidéos sur l’écran de leur vitrine d’agence, en ajoutant que s’il était prêt à investir un peu plus d’argent, ils pourraient même lui offrir un créneau de première sur le site Web, qui affichera une plus grande photo et une hausse de visionnement garantie de trente pour cent…

      S’occuper de la vente de la maison de son père avait fait ressurgir ses instincts les plus bas. C’était la maison où il avait grandi et il était maintenant contraint de la vendre. C’était comme si on lui demandait de s’arracher un membre de son corps pour le vendre aux enchères sur eBay.

      – Avez-vous une date limite que vous devez respecter? Avant de repartir à Londres? dit Frost

      – Je n’y retournerai pas.

      – Oh, mais je croyais que…

      – Vous ne vous débarrasserai pas de moi, sourit-il. Votre client favori.

      – Tous nos clients sont nos favoris, dit Frost en lui retournant son sourire.

      – Bien sûr. Mais certains le sont plus que d’autres, c’est ça? Certains sont touchés par vos mains magiques et vendent plus vite, pendant que d’autres sont laissés à l’abandon. Je ne serai pas parmi ces derniers, n’est-ce pas, Jeremy?

      L’expression de l’agent se figea. Il se mit à parler des questionnaires de satisfaction des clients, en ajoutant le fait que nombreux de leurs clients sont restés fidèles à leur agence pour plusieurs ventes…

      Paul détacha son attention et songea: Et lui? Que s’est-il vendu? Il savait que la situation le rongeait – rentrer tous les soirs dans une maison vide qui sentait encore le désodorisant que son père portait. Il avait décidé de vendre avant de se mettre à chercher quelque chose d’autre…peut-être, un bel appartement à proximité du centre-ville ou quelque chose de plus luxueux en banlieues, Styvechale ou Cheylesmore. En attendant, il passait le moins de temps possible dans la maison. Prenait son petit-déjeuner, puis sortait pour la journée pour ne rentrer que le soir, se préparer quelque chose pour le dîner dans les cocottes et les casseroles que son père avait utilisé pendant trente ans. Se mettait ensuite au lit, dans la chambre où il avait dormi jusqu’au jour où il avait quitté la maison pour le lycée. Les souvenirs… le calme… faisaient partie des excuses qu’il s’était données pour vendre: c’était un endroit provisoire pour retrouver un nouvel équilibre. Après tous le raffut qu’il avait vécu dans le sud.

      – Qu’en pensez-vous? dit Frost

      Paul n’avait presque rien entendu, mais il s’en foutait. Les détails ne l’intéressaient pas autant que Frost. Soit le style de la maison et son prix plaisaient aux acheteurs, soit non. Il y vivra aussi longtemps qu’il le faudra. Il était hors question qu’il reparte à Londres et reprenne son travail. Une fois que vous quittez la police, les ponts sont coupés. On tourne le dos et on cherche autre chose pour passer le temps.

      – Faites ce que vous avez à faire. Vendez-la mais n’abandonnez pas, dit-il.

      – Je n’abandonnerai pas.

      – Je sais que vous ne le feriez pas, Jeremy. Je compte sur vous pour ventre la maison. Vous devez savoir que financièrement, je n’en ai pas besoin. Vous me comprenez? Je veux donc que vous m’obteniez la meilleure offre sans faire fuir les gens. Si je n’ai aucun aboutissement dans les trois prochaines semaines, je me mettrai à la recherche d’un nouvel agent. Si je ne veux pas le faire, c’est uniquement pour éviter les prises de tête. Je ne veux pas avoir à subir à nouveau ces conversations bizarres. Vendez la maison pour un bon prix et vous aurez votre part. C’est très simple. Ne restez pas assis là à compter les mouches. Je sortirai de la maison, si vous venez pour une visite et je n’interviendrai pas. Mais il faudra que vous soyez au sommet de votre forme, vous et moi savons cela.

      Il remarqua que Frost était devenu pâle, sa fierté écrasée.

      – Rassurez-vous, je ne suis pas un mauvais gars. Je suis tout juste impatient de temps en temps. Aidez-moi et tout ira bien. D’accord? dit Paul.

      Il était debout à dévisager de haut le visage pétrifié de Frost. Il pensa que l’embarra et la peur qu’il percevait sur son visage reflétaient sûrement les siennes, bien qu’il ne l’ait jamais admis, ni à lui-même ni à personne d’autre.

      – Vous avez mes numéros. N’hésitez pas à les utiliser, dit-il.

      Il


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