Storey. Keith Dixon

Storey - Keith Dixon


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fait deux jours qu’on ne vous a pas vu, dit-elle.

      – Je vous manque?

      – Une personne que je ne connais pas ne peut pas me manquer.

      – Je vous dois mes excuses.

      Elle mit du sucre dans son café et fit une pause.

      – Je ne vous traquais pas, dit-il. Je ne veux pas que vous pensiez cela. Il se trouvait que je me trouvais ici, lorsque vous êtes entrée. Je vous ai trouvé intéressante. Vous voyez ce que je veux dire? Vous apercevez une personne et vous vous dites que vous seriez enchantée de la connaître, de découvrir sa façon de parler et ce qu’elle a à dire.

      Il se rassit et l’observa comme s’il venait de lui faire une faveur.

      – Ça vous dérange si je travaille? Bien que j’aurai bien aimé bavarder, dit-elle calmement.

      Elle aimait son sourire. Il lui fit un signe de tête d’admiration, comme pour lui dire que le défi auquel ils concourraient venait de passer à un plus haut niveau. Il savait qu’il devait redoubler d’efforts. Ne joues pas à ce jeu, ne sois pas intrigué.

      En ouvrant son ordinateur portable, elle le tourna de sorte à ce qu’il ne voit pas l’écran. A l’exception du titre, le document était vierge – Etapes suivantes – elle fixa un moment la page blanche, tapota sur le clavier pour saisir son nom et rôle, uniquement pour avoir quelque chose à faire. Araminta Smith, journaliste. Elle avait entendu ce nom dans une pièce de théâtre qu’ils avaient joué à l’école et qu’elle avait toujours aimé. Araminta avait une assonance chic.

      Storey ignora sa contestation, reprit son livre et continua à lire.

      – C’est bien, Steinbeck? demanda-t-elle contrariée malgré elle.

      Il baissa son livre.

      – Il a gagné le Prix Nobel pour son plus mauvais roman. C’est pour vous dire à quel point il était bon. Avez-vous vu Les raisins de la colère, le film?

      – Peut-être.

      – Coriace pour un film de Hollywood, mais paisible comparé au livre.

      Elle fit un signe de la tête et se replongea dans son écran. Elle ne savait rien en littérature et paniquait à chaque fois qu’on lui parlait de livres. Elle avait peur qu’on lui pose des questions et qu’elle ne sache quoi répondre. Le maximum qu’elle arrivait à lire était un article de journal avant de s’endormir. Un jour, elle essayera de corriger ce défaut. Des cours en ligne feront sûrement l’affaire.

      – Alors vous travaillez sur un article, c’est ça? Ou est-ce un sujet sans intérêt – des naissances, des décès, des mariages? dit-il pour saisir l’occasion qu’elle ait repris la conversation.

      – Vous ne comprendrez pas, dit-elle.

      … puis se demanda pourquoi avait-elle répondu ainsi. Sa rancune l’étonnait parfois. Il semblait être assez intelligent, pourquoi essayait-elle donc de le contrarier?

      – Je ne peux pas vous en dire beaucoup, car c’est en stade de développement. Je fais seulement des recherches, je parle aux gens, dit-elle en rabattant son écran.

      – Donnez-moi un indice pour ne pas me vexer.

      – C’est sur la corruption dans le gouvernement local. Je ne peux pas vous en dire plus, lui répondit-elle après une hésitation.

      – Y en en-t-il beaucoup à Coventry?

      – Je ne le sais pas encore. C’est pour cela que je fais des recherches.

      – Vous connaissez des personnes à qui en parler, des personnes qui peuvent cracher le morceau? C’est ça que vous faites?

      Elle pensa que sa curiosité était réelle, mais il valait mieux ne pas le laisser aller trop loin. Elle ne savait rien de lui, ni de ce qu’il voulait. C’était bien qu’il l’ait trouvée intéressante pour parler, mais elle avait trop de choses à faire et beaucoup trop d’histoires avec lesquelles elle jonglait.

      – Comme je vous l’ai dit, dit-elle, je ne peux pas en parler. Je ne vous le dirais pas, même si je le savais. Je ne vous connais pas.

      – Que vouliez-vous dire quand vous m’aviez dit vouloir vivre au jour le jour? continua-t-elle après une pause.

      – Ne prenez pas ça au sérieux. Je suis comédien. Je dis beaucoup de choses que je ne pense pas, dit-il en haussant les épaules.

      – Je ne vous crois pas. Je pense que vous êtes, au contraire, très sérieux,

      dit-elle énervée qu’il ne l’ait pas prise au sérieux et ajouta: Ok, vous commencez à m’énerver. Pouvez-vous me laisser tranquille maintenant?

      – J’étais ici le premier, dit-il en refusant de céder.

      – J’ai besoin de la table pour travailler. D’ailleurs, vous avez presque fini votre café.

      Son expression devint monotone, il repoussa sa chaise et se leva. Elle l’avait finalement convaincu.

      – Je serai dans les parages, dit-il.

      – Ne traînez pas pour moi.

      – Traîner?

      – Attendre. Vous attarder. Rester là où on ne veut pas de vous.

      – Ah, oui, vous êtes rédactrice. J’ai compris.

      Il prit sa tasse de café, jeta un coup d’œil dans la salle et se dirigea vers un tabouret vide dans un coin près des toilettes. Elle remarqua à nouveau ses larges épaules et ses hanches fines, bonne forme physique. Peut-être qu’elle le draguerait un autre jour, lorsqu’elle sera moins occupée.

      Ou peut-être bien que non.

      Paul se demandait ce qu’il faisait avec cette femme. Elle lui avait posé une question simple il y a quelques jours et il avait laissé échapper ses pensées: que devait-il faire maintenant, reprendre tout depuis le départ? Il n’était pas d’humeur à sortir avec qui que ce soit, mais elle lui a donné le béguin et il avait du mal à se retenir. Assise là, à tapoter sur le clavier et à regarder par la fenêtre, refusant de regarder dans sa direction, les chevilles croisées au niveau des chevilles sous la table.

      Il remarqua d’autres hommes qui la regardaient, également – surtout des étudiants qui avaient infesté l’endroit, assis enveloppés dans des doudounes, regardant fixement leurs téléphones ou parlant à d’autres habillés exactement pareil à l’exception d’écharpes de couleur différentes. Elle était différente. Elle se créait une sorte d’aura autour d’elle, une autosuffisance qu’une partie de lui-même voulait ébranler.

      Elle était intéressante… et fausse.

      Il n’arrivait pas à expliquer comment il le savait, mais il avait compris qu’elle prétendait être une personne qu’elle n’était pas. Elle vous regarde de côté, comme si elle ne voulait pas prendre le risque de vous regarder en face, comme si elle avait peur que son regard ne la trahisse. Lorsqu’elle parlait, elle vous attaquait en vous tenant à distance, empêchant tout espoir d’amitié.

      Cependant, il l’a regardait fixement. Peut-être qu’elle avait vraiment peur de lui, de ce qu’il pouvait faire.

      Réfléchis un peu, se dit-il. Qu’est-ce que tu peux faire pour effrayer les gens, à part leur faire sauter la cervelle?

      Voilà maintenant qu’un homme se dirige vers elle. Il l’avait remarquée dès son entrée par la porte vitrée. Un homme pas très grand, mais l’air imposant. Il portait une grosse barbe presque entièrement rousse, bien que ses cheveux couvrant entièrement ses oreilles fussent noirs. Il portait une veste en cuir noire coupée sport avec des boutons sur le devant et un jean bleu délavé. Sa veste révélait sa musculature. Il se déplaçait à un rythme révélant qu’il faisait des exercices, pensa Paul. La manière dont il regardait autour de lui en se dirigeant vers la table de la jeune femme, attira l’attention


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