Storey. Keith Dixon

Storey - Keith Dixon


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dans le regard en essayant de le déséquilibrer.

      Paul jeta un coup d’œil aux autres hommes. L’un était grand, même assis, visage maigre et sombre et de grandes oreilles. Probablement Tarzan, à en juger par son physique musclé, pensa Paul. Il portait un tee-shirt taché sous une veste en velours marron ressemblant à un machiniste d’un groupe des années soixante-dix. L’homme au milieu était blond et pâle, le visage carré et de grosses lèvres roses, la poitrine trapue, pas aussi grand que Tarzan, mais pas très petit non plus. Le blond de ses cheveux et sa pâleur suggéraient qu’il était néerlandais de nom et de souche, d’où le nom Dutch.

      Le troisième homme devait être donc Gary. Le plus petit de tous, une lueur intense et nerveuse dans le regard, comme s’il n’avait jamais rien vu de bon dans sa vie. Il avait un sous-verre aux mains qu’il pliait, enroulait et en arrachait lentement des bandes fines, le faisant automatiquement sans regarder, une habitude. Son pull-over vert à col rond était éclaboussé de peinture blanche.

      Tous en-dessous la trentaine, ils avaient le physique d’hommes terreux qui sortaient rarement ou qui ne marchaient pas plus d’un demi-kilomètre par semaine.

      Paul soupira. Des petits scélérats dont il voulait se débarrasser. Comment s’était-il retrouvé ici, à fixer des pairs de yeux de macabres de personnes ignares, qui ne réfléchissaient pas beaucoup et étaient incapables de contrôler leurs impulsions?

      Et qu’est-ce qu’Araminta faisait bon sens avec eux?

      Cliff le guettait jeter un coup d’œil à ses hommes. Il releva le menton pour attirer l’attention de Paul.

      – Alors tu les as triés? demanda-t-il. Allons, prends une chaise et bavardons un peu. J’ai l’impression que tu as beaucoup de choses à dire à des gens comme nous. Minty m’a dit que tu travailles dans les assurances. Ça me plait. On a tous besoin d’un boulot. J’ai besoin d’un boulot. Ces trois génies en ont besoin. Tu es le seul ici qui en a un, tu peux alors nous raconter comment c’est.

      Paul tira une chaise d’une autre table et s’assit en gardant sa distance des autres, ne voulant pas faire partie de leur groupe.

      – Je me souviens de toi maintenant, le nom, dit-il à Cliff. Cliff Elliot. J’ai été trompée par ta barbe. Nous sommes allés au même collège – Caludon Castle. Tu y as été pendant quelques années, mais tu t’es concocté une réputation assez rapidement. Je t’ai vu te battre avec quelqu’un dans la cour, une fois. La seule fois où j’ai vu quelqu’un donner un vrai coup de poing dans une bagarre de collège qui ne soit pas du catch.

      Cliff se renversa sur sa chaise, le sourire aux lèvres en jetant un coup d’œil à ses potes comme s’il voulait leur dire, Je vous ai dit que j’étais un dur.

      – Storey. Ouais, j’avais bien dit que je te connaissais. Tu étais dans l’équipe de rugby, ailier ou quelque chose comme ça, tout le temps en entraînement. Même si vous n’avez jamais gagné. C’était un dépotoir. Ils l’ont démoli, il y a dix ans, tu sais? Ils ont construit un nouveau, l’une de ces Académies.

      – Alors, comment ça s’est passé dans ta vie après cela?

      – Merde, tu ne t’intéresse pas à moi. Tu essayes juste de comprendre comment les choses fonctionnent ici.

      – C’est toujours bon de reprendre avec les vieux amis.

      Cliff sourit et regarda ses hommes, relevant brusquement le pouce vers Paul.

      – Tu vois? C’est ce que je voulais dire. Sympa, non? J’avais raison, c’est ça?

      – Raison à propos de quoi? demanda Paul.

      Cliff se pencha en avant par-dessus la table.

      – J’ai dit à ces sans-cervelles que tu étais quelqu’un sur qui on pouvait compter. Je l’ai remarqué plus tôt dans le café. Tu ne t’es pas dégonflé. T’aurais essayé de me foutre dehors si je n’étais pas parti. Agent d’assurances, tu ne l’es pas plus que moi – et je t’assure que j’en suis pas un.

      – Vraiment?

      – Qu’est-ce t’es devenu après le collège? Je ne t’ai pas vu en ville, qu’est-ce t’as fait alors? demanda Cliff en ignorant son commentaire.

      Paul hésita en portant attention à l’endroit où il se trouvait: les buveurs, la musique émanant des haut-parleurs d’une autre pièce. Il réalisa qu’il devait parler fort pour se faire entendre. Il se demanda à nouveau qu’est-ce qu’il faisait ici – était-il si désespéré d’avoir un contact avec les gens pour parler à Cliff et à ses morts-vivants à deux balles?

      Il remarqua qu’Araminta avait fini avec son téléphone et le regardait par-dessus un verre de vin rouge. Quel était son rôle dans tout ça? Quand elle lui avait demandé plus tôt de la rejoindre pour prendre un verre, avait-elle prévu d’inviter également Cliff? Ou était-ce uniquement une coïncidence qu’il se trouvait là?

      Il se sentait soudainement fatigué et bête, il n’était pas en forme pour affronter Cliff et son manège. Peut-être qu’il était valait mieux être franc et laisser tout tomber.

      Tout bien réfléchi, peut-être pas.

      – Je suis parti à l’étranger, me balader. J’ai découvert le monde. Je suis revenu à Londres pour chercher du boulot. J’en ai trouvé un dans les assurances, dit-il.

      – Alors pourquoi es-tu revenu ici?

      – Raisons personnelles.

      – Ta femme t’a plaqué? demanda Cliff avec un sourire.

      – Pas marié.

      – Alors… des trucs familiaux. Maman ou papa ont crevé.

      Paul resta silencieux.

      – Je l’ai eu dans le mil, c’est ça? Tu es revenu pour mettre quelqu’un en terre, dit Cliff.

      Paul s’éclaircit la voix.

      – Pour parler du bon vieux temps, tu n’as pas répondu à ma question. Raconte-moi donc un peu ta brillante carrière?

      Cliff écarta ses bras et haussa les épaules.

      – Quelques problèmes avec l’autorité. Impossible de garder un boulot. Donc je fais un peu de tout, par ci, par là. Moi et les gars, ici. J’aime bien les appeler les experts.

      – Vas te faire foutre, Cliff, dit Gary.

      Paul réalisa que c’étaient les premiers mots que l’un d’eux avaient prononcés.

      – Et au cas où tu te poses des questions, continua Cliff, je ne suis pas un agneau blanc. Est-ce que ça t’étonne? Non, j’ai eu l’honneur d’avoir été emprisonné chez Sa Majesté pendant un temps. Je dis cela avec un esprit ouvert et honnête. Je ne voudrais pas que tu penses que je te parle sous un prétexte.

      – Mais ton expérience ne t’a pas remis sur le droit chemin.

      Cliff sourit à nouveau.

      – Je ne connaîtrai jamais le droit chemin, même si je tombais dedans et que je me cassais le nez.

      – On fait tous tout ce qu’on peut pour joindre les deux bouts.

      – C’est exactement ce que je veux dire, dit Cliff en lançant un regard d’appréciation vers Paul. Donc, tu es revenu pour un enterrement. Laisse-moi deviner: tes deux parents sont partis, car si ce n’était que l’un des deux, tu serais à la maison à remonter le moral de celui qui reste. Tu ne serais pas dehors à te balader avec des gens comme nous. Tu es probablement en train de régler les problèmes de testament, de vendre la maison et de te débarrasser de vêtements et toutes les conneries… j’ai dû faire tout ça, il y a des années. Ma mère et mon père se sont tués trop tôt à force de trop fumer. Ils n’y allaient pas à la légère. Cinquante par jour, chacun. J’avais presque envie de leur donner une pelle et de leur demander de commencer à creuser leurs tombes.

      Paul


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