Storey. Keith Dixon

Storey - Keith Dixon


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C’était comme si elle s’ouvrait des horizons – fais comme si tu étais intéressé par quelqu’un, et tu pourras alors t’autoriser à lui demander une faveur.

      – Vous autres êtes très exigeants, dit-il, à vouloir tout le temps me faire faire des trucs pour vous. Qu’est-ce que je suis, le nouveau larbin dans les quartiers des domestiques?

      – Ok, très bien, c’était toi qui me tournais autour, je croyais que la proposition te plairait. A la prochaine, alors!

      – Qu’est-ce que tu veux? dit-il avec un ton de lassitude, bien qu’il était vraiment intrigué et voulait la revoir.

      – Ne sois pas aussi coincé. Tu as une voiture, n’est-ce pas?

      – Pourquoi?

      – J’aimerais que tu m’emmènes quelque part ce soir.

      – Tu vas interviewer quelqu’un à propos de toute cette corruption?

      – Tu peux le faire ou non? Une réponse simple, oui ou non.

      Il n’arrivait pas à dire si elle était fâchée ou non – ce ton semblait être son défaut – il préféra rester sans réaction.

      – Cliff ou un de sa smala ne peuvent pas t’y emmener? demanda-t-il pour gagner un peu de temps.

      – Si je voulais que l’un d’eux m’y emmène, je n’t’l’aurais pas demandé?

      – Difficile à dire. Tu es si diplomatique.

      Il la devança en lui demandant où ils allaient. Elle lui répondit, à Coundon, au bout de Holyhead Road. Paul s’y était rendu une fois pour le baptême de son cousin Derek lorsqu’il était garçon, mais il ne connaissait pas vraiment le quartier. Il savait qu’il y avait une zone commerciale, où la vieille usine Alvis se trouvait. Son père lui avait dit qu’il y avait acheté un réfrigérateur chez Comet avant que le magasin ne fasse faillite. Il se souvenait vaguement qu’Alvis produisait des chars pour l’armée avant d’être vendu.

      – Passe me prendre où nous nous sommes rencontrés l’autre soir. A sept heures, dit-elle.

      – Dois-je amener quelque chose avec moi?

      – Non.

      – Alors qu’est-ce qu’on va faire?

      – Je pensais que tu aimerais rencontrer mon mec.

      CHAPITRE SEPT

      Avant d’arriver à sa hauteur, il l’aperçut debout sur le bas-côté de la route. Il se gara. Il remarqua qu’elle portait une nouvelle tenue – des jambières à motifs brillants que beaucoup de femmes portaient, un grand pashmina crème retombant à la diagonale tel un poncho à partir de son cou et un sac à main blanc simple accroché à une épaule.

      En grimpant côté passager, elle avait l’air d’être plus jeune, plus fraîche, comme si elle allait à son premier rendez-vous ne sachant pas ce qui l’attendait. Paul se sentit nerveux et se dit qu’il devait se ressaisir.

      Elle jeta un coup d’œil à la voiture lorsqu’ils bifurquèrent du trottoir: une Volvo 60 vieille de dix ans, turbo diesel. Il avait l’impression qu’elle évaluait la voiture et son goût. Il sentit l’odeur de son parfum, le même que la dernière fois: une odeur de fruits avec un grain de boisé qui y ajoutait du caractère.

      Elle fouillait maintenant dans la boite à gants, déplaçant ses paquets de chewing-gum, une mini-torche et quelques morceaux de plastique cassés de la pince de son GPS.

      – Tu cherches quelque chose de particulier? demanda-t-il.

      – J’ai pensé que je trouverais peut-être quelque chose sur toi. Un passeport, un permis de conduire ou quelque chose comme ça.

      – Il n’y a rien à savoir.

      – Un homme mystérieux, dit-elle sonnant plutôt comme à un ‘ouais’, l’accent écossais se révélant plus avec le temps. Tu atterris un jour à Starbucks et on apprend ensuite que tu connais tous nos petits secrets, alors qu’on ne sait que dalle sur toi.

      – Qui est Cliff pour toi?

      – Pas ce qu’il aimerait être.

      – Et quoi donc?

      – Utilise donc ton imagination, en lui lançant un regard vide.

      – Tu es donc une journaliste de luxe et qu’est-ce qu’il est… un pauvre type de la ville? Pourquoi tu traînes avec lui?

      – Bonne réputation. Places de concert. Drogues dures. Beaucoup de trucs malsains.

      Il savait qu’elle disait cela pour le taquiner et même pas gentiment: elle s’en foutait vraiment de ce qu’il pensait.

      – Quand j’étais à l’école, dit-il, c’était l’une des personnes à éviter. Il y en avait deux – lui et un autre garçon, un peu plus âgé, Wigton. Toujours en train de se bagarrer, tous les deux. Si je m’en souviens bien, Cliff s’était empiré en vieillissant, Wigton s’était ressaisi et avait remonté la pente.

      – Y a-t-il une morale dans cette histoire?

      – Je pense juste qu’elle est intéressante. Je me souviens d’y avoir réfléchi quand j’étais gosse. On voyait bien le chemin qu’ils prenaient dès leur treize, quatorze ans?

      – Qu’est-il arrivé à Wigton?

      – Un jour, il fut renversé par une voiture dans la rue avant son dernier jour d’école. Il jouait au foot. Il courait après le ballon lorsqu’une voiture surgit au coin de la rue et le propulsa contre un lampadaire. Le crâne fracassé.

      – Donc tu ne sais pas ce qui lui serait arrivé plus tard. Il aurait pu reprendre ses habitudes.

      – Peut-être, dit Paul en haussant les épaules. Mais il changeait en une personne différente. Et puis, tout était fini pour lui.

      Elle lui donna les directions: il passa devant Gosford Green où il avait joué au tennis lorsqu’il était enfant, bien que les courts de tennis aient disparus depuis longtemps, devenues maintenant une aire de jeux. Puis il fit tout le tour du périphérique extérieur, pour finalement sortir en direction de Holyhead Road.

      Elle lui dit de prendre à gauche au garage Texaco. Les maisons étaient soudainement plus grandes, éloignées de la route, avec un parking à l’avant et des arches en pierres au-dessus des portes d’entrée.

      – Celle-ci, dit-elle en pointant du doigt.

      Il ralentit et s’arrêta. Elle ouvrit la porte et se retourna pour le regarder.

      – Tu viens?

      – Qu’est-ce que je suis censé lui dire? Qui je suis, le chauffeur?

      – T’en fais pas, il n’est pas du genre jaloux. Je pense que tu vas bien l’aimer.

      Paul dévisagea David lorsqu’il leur ouvrit la porte et recula pour les laisser entrer. Il était de la même taille que Paul, pâle, la poitrine creuse, une barbe et des cheveux à poils durs couleur paille sale. Paul devina qu’il travaillait à domicile, peut-être un journaliste, comme Araminta prétendait l’être.

      Elle fit des introductions rapides en faisant un signe de la main vers Paul, comme si David n’avait pas remarqué son entrée.

      – Ne fais pas attention à lui, dit-elle à David, c’est quelqu’un que je connais, qui m’a accompagné.

      David croisa le regard de Paul mais sans dévoilé, ou peut-être bien une vague curiosité. Il était probablement en rogne ou énervé contre sa petite amie de débarquer ainsi accompagnée d’un autre homme, pensa Paul.

      Paul remarqua que la maison était grande mais l’air inhabitée – il aperçut à travers une porte ouverte une pièce sans moquette aux murs unis et rien d’autre, pas de meubles, ni de tableaux sur les murs. On sentait une odeur de pin de produit de nettoyage, comme si David était en train


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