Storey. Keith Dixon
ces putains de jardins.
Araminta s’était assise sur un canapé en cuir noir et Paul s’installa en face d’elle. David leur demanda s’ils voulaient un café ou un thé ou quelque chose de plus fort, que tous deux refusèrent.
Il pensait que David avait l’air d’être un type soumis et fut surpris de l’entendre dire à Araminta de manière directe:
– Qu’est-ce que tu fais ici? Qu’est-ce qui se passe? Tu as dit que c’était important.
Elle croisa les mains sur ses genoux pour gagner un peu de temps, puis releva la tête pour le regarder.
– Paul est un collègue, d’accord? Je lui ai demandé de m’accompagner. Et c’est vrai, je devais absolument te voir ce soir.
Elle se tourna et regarda Paul.
– Peux-tu nous laisser une minute? Que penses-tu d’aller faire un tour dans la cuisine, par exemple.
Elle ne lui donnait pas le choix, à moins qu’il veuille se lancer dans une discussion inutile.
Il les laissa et ferma la porte derrière lui, fit le tour du rez-de-chaussée en ouvrant quelques portes avant de tomber sur un bureau – des étagères, une table avec un ordinateur portable, une lampe d’architecte et une chaise rembourrée sur roulettes. Il s’assit sur la chaise et regarda par la fenêtre qui donnait sur l’avant de la maison. Il faisait noir à l’extérieur, il n’arrivait à apercevoir que les rares voitures qui passaient dans la rue principale.
Il réfléchit et se retourna pour regarder les photos sur le mur. Les photos de David enfant, puis une avec la famille – lui, une fille qui pourrait bien être sa petite sœur, les parents et un chien noir, tous debout devant une maison couverte de lierre avec des colonnes de chaque côté de la porte d’entrée. On aurait dit que c’était à Oxford ou dans une maison des comtés à l’extérieur de Londres. Bourgeois et riches.
Plus loin, quelques diplômes encadrés, un niveau 8 au piano, un autre pour avoir gagné un rallye automobile en Afrique; peut-être qu’il était plus dur qu’il n’avait l’air.
Dix minutes plus tard, il entendit la porte du salon se rouvrir. Il se dirigea vers le couloir, Araminta et David sortirent de la pièce, différents, comme s’ils venaient de subir une métamorphose pendant son absence. Araminta souriait, détendue, son langage corporel ayant perdu son irritation habituelle. Quant à David, il était tout pâle, les joues creuses, comme s’il venait de vieillir de dix ans.
Paul se dit qu’il devait faire plus attention à l’avenir – cette femme pourrait avoir un effet traumatisant sur votre santé.
– Prêt? dit Araminta en se tournant vers lui comme s’ils allaient en promenade un dimanche après-midi et se dirigea vers la porte d’entrée. Paul suivait David du regard et remarqua que son expression de chien perdu s’empirait.
– Nous sommes donc toujours d’accord pour demain soir? Les photos? demanda David.
– Ne t’attends pas à me revoir de sitôt, dit-elle en lui faisant un signe d’au-revoir de la main, mais ça ne veut pas dire que tu oublies ce que je t’ai dit. Tu vas bien?
– Je crois que oui.
– Courage! Ce ne sera pas grave.
– Je pense à toi.
Elle lança un regard furtif à Paul qui le remarqua, mais n’en avait pas saisi la signification. Elle dit à David:
– Ne pense pas à moi. Pense plutôt à ce que je t’ai dit, lui dit-elle.
Elle ouvrit la porte et sortit sans se retourner, s’éloignant de la maison en prenant le chemin menant à la grille d’entrée. Paul fit signe de tête à David et la suivit en fermant la porte derrière lui. Il était sûr que quelque chose venait de se passer, mais il ne savait pas quoi.
Araminta se tenait maintenant debout de l’autre côté du portail, déjà au téléphone. C’était un appel court.
– Tu n’as pas à me raccompagner chez moi. J’ai appelé un taxi, dit-elle en se tournant vers lui après avoir raccroché.
– Pourquoi?
– Tu ne vas pas te mettre à me poser la question? J’ai besoin d’être seule, d’accord?
Paul pensa qu’elle ne voulait peut-être pas qu’il sache où elle habite.
Il resta debout avec elle, sentant la nuit se rafraîchir.
– Tu n’es pas obligée de me dire ce qui s’est passé à l’intérieur! dit-il.
– Très bien.
– Mais je dois savoir une chose – est-il vraiment ton mec? La manière dont tu le traites, comme un enfant?
– Ça ne le dérange pas en tout cas.
– Qu’en sais-tu?
– Tu l’as vu: il paraît un peu froussard, mais il va droit au but. S’il avait un problème, il me le dirait ou il me larguerait.
– Tu n’as pas l’air d’être trop inquiète.
– Pourquoi veux-tu que je le sois? Un de perdu, 10 de retrouvés, etc., dit-elle le ton éreintée n’appréciant peut-être pas ses questions.
– Je me demande seulement ce qu’il ressent en ce moment, dit Paul.
– Ça m’est égal.
Elle essayait de mettre fin à la conversation, pensa Paul, n’appréciant pas le fait qu’il pose des questions sur l’autre homme.
Enervé alors contre elle et voulant gagner sa confiance, il dit:
– Alors pourquoi tu voulais que je vienne?
– Je pensais que tu devais le rencontrer.
– Pour me convaincre que tu avais un mec, pour ne pas avoir trop d’espoir.
Elle se retourna vers lui, le regard direct pour une fois et même amusé:
– Tu as de l’espoir? Tu es stupide!
Il ne savait pas quoi lui répondre, il hocha alors la tête et fit quelques pas faisant semblant de chercher son taxi, puis se retourna et vit qu’elle vérifiait les messages sur son téléphone. Elle ne se passera jamais de la technologie. Il se demandait si David les observait de sa fenêtre, et dès qu’il y pensa il sut que oui. Il s’efforça de ne pas vérifier.
– Qu’est-ce qu’il fait, ce David? demanda-t-il.
– Je me demande quand tu te lasseras, dit-elle en relevant les yeux de son téléphone. Tu es obsédé par ce que tout le monde fait, ce qu’ils font pour gagner leur vie. Tu ne prends jamais les choses comme elles sont, c’est ça?
Paul réfléchit un instant à ce sujet. En effet, il ne pouvait pas le nier. Mais il se dit qu’il était naturellement curieux, ce n’était pas du tout de l’indiscrétion.
– Tu as peut-être raison, dit-il, mais tu n’as pas répondu à ma question.
– Il travaille pour la municipalité sur laquelle j’enquête pour corruption, dit-elle. Relation européenne, décrocher du fric pour la ville de tout ce butin qui se trouve à Bruxelles. Cette réponse te satisfait? Dieu merci, le taxi est là. Je me gèle les nichons.
Paul suivit du regard le taxi qui s’éloignait. Dès qu’il disparut au coin de la rue, il fit demi-tour et frappa à la porte de David se demandant ce qu’il foutait et que cela n’était pas son problème.
Dès que David ouvrit la porte, Paul s’avança d’un pas pour montrer clairement qu’il voulait rentrer. David recula d’un pas timide. Paul entra sans savoir ce qu’il allait dire, mais il trouvera bien quelque chose.
David le regarda en se redressant pour se donner un air imposant et sûr de lui-même.
– Je voulais m’excuser pour elle, dit Paul. Elle m’a demandé