Storey. Keith Dixon

Storey - Keith Dixon


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pas établir une relation de confiance, mais qui agitait continuellement devant lui la promesse du plaisir. Il s’imaginait bien Araminta dans ce rôle, le mener par le nez de la même façon qu’elle l’avait fait avec lui, au début. Etant consciente de son pouvoir et de sa fermeté, elle s’attendait qu’on lui obéisse. Il avait connu des femmes comme elle et avait failli encore une fois tomber dans le piège, avant de remarquer son attitude – le sourire facile, accepter les insultes – et avait fini par s’en détacher.

      Peut-être que Cliff lui avait arrangé un rendez-vous avec David et cela faisait partie d’un plus grand plan, un plan qui les impliquerait tous. Peut-être que c’était ça l’affaire – arnaquer un célibataire solitaire pour s’accaparer de ses économies. Au pub, Cliff avait demandé comment David allait. Il le connaissait donc, ou du moins se sentait à l’aise de poser la question. Paul s’imaginait bien Cliff faire marcher David de la même façon qu’il avait essayé de le faire avec lui: disant connaitre une personne que David aimerait, une femme séduisante, une professionnelle, intelligente avec qui il s’entendrait… Mais cela était impossible puisqu’elle avait dit que David travaillait pour la municipalité et qu’elle écrivait sur la municipalité, sur la corruption – oui, ce serait donc son billet d’entrée: un coup de téléphone à son bureau – j’ai entendu que vous étiez droit, David, et que je peux vous faire confiance. Parlez-moi donc des manigances derrière les portes closes de la municipalité…

      Il pensait encore à Araminta lorsque son téléphone sonna. Il n’était pas du tout surpris d’entendre sa voix au bout de la ligne.

      – Qu’est-ce que tu as dit à David, hier?

      – Tu as une excellente façon de commencer les conversations, dit-il.

      – Ne t’fous pas de ma gueule, Paul. Qu’est-ce tu lui as dit? Tu es retourné et tu lui as parlé, n’est-ce pas? dit-elle très énervée après lui.

      – Tu ne peux pas me reprocher de parler au gars, après la façon dont tu m’as bousculé dehors. Que crois-tu que je suis, un trophée pour le rendre jaloux? Je sais pourquoi tu m’as choisi, mais tu ne m’as donné la chance de briller.

      – De quoi tu parles? dit-elle en insistant sur les mots, impatiente de pousser sa gueulante. Il m’a appelé ce matin, il a dit… il a dit qu’il n’allait pas faire ce que je lui avais demandé.

      – Te prêter de l’argent?

      – Ce n’est pas ton putain de problème. Tu lui as monté la tête, c’est ça? Qu’est-ce tu as raconté?

      – Rien. Seulement un petit conseil amical. Après que tu lui as raconté ton histoire de cancer, je pensais qu’il en avait besoin.

      Elle s’était tue et il savait qu’elle se préparait, elle réfléchissait à la façon dont elle pourrait continuer la conversation en repensant à ce qu’elle savait de lui et à ce qui pourrait marcher.

      – Je t’ai emmené là-bas parce que je pensais que tu étais un ami, dit-elle d’une voix plus méfiante. Bien, on est dans la bonne direction, pensa-t-il. Je savais que ce que j’avais à dire le choquerait sûrement, et que j’aurais peut-être eu besoin d’un peu … d’un peu de soutien.

      – Je vois où tu veux en venir… tu lui annonces une chose si dévastatrice qu’il pourrait avoir besoin d’une personne sur qui s’appuyer, tu m’as donc amené avec toi, moi, un inconnu. Qu’est-ce qui peut clocher dans ça?

      – Tu ne le connais pas. Il a besoin de soutien, une personne à qui il peut faire confiance. Tu es digne de confiance.

      – C’est la chose la plus gentille que tu m’aies jamais dite.

      – Vas te faire foutre.

      – Et le cancer, c’est vrai?

      Silence à nouveau. Paul se l’imaginait, le téléphone contre la joue à analyser la réponse qu’elle pourrait donner.

      Mais elle réussit à le surprendre à nouveau, en disant:

      – Retrouve-moi ce soir. A Litten Tree, au bout de Heltford Street, près du Bull Yard. On en parlera.

      – Je verrai si je peux te caser. Trop de travail ici.

      – Sois au rendez-vous. Huit heures.

      CHAPITRE NEUF

      Rick regardait Kirkland aligner le putt, la routine, en maintenant le putter tel un pendule comme si cela allait modifier en quoi que ce soit son coup foireux. Il regarde les genoux cagneux s’accroupir au-dessus de la balle, comme Jack Nicklaus, mais à chaque fois qu’il rabat le putter pour lancer le coup, il dépasse la ligne et pousse le putt. Rick a vu cela se produire maintes fois, mais il était si heureux de gagner qu’il ne voulait pas que Kirkland sache ce qui clochait.

      Il passait ses vendredi après-midi sur le parcours de golf, en avoir pour ses treize milles balles d’adhésion en doses hebdomadaires. Il lui a fallu trois ans pour réussir à avoir des parrains. Maintenant qu’il avait réussi, il allait bien profiter de son adhésion à chaque fois qu’il le pouvait, il ne laissera pas l’herbe lui pousser sous les pieds. Vendredi était le jour idéal, mais il essayait de jouer dans des tournois les week-ends, s’il pouvait, pour réduire son handicap.

      Le parcours s’appelait Shooters Hill, à Greenwich, à quelques kilomètres de Canary Wharf, bien que ce soit assez difficile à croire. Les panoramas des pentes douces du nord de Kent, brillantes en ce moment de l’année sous un soleil doux de fin d’après-midi. Vu son travail, il pensait que ce serait à en mourir de rire de devenir membre de ce club particulier, mais ça lui ressemblait bien. Et s’il pouvait également l’emporter sur Kirkland, c’était un bonus.

      Le putt de Kirkland glissa à côté du trou. Et voilà, il n’apprendra jamais. Rick aspira grandement à travers ses dents.

      – De très près, mon pote. Putt difficile.

      Kirkland putta la balle à l’extérieur en étant sur la ligne de Rick, puis prit sa balle du trou, plia un genou et plaça son autre jambe derrière pour se mettre en équilibre, telle une cigogne. Il était nouveau au département et Rick l’avait pris sous son aile, mais il n’allait pas le dorloter non plus! Si vous êtes dans le département, c’est que vous avez déjà ce qu’il fallait et que vous pouvez vous défendre tout seul.

      Le tee suivant était en trois coups, Rick commença le premier… lorsque son téléphone sonna.

      Kirkland leva les bras, Tu plaisantes, Rick jetant un coup d’œil sur l’écran et leva son index: Je dois répondre à ce coup de fil.

      – D’accord, enfoiré, pourquoi tu ne m’as pas dit que tu partais? Et où diable es-tu? dit-il au téléphone.

      La voix de Storey calme comme d’habitude, cette façon de sembler être à des distances tout en étant assis sur la chaise d’à côté. C’était un don de délimitation. Ça le rendait bon dans son travail.

      Lorsqu’il en avait un!

      – Je ne voulais pas te parler, dit-Storey, tu sais très bien ce que tu aurais dit.

      – Tu as raison, même si je ne crois pas que j’aurais beaucoup parlé – je t’aurais plutôt assommé. Un boulot rapide puisque de toute façon tu n’as pas de bon sens.

      – C’est ma décision, Rick. Je ne pouvais pas continuer, et puis je ne pouvais pas rester en ville. De plus, mon père est mort. J’avais des choses à régler.

      Cela réfréna Rick, mais pas pour longtemps. Il croyait en la famille, mais il pensait que Storey a dû passer outre, faire une pause comme le recommandaient les psys, puis pouvoir revenir et se remettre en selle, comme on dit.

      – Storey, tu es un trou du cul, dit-il. Ce qui t’es arrivé aurait pu arriver à n’importe qui. Tu étais sous les ordres et d’ailleurs tu as été disculpé.

      – Je n’aurai pas dû me retrouver dans une situation qui avait besoin de disculpation.


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