Une Vie D'Hôtesse De L'Air. Marina Iuvara

Une Vie D'Hôtesse De L'Air - Marina Iuvara


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celà devenait difficile à faire ; j’essayais de bloquer ce tremblement incessant dans les doigts qui m’empêchait d’en individualiser le juste accès.

      Ruisselante de sueur je parvins à terminer cette étrange démonstration, comme une dance excécutée par le mouvement de mes mains.

      Je me senti comme l’actrice d’un film muet avec un nombreux plublic qui suivait le texte lent diffus par les hauts parleurs de l’avion, et moi qui délivrait par des gestes les indications données.

      Durant les annonces de bienvenue, celà fut très étrange et inhabituel d’entendre ma voix prodiguée dans tout l’avion, je parvins seulement après différents vols à l’ajuster au mieux en essayant d’éviter attentivement chaque inflexion dialectale, surtout cette très mauvaise voyelle “ o ” à prononcer, qui d’ ouverte devait assumer une phonétique étroite et fermée, et je devais la répèter fréquement:

      “ Bonjouur, bienvenue à boord ”

      “ Bienvenue à Roome. ”

      Je me rendi compte qu’en serrant les joues, en fermant la bouche et la mâchoire, en contraignant les lèvres et en les poussant vers l’extérieur, en évitant le passage de l’air dans les narines, je parvenais à raccourcir ce son.

      “ Bonjouur ”, “ Boord ”, “ Roome ” devinrent finalement:

      “ Bonjour ”, “ Bord ”, “ Rome ”.

      Après un trajet national Rome-Bologne et un suivant international Bologne-Paris, j’arrivai à la destination finale, même si ce maudit “ o ” était omniprésent.

      Je saluai tous les passagers, un bus garé à côté m’ accompagna à l’hôtel ainsi que mon équipage et comme celà arrivait habituellement, après avoir retiré la clé, nous prenions rendez-vous pour aller dîner tous ensemble.

      “ nous nous rencontrâmes à 20 heures, sans engagement. ”

      Ainsi me dirent mes collègues avant d’aller se changer en chambre.

      J’ai appris, à mes dépends, l’importance de la ponctualité.

      J’étais contente d’être en bonne compagnie et pouvoir être guidée par ceux qui connaissaient bien la zone.

      J’aurais dîné au fameux restaurant “ La Coupole ”, sur le Boulevard Montparnasse, renomé pour son entrecôte et son bon vin rouge.

      J’aurais savouré les huîtres à l’apéritif, et j’aurais fait plein de photos pour me souvenir de l’évènement, je les aurais montrées à Stefania, à maman, à papa, à mes cousines, j’aurais été leur princesse parisienne qui dîne dans un fameux restaurant français en compagnie de personnes qui voyagent, qui connaissent le monde et résident dans des hôtels luxueux, j’étais là, je faisais partie de ce rêve qui devenait réalité.

      Je pensais ne pas arriver parfaitement à l’heure au rendez-vous dans le hall de l’hôtel, car : une dame doit toujours se faire un peu “désirer ”, tout au moins c’est comme ça chez moi.

      J’ai appris qu’ ” une collègue ” ne peut pas le faire car sans engagement signifie: “ Ne sont permises au maximum que cinq minutes de retard ”

      Je dînai seule dans la brasserie de l’hôtel qui servait uniquement des sandwichs gratinés : je pris un croque monsieur au jambon et une divine soupe à l’oignon, vulgairement appelée bouillon d’oignons. Ici tout était différent, même le bouillon.

      A l’époque je n’étais pas habituée à manger seule et j’en avais presque honte ; je cachai mon embarras avec un livre d’Hemingway ouvert près de mon plat, et mon téléphone portable en main. Les tables étaient typiques, petites et très proches l’une de l’autre, j’avais près de moi une dame élégante aux cheveux reccueillis, vêtue d’un tailleur de Chanel.

      Le lendemain matin, après avoir visité la tour Eiffel, une visite rapide à l’arc de Trionfe et les étincelantes vitrines des Champs Elysées, je déjeûnai rapidement chez le renomé “ Relais de Venice ” à Port Mallot, rue Pereire, et je n’hésitai pas à passer chez l’estimé coiffeur “ Carita ”, expert pour refaire le look, il coupait les cheveux après avoir étudié les traits du visage et y adaptait la coupe.

      Il m’avait été conseillé par une extraordinaire collègue à la coupe éclatante “ qui s’y connaissait ” et que j’avais rencontrée de passage à l’ aéroport.

      Ne jamais suivre les yeux fermés les conseils des collègues, j’ai appris celà aussi.

      Avec une petite frange horrible au dessus de mes sourcis et mon compte en banque qui touchait à sa fin ( heureusement j’avais une carte de crédit et le champagne, tartines au saumon, étaient offerts par le coiffeur ), je rentrai à l’hôtel juste à temps pour enfiler mon uniforme, tenter de cacher cette frange avec du gel et essayer de refermer ma valise qui, je ne sais pour quelle obscure raison, semble ne jamais avoir la même capacité qu’à l’aller, aucun vol ne fait exception.

      Cette fois le manque d’espace était provoqué par ce chapeau style rétro avec une large bande circulaire plissée qui m’a fait rêver, malgré la certitude que je ne serais jamais parvenue à le porter. Je n’ai donc pas pu résister et je l’ai acheté après l’avoir vu au marché aux puces de Saint Queen.

      Une collègue de ce vol me dit qu’elle était allée durant l’arrêt, aux grands magasins Lafayette, dans une boutique rue du Bac où l’on peut trouver du divan de P. Starck à la pile de poche aussi peu encombrante qu’une carte de téléphone, de la shopping bag la plus extravagante à l’armoire faite avec des cordes et des boutons. Je pris note : j’y serais allée moi aussi la prochaine fois.

      Immédiatement après avoir atterri, les collègues préparèrent “ l’happy landing ” en mon honneur, un drink à base de mousseux et jus d’orange pour fêter tous ensemble ma “ première fois ”.

      Je rentrai chez moi débordante de joie, prête à montrer mon nouveau chapeau à Eva, la seule qui, plus que les autres, aurait apprécié l’achat et me l’aurait sûrement demandé en prêt. Au moins il aurait été utilisé.

      Valentina dormait sur le divan, exténuée par son vol de longue portée et pas encore habituée à ce soudain changement d’horaire et de température.

      A Buenos Aires c’est l’hiver quand ici en Italie c’est l’été, le décalage horaire est de quatre heures.

      Son corps percevait la nuit, puisqu’il avait été éveillé durant treize heures (environ la durée du vol) mais la lumière du soleil et ses rayons si puissants confirmaient l’heure du déjeûner, étrange, vu qu’elle venait de prendre son dîner à bord.

      Cette nuit elle ne serait pas parvenue à dormir, malheureusement, moi non plus, vu que nous partagions la même chambre.

      Le maquillage terne du visage de Ludovica et ses boucles, comme si elles voulaient se révolter aux élastiques désormais fatigués par la longue tenue, confirmaient qu’elle aussi avait besoin de repos, vu ses jambes gonflées comme deux ballons à cause de la préssurisation de l’avion.

      Ca n’est pas une nouveauté que son fiancé “ non volant ” comme tous les futurs petits maris des hôtesses de l’air, aurait aimé le matin suivant faire une belle promenade avec l’aimée qu’il ne voit pas très souvent : l’heure du déjeûner serait idéale pour déjeûner, l’après midi un tour en ville et, grande idée, “ un petit cinoch après le dîner ? ”

      Inutile également de tenter d’expliquer la nécessité d’un long repos, quelque soit l’horaire établi par Greenwich.

      C’est difficile de faire comprendre à un fiancé que nous ne sommes pas parties pour des vacances de plaisir et que ces fauteuils soft aux bras et dossier inclinables sont destinés aux passagers, pas aux hôtesses ; que nous n’avons pas le temps de nous complaire à regarder


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