Les petites filles modèles. Comtesse de Ségur

Les petites filles modèles - Comtesse de Ségur


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que tu voudras, ma chère Marguerite; amuse-toi avec nos joujoux.

      MARGUERITE.

      Oh! les belles poupées! En voilà une aussi grande que moi.... En voilà encore deux bien jolies!... Ah! cette grande qui est couchée dans un beau petit lit! elle est malade comme pauvre maman.... Oh! le beau petit chien! comme il a de beaux cheveux! on dirait qu'il est vivant. Et le joli petit âne.... Oh! les belles petites assiettes! des tasses, des cuillers, des fourchettes! et des couteaux aussi! Un petit huilier, des salières! Ah! la jolie petite diligence!... Et cette petite commode pleine de robes, de bonnets, de bas, de chemises aux poupées!... Comme c'est bien rangé!... Les jolis petits livres! Quelle quantité d'images! il y en a plein l'armoire!»

      Camille et Madeleine riaient de voir Marguerite courir d'un jouet à l'autre, ne sachant lequel prendre, ne pouvant tout tenir ni tout regarder à la fois, en poser un, puis le reprendre, puis le laisser encore, et, dans son indécision, rester au milieu de la chambre, se tournant à droite, à gauche, sautant, battant des mains de joie et d'admiration. Enfin elle prit la petite diligence attelée de quatre chevaux, et elle demanda à Camille et à Madeleine de sortir avec elle pour mener la voiture dans le jardin.

      Elles se mirent toutes trois à courir dans les allées et sur l'herbe; après quelques tours, la diligence versa. Tous les voyageurs qui étaient dedans se trouvèrent culbutés les uns sur les autres; une glace de la portière était cassée.

      «Ah! mon Dieu, mon Dieu! s'écria Marguerite en pleurant, j'ai cassé votre voiture, Camille. J'en suis bien fâchée; bien sûr, je ne le ferai plus.

      CAMILLE.

      Ne pleure pas, ma petite Marguerite, ce ne sera rien. Nous allons ouvrir la portière, rasseoir les voyageurs à leurs places, et je demanderai à maman de faire mettre une autre glace.

      MARGUERITE.

      Mais si les voyageurs ont mal à la tête, comme maman?

      MADELEINE.

      Non, non, ils ont la tête trop dure. Tiens, vois-tu, les voilà tous remis, et ils se portent à merveille.

      MARGUERITE.

      Tant mieux! J'avais peur de vous faire de la peine.»

      La diligence relevée, Marguerite continua à la traîner, mais avec plus de précaution, car elle avait un très bon cœur, et elle aurait été bien fâchée de faire de la peine à ses petites amies.

      Elles rentrèrent au bout d'une heure pour dîner, et couchèrent ensuite la petite Marguerite, qui était très fatiguée.

       Table des matières

       Table des matières

      Pendant que les enfants jouaient, le médecin était venu voir Mme de Rosbourg: il ne trouva pas la blessure dangereuse, et il jugea que la quantité de sang qu'elle avait perdu rendait une saignée inutile et empêcherait l'inflammation. Il mit sur la blessure un certain onguent de colimaçons, recouvrit le tout de feuilles de laitue qu'on devait changer toutes les heures, recommanda la plus grande tranquillité, et promit de revenir le lendemain.

      Marguerite venait voir sa mère plusieurs fois par jour; mais elle ne restait pas longtemps dans la chambre, car sa vivacité et son babillage agitaient Mme de Rosbourg tout en l'amusant. Sur un coup d'œil de Mme de Fleurville, qui ne quittait presque pas le chevet de la malade, les deux sœurs emmenaient leur petite protégée.

      Les soins attentifs de Mme de Fleurville remplirent de reconnaissance et de tendresse le cœur de Mme de Rosbourg; pendant sa convalescence elle exprimait souvent le regret de quitter une personne qui l'avait traitée avec tant d'amitié.

      «Et pourquoi donc me quitteriez-vous, chère amie? dit un jour Mme de Fleurville. Pourquoi ne vivrions-nous pas ensemble? Votre petite Marguerite est parfaitement heureuse avec Camille et Madeleine, qui seraient désolées, je vous assure, d'être séparées de Marguerite; je serai enchantée si vous me promettez de ne pas me quitter.

      MADAME DE ROSBOURG.

      Mais ne serait-ce pas bien indiscret aux yeux de votre famille?

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Nullement. Je vis dans un grand isolement depuis la mort de mon mari. Je vous ai raconté sa fin cruelle dans un combat contre les Arabes, il y a six ans. Depuis j'ai toujours vécu à la campagne. Vous n'avez pas de mari non plus, puisque vous n'avez reçu aucune nouvelle du vôtre depuis le naufrage du vaisseau sur lequel il s'était embarqué.

      MADAME DE ROSBOURG.

      Hélas! oui; il a sans doute péri avec ce fatal vaisseau: car depuis deux ans, malgré toutes les recherches de mon frère, le marin qui a presque fait le tour du monde, nous n'avons pu découvrir aucune trace de mon pauvre mari, ni d'aucune des personnes qui l'accompagnaient. Eh bien, puisque vous me pressez si amicalement de rester ici, je consens volontiers à ne faire qu'un ménage avec vous et à laisser ma petite Marguerite sous la garde de ses deux bonnes et aimables amies.

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Ainsi donc, chère amie, c'est une chose décidée?

      MADAME DE ROSBOURG.

      Oui, puisque vous le voulez bien; nous demeurerons ensemble.

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Que vous êtes bonne d'avoir cédé si promptement à mes désirs, chère amie! je vais porter cette heureuse nouvelle à mes filles; elles en seront enchantées.»

      Mme de Fleurville entra dans la chambre où Camille et Madeleine prenaient leurs leçons bien attentivement, pendant que Marguerite s'amusait avec les poupées et leur racontait des histoires tout bas, pour ne pas empêcher ses deux amies de bien s'appliquer.

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Mes petites filles, je viens vous annoncer une nouvelle qui vous fera grand plaisir. Mme de Rosbourg et Marguerite ne nous quitteront pas, comme nous le craignions.

      CAMILLE.

      Comment! maman, elles resteront toujours avec nous?

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Oui, toujours, ma fille, Mme de Rosbourg me l'a promis.

      —Oh! quel bonheur!» dirent les trois enfants à la fois.

      Marguerite courut embrasser Mme de Fleurville, qui, après lui avoir rendu ses caresses, dit à Camille et à Madeleine:

      «Mes chères enfants, si vous voulez me rendre toujours heureuse comme vous l'avez fait jusqu'ici, il faut redoubler encore d'application au travail, d'obéissance à mes ordres et de complaisance entre vous. Marguerite est plus jeune que vous. C'est vous qui serez chargées de son éducation, sous la direction de sa maman et de moi. Pour la rendre bonne et sage, il faut lui donner toujours de bons conseils et surtout de bons exemples.

      CAMILLE.

      Oh! ma chère maman, soyez tranquille; nous élèverons Marguerite aussi bien que vous nous élevez. Je lui montrerai à lire, à écrire; et Madeleine lui apprendra à travailler, à tout ranger, à tout mettre en ordre; n'est-ce pas, Madeleine?

      MADELEINE.

      Oui, certainement; d'ailleurs elle est si gentille, si douce, qu'elle ne nous donnera pas beaucoup de peine.

      —Je serai toujours bien sage, reprit Marguerite en embrassant tantôt Camille, tantôt Madeleine. Je vous écouterai, et je chercherai toujours à vous faire plaisir.

      CAMILLE.

      Eh


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