Les petites filles modèles. Comtesse de Ségur

Les petites filles modèles - Comtesse de Ségur


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domestique, et demanda immédiatement sa voiture.

      Une demi-heure après, la calèche de Mme de Rosbourg était prête. Elle y monta et se fit conduire à la ville de Moulins, qui n'était qu'à cinq kilomètres de la maison de campagne de Mme de Fleurville.

      Elle descendit chez un marchand de fleurs, et choisit les plus belles et les plus jolies.

      «Ayez la complaisance, monsieur, dit-elle au marchand, de m'apporter vous-même tous ces pots de fleurs chez Mme de Fleurville. Je vous ferai indiquer la place où ils doivent être plantés, et vous surveillerez ce travail. Je désire que ce soit fait la nuit, pour ménager une surprise aux petites de Fleurville.

      —Madame peut être tranquille; tout sera fait selon ses ordres. Au soleil couchant, je chargerai sur une charrette les fleurs que madame a choisies, et je me conformerai aux ordres de madame.

      —Combien vous devrai-je, monsieur, pour les fleurs et la plantation?

      —Ce sera quarante francs, madame; il y a soixante plantes avec leurs pots, et de plus le travail. Madame ne trouve pas que ce soit trop cher?

      —Non, non, c'est très bien; les quarante francs vous seront remis aussitôt votre ouvrage terminé.»

      Mme de Rosbourg remonta en voiture et retourna au château de Fleurville (c'était le nom de la terre de Mme de Fleurville). Elle donna ordre à son domestique d'attendre le marchand à l'entrée de la nuit et de lui faire planter les fleurs dans le petit jardin de Camille et de Madeleine. Son absence avait été si courte que ni Mme de Fleurville ni les enfants ne s'en étaient aperçues.

      A peine Mme de Rosbourg avait-elle quitté les petites, que toutes trois se dirigèrent vers leur jardin.

      «Peut-être, pensait Camille, restait-il encore quelques fleurs oubliées, seulement de quoi faire un tout petit bouquet.»

      Hélas! il n'y avait rien: tout était cueilli. Camille et Madeleine regardaient tristement et en silence leur jardin vide. Marguerite avait bien envie de pleurer.

      «C'est fait, dit enfin Madeleine; il n'y a pas de remède. Nous tâcherons d'avoir quelques plantes nouvelles, qui fleuriront plus tard.

      MARGUERITE.

      Prenez tout mon argent pour en acheter, Madeleine: j'ai quatre francs!

      MADELEINE.

      Merci, ma chère petite, il vaut mieux garder ton argent pour les pauvres.

      «Ayez la complaisance de m'apporter tous ces pots de fleurs.» (Page 27.)

      MARGUERITE.

      Mais si vous n'avez pas assez d'argent, Madeleine, vous prendrez le mien, n'est-ce pas?

      MADELEINE.

      Oui, oui, ma bonne petite, sois sans inquiétude, ne pensons plus à tout cela, et préparons notre jardin pour y replanter de nouvelles fleurs.»

      Les trois petites se mirent à l'ouvrage; Marguerite fut chargée d'arracher les vieilles tiges et de les brouetter dans le bois, Camille et Madeleine bêchèrent avec ardeur; elles suaient à grosses gouttes toutes les trois quand Mme de Rosbourg, revenue de sa course, les rejoignit au jardin.

      «Oh! les bonnes ouvrières! s'écria-t-elle. Voilà un jardin bien bêché! Les fleurs y pousseront toutes seules, j'en suis sûre.

      —Nous en aurons bientôt, madame, vous verrez.

      —Je n'en doute pas, car le bon Dieu récompensera toujours les bonnes petites filles comme vous.»

      La besogne était finie; Camille, Madeleine et Marguerite eurent soin de ranger leurs outils, et jouèrent pendant une heure dans l'herbe et dans le bois. Alors la cloche sonna le dîner, et chacun rentra.

      Le lendemain, après déjeuner, les enfants allèrent à leur petit jardin pour achever de le nettoyer.

      Camille courait en avant. Le jardin lui apparut plein de fleurs mille fois plus belles et plus nombreuses que celles qui y étaient la veille. Elle s'arrêta stupéfaite; elle ne comprenait pas.

      Madeleine et Marguerite arrivèrent à leur tour, et toutes trois restèrent muettes de surprise et de joie devant ces fleurs si fraîches, si variées, si jolies.

      Enfin, un cri général témoigna de leur bonheur; elles se précipitèrent dans le jardin, sentant une fleur, en caressant une autre, les admirant toutes, folles de joie, mais ne comprenant toujours pas comment ces fleurs avaient poussé et fleuri en une nuit, et ne devinant pas qui les avait apportées.

      «C'est le bon Dieu, dit Camille.

      —Non, c'est plutôt la sainte Vierge, dit Madeleine.

      —Je crois que ce sont nos petits anges», reprit Marguerite.

      Mme de Fleurville arrivait avec Mme de Rosbourg.

      «Voici l'ange qui a fait pousser vos fleurs, dit Mme de Fleurville en montrant Mme de Rosbourg. Votre douceur et votre bonté l'ont touchée; elle a été acheter tout cela à Moulins, pendant que vous vous mettiez en nage pour réparer le mal causé par Marguerite.»

      On peut juger du bonheur et de la reconnaissance des trois enfants. Marguerite était peut-être plus heureuse que Camille et Madeleine, car le chagrin qu'elle avait fait à ses amies pesait sur son cœur.

      Le lendemain, toutes les trois offrirent un bouquet composé de leurs plus belles fleurs, non seulement à Mme de Fleurville pour sa fête, mais aussi à Mme de Rosbourg, comme témoignage de leur reconnaissance.

       Table des matières

      UN AN APRÈS

      LE CHIEN ENRAGÉ

       Table des matières

      Un jour, Marguerite, Camille et Madeleine jouaient devant la maison, sous un grand sapin. Un grand chien noir qui s'appelait Calino, et qui appartenait au garde, était couché près d'elles.

      Marguerite cherchait à lui mettre au cou une couronne de pâquerettes que Camille venait de terminer. Quand la couronne était à moitié passée, le chien secouait la tête, la couronne tombait, et Marguerite le grondait.

      «Méchant Calino, veux-tu te tenir tranquille! si tu recommences, je te donnerai une tape.»

      Et elle ramassait la couronne.

      «Baisse la tête, Calino.»

      Calino obéissait d'un air indifférent.

      Marguerite passait avec effort la couronne à moitié; Calino donnait un coup de tête: la couronne tombait encore.

      «Mauvaise bête! entêté, désobéissant!» dit Marguerite en lui donnant une petite tape sur la tête.

      Au même moment, un chien jaune, qui s'était approché sans bruit, donna un coup de dent à Calino. Marguerite voulut le chasser: le chien jaune se jeta sur elle et lui mordit la main; puis il continua son chemin la queue entre les jambes, la tête basse, la langue pendante. Marguerite poussa un petit cri; puis, voyant du sang à sa main, elle pleura.

      Camille et Madeleine s'étaient levées précipitamment au cri de Marguerite. Camille suivit des yeux le chien jaune; elle dit quelques mots tout bas à Madeleine, puis elle courut chez Mme de Fleurville.

      «Maman, lui dit-elle tout bas, Marguerite


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