Des variations du langage français depuis le XIIe siècle. F. Génin

Des variations du langage français depuis le XIIe siècle - F. Génin


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italienne, et qu'il la croit introduite depuis peu par les mignons d'Henri III. Il ignore que c'est la valeur ancienne de l'x; il s'imagine que l'x est banni par cette prononciation, et remplacé par la double s. Au reste, voici comment s'exprime au sujet de cet x M. Philausone; je conserve l'orthographe étrange d'Henri Estienne:

      «Philausone.—Je pense bien que quant au mot latin vexare, si un Italien qui entendret le francés en voulet user, l'accommodant à son langage, autant qu'il auroit l'honnesteté en recommandation, autant seret il soigneux de lui garder sa lettre x

      Philalèthe demande naïvement pourquoi.—«Pour ce, répond l'autre, qu'il tomberet en un equivoque fort deshonneste au langage francés.»

      (Du langage français italianisé, p. 571.)

      Henri Estienne s'imagine que c'est là un argument d'une grande portée. Cela ne prouve rien du tout, sinon qu'alors le mot vexer n'était pas encore fait, et que quand on l'a créé, l'equivoque deshonneste n'était plus à craindre, parce que la tradition de la véritable valeur de l'x, perdue dans beaucoup de mots, permettait de prononcer vexer comme on prononce aujourd'hui maxime et Alexandre.

      Dans les plus vieux monuments de la langue française, par exemple dans Villehardoin, x à la fin d'un mot donne à la voyelle précédente a ou e, le son d'une diphthongue moderne composée avec cette voyelle et l'u. Ainsi Villehardoin met toujours des chevax, des vaissiax; c'est sans aucun doute chevaux, vaissiaux. L's n'aurait pas eu cette propriété. On rencontre, dans des écrits du XIIIe siècle, beax et loyax pêle-mêle avec la notation beaus et loyaus, qui s'établissait dès cette époque.

      Dans la traduction inédite des Lettres d'Abélard par Jean de Meun, on lit à la page 6: «La parole que Ajaus disait.» Ajaus, parce que le latin s'écrit Ajax. Le scribe a figuré la prononciation de son temps.

      Diex, Dieu:

      Pardonne moi, biau sires Diex,

      Car je sens que je deviens vieux.

      Dans le fabliau d'Auberée la vielle maquerelle, Auberée raconte au mari dupé comment un jeune homme lui a confié, pour le raccommoder, un surcot dont il avait, dans une partie de plaisir, déchiré la fourrure d'écureuil:

      Un vallet vint ci avant hier;

      Por recoudre et por afaitier

      Si me bailla un sien sercot,

      Que rompu ot a un escot

      Ne sai trois escurex ou quatre.

      Escureux. Le même mot se trouve écrit escureax, pour le besoin de la rime, dans la description de ce surcot:

      Li surcoz fu toz a porfil

      Forrez de menuz escureax.

      Mult soloit estre gens et beax

      Escureaux rime avec beaux.

      «Le surcot était sur tous les bords fourré de fins écureuils. Le jeune homme était ordinairement gentil et beau.»

      Ménage raconte que Louis XIV, ayant un jour demandé d'où venait cet x final dans les pluriels où l's semblait plus naturellement appelée, personne ne put le lui dire. Cette question avait déjà occupé les grammairiens. Jacques Pelletier, du Mans, l'a traitée et résolue à sa manière dans son dialogue de l'orthographe. C'est, dit-il, que les Français, écrivant trop vite et lisant de même, sont sujets à confondre les lettres; et, pour prévenir les effets de cette rapidité, ils ont imaginé d'employer des caractères de diverse figure. Par exemple, ils ont écrit le nombre deux par un x, afin qu'on ne pût lire dens. Il serait si facile, en effet, de prendre l'un pour l'autre! Voilà où en viennent tous ceux qui ne voient que la langue écrite. Cette habile explication de Pelletier a été recueillie précieusement par Théodore de Bèze; Ménage ose douter qu'elle soit la bonne.

      Z.

      Z final communique à l'e qui le précède le son fermé.

      Bonaventure Desperriers donne à ses élèves une règle pour l'emploi du z à la fin des substantifs pluriels. Si le singulier se termine par un é fermé, le pluriel prend un z au lieu d'une s:

      Vous avez toujours s à mettre

      A la fin de chaque pluriel,

      Sinon qu'il y ait une lettre

      Et quand e y a son entier.

      Bonté vous guide à ses bontez.

      Si vous suivez autre sentier,

      Vos bonnes notes mal notez.

      (Œuvres de B. Desperriers (1544), p. 182.)

      «Car, dit Étienne Dolet, z est le signe de e masculin (é) au pluriel nombre des verbes de seconde personne, et ce, sans aucun accent marqué dessus. Exemple: Si vous aymez la vertu, jamais vous ne vous adonnerez à vice, et vous esbatterez toujours à quelque exercice honneste.» (Les Accents françois.)

      Il prescrit, en conséquence, d'écrire des voluptés avec l'accent aigu si l'on met une s à la fin, ou par un z sans accent sur l'e.

      Quoique le z soit depuis longtemps dépossédé de ces fonctions que lui assignait Desperriers, nous avons conservé l'habitude irréfléchie d'écrire par un z le nez, et nous mettons l's et l'é accentué à des gens bien nés.

      § II.

       OBSERVATION SUR LA FINALE DES PLURIELS.

      Il est essentiel de noter ici comment on écrivait au pluriel les mots terminés au singulier par d ou t. Nos grammaires modernes prescrivent d'ajouter une s tout simplement: grand, grands; enfant, enfants; moment, moments.

      Nos pères n'en usaient pas ainsi. Le t était la finale euphonique caractérisant le singulier; l's était celle du pluriel. On substituait l'une à l'autre, on ne les accumulait pas.

      —«Amasa partid de curt pur faire le cumandemenT


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