Des variations du langage français depuis le XIIe siècle. F. Génin

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li vint;

      Hueses tirees dont li talons en ist.

      Begues le voit, si l'a a raison mis:

      Venez avant, fait il, sires cousins.

      (T. II, p. 153.)

      «Il (le duc) regarde derrière lui, et voit venir Rigaud, un jeune homme fils du roturier Hervis. Rigaud avait de gros bras, des membres épais, larges épaules et large poitrine, les cheveux hérissés, le visage barbouillé; il y avait six mois pleins qu'il ne s'était lavé, et l'eau ne le touchait point, sinon qu'elle tombât du ciel. Il portait une robe courte qui lui allait au genou, des bottes usées d'où son talon sortait. Le duc Bègues le voit, il lui adresse la parole: Monsieur mon cousin, venez un peu ici, etc.»

      Au moyen de cette condition, je veux dire l'annulation de la consonne ou des consonnes finales, la rime en i se trouve la plus féconde de notre langue.

      On écrivait prins, surprins avec une n, pour rappeler aux yeux l'infinitif prendre; mais on prononçait pris, surpris.

      Dans le Mystère de la Passion, les apôtres saint Pierre et saint Jean vont préparer la cène dans la maison de Zachée. «Ils dressent la table et la touaille, et des fouasses dessus, avecques des laictues vertes en des plats turquins, et abillent l'agneau pascal;» puis, lorsque ces préparatifs sont terminés, ils s'impatientent de ne pas voir arriver Jésus:

      S. PIERRE.

      Viegne hardiment nostre maistre

      Quant il luy plaira; tout est prest.

      S. JEHAN.

      Je ne say d'où vient cet arrest

      Qu'il n'est venu.

      S. PIERRE.

      La place est prinse,

      Le vin tiré, la table mise,

      L'aigneau rosti, la saulce faicte.

      Il ne fault sinon qu'on se mette

      A table.

      En présence de faits si nombreux et si concluants, il me semble impossible de révoquer en doute le mutisme des consonnes multipliées, qui blessent nos regards dans les textes du moyen âge. Évidemment nous avions confondu l'indication étymologique ou euphonique avec le signe du langage.

      Que devient cependant l'accusation de barbarie intentée par Voltaire? Ruinée par la base, elle tombe à plat. Voltaire s'est trompé, pour en avoir cru ses yeux. Il a raisonné cette fois comme les grammairiens qui voient toujours leur morceau de papier, et ne voient que cela. C'est au papier qu'ils rapportent tout. On écrit fust et baailler, dit Théodore de Bèze, pour distinguer un fust d'il fut, et baailler (oscitare) de bailler (donner). Cela était effectivement bien nécessaire, car il y aurait grand danger de confondre un bâton, fust, avec le subjonctif du verbe être, et l'idée de bâillement avec celle d'un cadeau! De même, on a mis un p à compte, bien adroitement! pour distinguer un compte d'argent du possesseur d'un comté, et l'un et l'autre d'un conte à dormir debout. Et cette s, cet a, ce p, sont d'autant plus efficaces à prévenir la confusion qu'on ne les prononçait pas: c'est de Bèze lui-même qui nous en avertit. Mais l'œil, mais le papier!… Il semble, à entendre Théodore de Bèze, qu'on eût posé en principe de bannir de la langue toute apparence des mots homonymes. Cette loi eût été aussi mal observée qu'elle était puérile.

      Fust prenait une s, en mémoire de fustis; baailler prenait deux a, parce qu'il a été formé par onomatopée; compte avec un p venait de computum; comte avec une m, de comes; conte avec une n, de l'italien conto ou racconto. Les yeux voyaient l'étymologie, mais l'oreille ne l'entendait pas.

      De tout cela, je conclus que les modernes ont été dupes de leur vanité, et n'ont pu deviner un système meilleur que le leur, car il conciliait l'étymologie et la prononciation, tandis que nous nous évertuons à sacrifier l'une pour nous rapprocher de l'autre. Nous avons renoncé à marquer l'étymologie; toutefois nous sommes encore empêtrés d'une foule de consonnes parasites, et nous figurons très-mal la prononciation.

      L'ignorance des règles primitives du langage et de l'écriture a introduit des milliers d'abus et d'inconséquences. On s'est mis à faire jouer la consonne finale sur deux voyelles, en avant et en arrière à la fois. Il en résulte qu'on prononce aujourd'hui d'une façon absolument identique: cet homme et sept hommes; dans une phrase donnée, il faudrait parler latin pour ôter l'équivoque et expliquer ce qu'on veut dire en français. On disait jadis ce-thomme; ce tici, ce tila (cettui ci, cettui la). C'est encore la prononciation du peuple, c'est-à-dire la bonne. Les lettrés qui veulent s'en moquer la figurent ou plutôt la défigurent en écrivant sthomme, stici, stila, mots barbares impossibles à prononcer pour un Gaulois du bon temps, puisqu'ils commencent par deux consonnes.

      Dans sept hommes, le t appartient à sept comme venant de septem; dans ce thomme, le t est purement euphonique, et se porte sur homme sans affecter ce, non plus que dans appelle-t-on il n'affecte appelle. Ce t est si bien d'emprunt, qu'il ne paraît pas dans ce monde. C'est une de ces consonnes intercalaires que nos aïeux prodiguaient dans le discours parlé au grand bénéfice de l'euphonie, et dont l'abolition graduelle, et aujourd'hui à peu près totale, a complétement bouleversé la physionomie du langage français, lui enlevant son caractère essentiel de douceur, pour y substituer la rudesse du Nord.

      Par bonheur il reste encore dans le langage du peuple et dans les manuscrits assez d'indications pour nous guider, et nous aider à retrouver le mécanisme de ce système. Nous allons l'essayer dans le chapitre suivant.

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