Une histoire d'Amour : George Sand et A. de Musset. Paul Mariéton

Une histoire d'Amour : George Sand et A. de Musset - Paul Mariéton


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de l'anglais par A. D. M., 1 vol. in-18. Paris, Marne et Pincebourde, 1828.

      Ce n'était que rancune contre Paul de Musset: Lui et Elle venait de paraître (1861) en réponse à Elle et Lui.

      Si le poète a abusé de la débauche, il est resté généreux, comme sont les faibles. Déjà son génie est mûr pour les grands cris humains. L'esprit gai et le coeur mélancolique, il n'a qu'effleuré les joies et les douleurs du véritable amour. Voici venir la passion qui transformera son âme, qui, épurant et élevant ses qualités natives, lui arrachera des cris immortels.

      George Sand touche à la trentaine. Elle a aussi sa légende; mais celle-ci a dépassé les bornes d'un cénacle. Elle est célèbre pour sa vie indépendante dans un mariage qu'elle n'a pas rompu, pour ses allures d'androgyne, son goût des paradoxes sociaux, sa liaison avec Jules Sandeau, leur livre (Rosé et Blanche, signé «Jules Sand»), ses livres surtout, Indiana et Valentine. Elle achève Lélia qui va mettre le sceau à sa gloire future.

      Petite-fille du receveur-général Dupin de Francueil et d'une bâtarde de l'aventureux et brillant Maurice de Saxe,—femme indulgente et fine, à l'esprit fort et cultivé, aïeule d'ancien régime, qui fut sa vraie éducatrice,—elle est née des amours d'un soldat, leur enfant prodigue, avec la fille d'un oiseleur.

      Entre sa grand'mère aristocrate et sa mère restée très peuple, elle fut tiraillée et troublée dans ses jeunes tendresses. Le couvent des Augustines de Paris, où on la mit de bonne heure, développa ses penchants mystiques. De retour à Nohant, ces souvenirs religieux, l'influence contraire de sa grand'mère et du bonhomme Dechartres, qui avait été le précepteur de son père, des lectures enthousiastes de Chateaubriand et de Rousseau, enfin le sentiment de la nature, qu'éveillaient en elle ses promenades dans la Vallée Noire, ce paysage du Berry qu'elle a fait légendaire, s'amalgamèrent dans cette âme pour former son génie rêveur et passionné, mélancolique et oratoire, pour alimenter sa verve descriptive, abondante comme une source, vers les grands horizons, pourtant désenchantés, du plus invincible optimisme.

      Mme Dupin de Francueil étant morte, elle passait quelque temps chez sa mère, à Paris, puis se mariait. L'homme qu'elle épousait (1822), dans l'espoir, de l'amour, mais sans enthousiasme, M. Casimir Dudevant, fils naturel d'un colonel baron de l'Empire, avait été lui-même soldat. Jeune encore, mais de peu d'imagination, il ne tardait pas à se laisser enliser par la vie rurale.

      On peut croire qu'il fut longtemps sans soupçonner la valeur d'intelligence et de sensibilité de sa compagne. Il devait bientôt cesser de lui plaire, pour un prosaïsme peut-être sermonneur, qui heurtait chez elle de vifs penchants à l'exaltation romantique.

      Buvait-il plus que de raison et était-il aussi brutal qu'on l'a laissé entendre? Nous ne le rechercherons pas. Du moins le séjour de Nohant pesait-il à la jeune femme, malgré les fréquents voyages à l'aide desquels son mari s'ingéniait à la distraire. Au cours d'une de ces absences, souvent fort prolongées, Aurore Dudevant rencontrait à Bordeaux, revoyait a Cauterets, l'homme qui lui a révélé l'amour.

      C'était un jeune magistrat, M. Aurélien de Sèze, dont le grand sens et l'honnêteté retardèrent de six ans,—les six ans que dura cette affection platonique,—la crise qui fera quitter son foyer à celle qui sera George Sand. Mais nous ne pouvons nous attarder sur cette période de sa vie, d'ailleurs incomplètement explorée.

      La monotone compagnie de M. Dudevant lui devenait insupportable.

      Après neuf ans de mariage et sans vouloir s'avouer l'inquiétude de ses sens,—elle affecta toujours de n'en pas convenir,—elle s'était violemment avisée que l'heure était venue de vivre à sa fantaisie, sans pourtant rompre tout à fait.

      Un beau matin, sur le premier prétexte, elle se montre offensée, déclare son intérieur intolérable et demande une pension, pour partager sa vie entre Paris, où elle fera métier d'écrire, et Nohant, où elle retrouvera ses enfants. M. Dudevant accepte, résigné, et en janvier 1831, la jeune femme, ivre d'air libre et d'espérance, débarque au quartier Latin où l'attend un petit groupe ami d'étudiants berrichons.

      Alors commence cette existence en partie double, bourgeoise et rangée en Berry, près de ses enfants, trois mois sur six, singulièrement émancipée les trois mois suivants à Paris.—Déjà s'établissait sa légende. La châtelaine patiente et rêveuse de Nohant se transformait en un étudiant imberbe, aux longs cheveux bouclés, coiffés d'un béret de velours, noir comme eux, vêtu d'une redingote de bousingot, arborant la cravate rouge, et toujours la cigarette aux lèvres.

      Son costume était, d'ailleurs, la moindre de ses libertés. A peine dissimulait-elle, dans sa société de Paris, sa liaison avec Sandeau. Si elle essaie de se justifier de cette indépendance dans l'Histoire de ma vie,—étrange histoire, en effet, dont le malheureux Chopin disait à Delacroix qu'il la défiait bien de l'écrire, et qui n'est plus que réticences au moment où on y cherche des révélations,—du moins sa correspondance l'accable. Non pas ses lettres déférentes à sa mère, Mme Dupin, ou passionnées de tendresse à son fils, mais celles à ses amis berrichons, ses compagnons de Paris, Alphonse Fleury, Charles Duvernet, à l'effarouché Boucoiran lui-même, son confident de la première heure, lettres où un furieux amour de liberté quand même, voire de bohème, éclate entre les lignes... Mais on jasait d'elle maintenant à la Châtre. Agacée, elle prit ses coudées franches.


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