Dictionnaire de la langue verte. Alfred Delvau
chez lequel les voleurs vont, moyennant trente sous par jour, se métamorphoser en curés, en militaires, en médecins, en banquiers, selon leurs besoins du moment.
CHANOINE, s. m. Rentier,—dans l'argot des voleurs.
Au féminin, Chanoinesse.
CHANOINE DE MONTE-A-REGRET. Condamné à mort.
CHANTAGE, s. m. Industrie qui consiste à soutirer de l'argent à des personnes riches et vicieuses, en les menaçant de divulguer leurs turpitudes; ou seulement à des artistes dramatiques qui jouent plus ou moins bien, en les menaçant de les éreinter dans le journal dont on dispose.
CHANTÉ (Être). Être dénoncé,—dans l'argot des voleurs.
CHANTEAU, s. m. Morceau de pain ou d'autre chose,—dans l'argot du peuple.
CHANTER, v. a. Parler,—dans l'argot du peuple, qui n'emploie ce verbe qu'en mauvaise part.
Faire chanter. Faire pleurer.
CHANTER (Faire). Faire donner de l'argent à un homme riche qui possède un vice secret que l'on connaît, ou à un artiste dramatique qui tient à être loué dans un feuilleton.
L'expression est vieille comme le vice qu'elle représente.
CHANTER LE CHANT DU DÉPART, v. a. Quitter une réunion, une compagnie d'amis,—dans l'argot des bohèmes.
CHANTER POUILLE, v. n. Chercher querelle, dire des injures. Argot du peuple.
CHANTEUR, s. m. Homme sans moralité qui prend en main la cause de la morale quand elle est outragée par des gens riches.
CHANTEUR DE LA CHAPELLE SIXTINE, s. m. Homme qui, par vice de conformation ou par suite d'accident, pourrait être engagé en Orient en qualité de capi-agassi.
CHAPARDER, v. a. Marauder,—dans l'argot des troupiers.
CHAPARDEUR, s. m. Maraudeur.
CHAPEAU EN BATAILLE, s. m. Dont les cornes tombent sur chaque oreille. Argot des officiers d'état-major.
Chapeau en colonne. Placé dans le sens contraire, c'est-à-dire dans la ligne du nez.
CHAPELLE, s. f. Cabaret, buvette quelconque,—dans l'argot des ouvriers, dévots à Bacchus.
Faire ou Fêter des chapelles. Faire des stations chez tous les marchands de vin.
CHAPI, s. m. Chapeau,—dans l'argot des faubouriens, dont les ancêtres ont dit chapel et chapin.
CHAPITEAU, s. m. La tête,—sommet de la colonne-homme. Même argot.
CHAPON, s. m. Morceau de pain frotté d'ail,—dans l'argot du peuple, qui en assaisonne toutes les salades.
On dit aussi Chapon de Gascogne.
CHAPON DE LIMOUSIN, s. m. Châtaigne.
CHAPSKA, s. m. Chapeau. Argot des faubouriens.
C'est un souvenir donné à la coiffure des lanciers polonais,—de la garde nationale de Paris.
CHAPUISER, v. n. Tailler, couper,—dans l'argot du peuple, qui emploie là un des vieux mots de notre langue.
CHARABIA, s. m. Patois de l'Auvergne.
Se dit aussi pour Auvergnat.
CHARCUTER, v. a. Couper un membre; opérer.
CHARCUTIER, s. m. Chirurgien.
CHARDON DU PARNASSE, s. m. Mauvais écrivain,—dans l'argot des Académiciens, dont quelques-uns pourraient entrer dans la tribu des Cinarées.
CHARDONNERET, s. m. Gendarme,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion au liseré jaune du costume de la maréchaussée.
CHARGÉ (Être). Être en état d'ivresse, dans l'argot des ouvriers.
CHARGÉE (Être). Avoir levé un homme au bal, ou sur le trottoir,—dans l'argot des petites dames.
CHARGER, v. a. et n. Enlever un décor. Argot des coulisses.
C'est la manœuvre contraire à Appuyer.
CHARLEMAGNE, s. m. Sabre-poignard,—dans l'argot des troupiers.
CHARLOT. L'exécuteur des hautes œuvres,—dans l'argot du peuple.
Le mot est antérieur à 1789.
Soubrettes de Charlot. Les valets du bourreau, chargés de faire la toilette du condamné à mort.
Les Anglais disent de même Ketch ou Jack Ketch,—quoique Monsieur de Londres s'appelle Calcraft.
CHARMANTE, s. f. La gale,—dans l'argot des voleurs.
CHARMER LES PUCES, v. a. Se mettre en état d'ivresse,—dans l'argot du peuple.
CHAROGNE, s. f. Homme difficile à vivre,—dans l'argot des faubouriens.
Signifie aussi Homme roué, corrompu.
CHARPENTER LE BOURRICHON (Se), v. réfl. S'enflammer à propos de n'importe qui ou de n'importe quoi,—dans l'argot des ouvriers.
CHARPENTIER, s. m. Celui qui agence une pièce, qui en fait la carcasse,—dans l'argot des dramaturges, qui se considèrent, avec quelque raison, comme des ouvriers de bâtiment.
CHARRIAGE, s. m. Vol pour lequel il faut deux compères, le jardinier et l'Américain, et qui consiste à dépouiller un imbécile de son argent en l'excitant à voler un tas de fausses pièces d'or entassées au pied d'un arbre, dans une plaine de Grenelle quelconque.
S'appelle aussi Vol à l'Américaine.
CHARRIEUR, s. m. Voleur qui a la spécialité du charriage.
Charrieur, cambrousier. Voleur qui exploite les foires et les fêtes publiques.
Charrieur de ville. Celui qui vole à l'aide de procédés chimiques.
Charrieur à la mécanique. Autre variété de voleur.
CHARRON, s. m. Voleur.
CHARTRON, s. m. Position des acteurs vers la fin d'une pièce.
Faire ou Former le chartron. Ranger les acteurs en ligne courbe devant la rampe, au moment du couplet final.
CHAS ou CHASSE, s. m. Œil,—dans l'argot des voleurs, soit parce que les yeux sont les trous au visage, ou parce qu'ils en sont les châssis, ou enfin parce qu'ils ont parfois, et même souvent, la chassie.
Ce mot qui ne se trouve pourtant dans aucun dictionnaire respectable, est plus étymologique qu'on ne serait tenté de le supposer au premier abord. Je m'appuie, pour le dire, de l'autorité de Ménage, qui fait venir chassie de l'espagnol cegajoso, transformé par le patois français en chaceuol, qui voit mal, qui a la vue faible. Et, dans le même sens nos vieux auteurs n'ont-ils pas employé le mot chacius?
Châsses d'occase. Yeux bigles, ou louches.
CHASSE, s. f. Réprimande, objurgation, reproches,—dans l'argot des ouvriers.
Foutre une chasse. Faire de violents reproches.
CHASSE-COQUIN, s. m. Bedeau,—dans l'argot du peuple.
CHASSE-COUSIN, s. m. Mauvais vin,—dans l'argot des bourgeois, qui emploient volontiers ce remède héroïque, quand ils «traitent» des parents importuns, pour se