Dictionnaire de la langue verte. Alfred Delvau
peuple.
Avoir trop d'ingéniosité dans l'esprit et dans le style, s'amuser aux bagatelles de la phrase au lieu de s'occuper des voltiges sérieuses de la pensée. Argot des gens de lettres.
CHERCHER MIDI A QUATORZE HEURES, v. a. Hésiter à faire une chose, ou s'y prendre maladroitement pour la faire,—dans l'argot du peuple, ennemi des lambins.
Signifie aussi: Se casser la tête pour trouver une chose simple.
CHETAR ou Jetar, s. m. Prison. Argot des voleurs.
CHEVAL DE RETOUR, s. m. Vieux forçat, récidiviste.
CHEVAL DE TROMPETTE, s. m. Homme aguerri à la vie, comme un cheval de cavalerie à la guerre. Argot du peuple.
Être bon cheval de trompette. Ne s'étonner, ne s'effrayer de rien.
CHEVALIER DU CROCHET, s. m. Chiffonnier.
CHEVALIER DU LANSQUENET, s. m. Homme qui fait volontiers le pont, à n'importe quel jeu de cartes,—dans l'argot des bourgeois, qui ne sont pas fâchés de mettre au rancart certaines autres expressions sœurs aînées de celle-ci, comme Chevalier d'industrie, etc.
CHEVALIER DU LUSTRE, s. m. Applaudisseur gagné. Argot de théâtre.
On dit aussi Romain.
CHEVALIER DU MÈTRE, s. m. Commis de nouveautés.
CHEVANCE, s. f. Ivresse,—dans l'argot des voleurs, qui savent que, dans cet état, les plus gueux se croient toujours heureux et riches.
CHEVELU, s. m. Romantique,—dans l'argot des bourgeois de 1830.
CHEVEU, s. m. Embarras subit, obstacle quelconque, plus ou moins grave,—dans l'argot du peuple.
Je regrette de ne pouvoir donner une étymologie un peu noble à ce mot et le faire descendre soit des Croisades, soit du fameux cheveu rouge de Nisus auquel les Destins avaient attaché le salut des Mégariens; mais la vérité est qu'il sort tout simplement et tout trivialement de la non moins fameuse soupe de l'Auvergnat imaginé par je ne sais quel farceur parisien.
Trouver un cheveu à la vie. La prendre en dégoût et songer au suicide.
Voilà le cheveu! C'est une variante de: Voilà le hic!
CHEVILLARD, s. m. Boucher sans importance,—dans l'argot des gros bouchers, qui n'achètent pas à la cheville, eux!
CHÈVRE, s. f. Mauvaise humeur,—dans l'argot des ouvriers, et spécialement des typographes.
Avoir la chèvre. Être en colère.
Gober la chèvre. Être victime de la mauvaise humeur de quelqu'un. Signifie aussi se laisser berner.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on disait, dans le même sens, Prendre la chèvre.
CHEVRONNÉ, s. et adj. Récidiviste,—dans l'argot des prisons.
CHEVROTIN (Être). Avoir un caractère épineux, difficile à manier, qui amène souvent des chèvres.
CHIASSE, s. f. Diarrhée,—dans l'argot du peuple.
CHIASSE, s. f. Chose de peu de valeur; marchandise avariée. Même argot.
Chiasse du genre humain. Homme méprisable.
CHIASSE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des faubouriens, disrespectueux de la femme en général et en particulier.
CHIC, s. m. Habileté de main, ou plutôt de patte,—dans l'argot des artistes, qui ont emprunté ce mot au XVIIe siècle.
Faire de chic. Dessiner ou peindre sans modèle, d'imagination, de souvenir.
CHIC, s. m. Goût, façon pittoresque de s'habiller ou d'arranger les choses,—dans l'argot des petites dames et des gandins.
Avoir du chic. Être arrangé avec une originalité de bon—ou de mauvais—goût.
Avoir le chic. Posséder une habileté particulière pour faire une chose.
CHIC (Être). Être bien, être bon genre,—dans le même argot.
Monsieur Chic. Personne distinguée—par sa générosité envers le sexe.
Discours chic. Discours éloquent,—c'est-à-dire rigolo.
CHICAN, s. m. Marteau,—dans l'argot des voleurs.
CHICARD, adj. et s. Superlatif de Chic.
Ce mot a lui-même d'autres superlatifs, qui sont Chicandard et Chicocandard.
CHICARD, s. m. Type de carnaval, qui a été imaginé par un honorable commerçant en cuirs, M. Levesque, et qui est maintenant dans la circulation générale comme synonyme de Farceur, de Roger-Bontemps, de Mauvais sujet.
CHICARDEAU, adj. m. Poli, aimable,—dans l'argot des faubouriens.
CHICARDER, v. n. Danser à la façon de Chicard, «homme de génie qui a modifié complètement la chorégraphie française», affirme M. Taxile Delord.
CHICHE, s. m. Économe, et même Avare,—dans l'argot des bourgeois.
On dit aussi Chichard.—Notre vieux français avait chice.
CHICHE! Exclamation de défi ou de menace,—dans l'argot des enfants et des ouvriers.
CHICHERIE, s. f. Lésinerie.
Notre vieux français avait chiceté.
CHICORÉE, s. f. Verte réprimande, reproches amers qui souvent se changent même en coups. Tout le monde connaît le goût de la cichorium—endivia ou non endivia.
CHICORÉE, s. f. Femme maniérée, chipie.
Faire sa chicorée. Se donner des airs de grande dame, et n'être souvent qu'une petite dame.
CHICOT, s. m. Petit morceau de dent, de pain, ou d'autre chose,—dans l'argot du peuple.
CHICOTER (Se), v. réfl. Se disputer, se battre pour des riens. Même argot.
Ce verbe est vieux: on le trouve dans les Fabliaux de Barbazan.
CHIÉ, part. passé. Ressemblant.
C'est lui tout chié. Il a le même visage et surtout le même caractère.
CHIEN, s. m. Entrain, verve, originalité,—dans l'argot des gens de lettres et des artistes; bagou, impertinence, désinvolture immorale,—dans l'argot des petites dames.
CHIEN, s. m. Caprice de cœur,—dans l'argot des petites dames.
Avoir un chien pour un homme. Être folle de lui.
CHIEN, s. m. Compagnon,—dans l'argot des ouvriers affiliés au Compagnonnage.
CHIEN, s. et adj. Tracassier, méticuleux, avare, exigeant,—dans l'argot du peuple, qui se plaît à calomnier «l'ami de l'homme». C'est l'expression anglaise: Dog-bolt.
Vieux chien. Vieux farceur,—sly dog, disent nos voisins.
CHIENDENT, s. m. Difficulté, obstacle, anicroche,—dans l'argot du peuple, qui sait avec quelle facilité le hunds-grass pousse dans le champ de la félicité humaine.
Voilà le chiendent. Voilà le hic.
CHIEN